Les numéros de maillot ont-ils encore une valeur dans le football ?

Alors que Lamine Yamal récupère le numéro 10 au FC Barcelone, célébré par un cérémonial clinquant, se pose la question de la valeur à accorder aux numéros dans le football actuel.
Des caméras, des photographes, des costumes et même une grand-mère. Le branle-bas de combat était de mise sur l’avenue Arístides Maillol, siège du FC Barcelone. L’institution blaugrana célébrait en effet la remise du numéro 10 à son cher Lamine Yamal Nasraoui Ebana. Un héritage que beaucoup qualifieront de logique, au vu de la stature déjà conférée à ce gamin de 18 ans, et qui perpétue une belle signature footballistique qu’est celle de l’héritage. Mais ce cérémonial interroge tout de même sur la réelle valeur à encore donner aux numéros dans le football moderne. Car oui, si le numéro faisait encore foi dans les décennies précédentes, il semble aujourd’hui difficile de lui donner une place consistante dans la mémoire collective.
À Barcelone, le 10 a d’ailleurs mal vécu ces dernières années, à l’image des performances sportives du club avant son réveil sous Hansi Flick. Laissé libre par Lionel Messi, parti au Paris Saint-Germain, el diez s’est retrouvé sur le dos d’Ansu Fati. Colis piégé s’il en fallait un pour le jeune attaquant, plombé par les blessures, un prêt infructueux à Brighton et un déclassement notable dans la hiérarchie des talents censés faire vivre le football de demain. De quoi mouiller les yeux des supporters, biberonnés aux exploits de Ronaldinho et Messi, voire de Diego Maradona pour les plus anciens. Aujourd’hui, justice semble ainsi probablement rendue avec l’émergence de Lamine Yamal. Sous condition que le bonhomme confirme évidemment les espoirs placés en lui.
Un vestige du football à l’ancienne ?
Numéro ultime, le 10 se cantonne donc à un rôle symbolique, à défaut de fixer un positionnement tactique. Car Yamal n’est pas un meneur de jeu, tout comme ne l’est pas Ansu Fati. Par cette communication grandiose, le Barça a surtout essayé de raviver la flamme de la passation de pouvoir. Une volonté louable, à même de plaire à n’importe quel amoureux de football, mais qui tranche avec la réalité actuelle : plus grand-chose ne relie les numéros aux joueurs. Comme un vestige, il faut remonter au monde d’avant pour trouver la combinaison « initiales numéro » : R9, R10, CR7, KB9 sont ainsi devenus des marqueurs générationnels, voire des marques tout court.
De nos jours, difficile d’en faire autant. Les stars que sont Kylian Mbappé, Vinícius Júnior, Erling Haaland ou Ousmane Dembélé ne valent que par leur image, bien moins par leur dos de maillot. Autre exemple notable, Manchester United. Référence absolue, le numéro 7 des Mancuniens – George Best, Éric Cantona, David Beckham Cristiano Ronaldo – relève maintenant de l’inconnue, arboré par un Mason Mount passé aux oubliettes. Si l’on souhaite voir le verre à moitié plein, on dira alors qu’une équipe ne se limite pas à un seul numéro, mais à onze. Mais pour les nostalgiques, cette dévalorisation symbolise surtout une influence sportive de moins en moins solide, de joueurs pourtant censés être chefs de groupe. Ronaldo, Zidane, Ronaldinho, Cristiano Ronaldo, Messi l’ont toujours été et ont érigé leur identité numérique au rang de monument. À Lamine Yamal d’en faire de même, pour garder intact un peu de l’ancien football.
Sofoot