Un TAS d’irrégularités

Thierno Alassane Sall insiste sur le scandale de l’’’Asergate’’. À travers un document argumenté, il dénonce de sérieuses irrégularités dans le marché d’électrification rurale de 91 milliards F CFA attribué à l’entreprise espagnole AEE Power EPC. Au cœur de l’affaire : le paiement de 37 milliards F CFA dans des conditions jugées illégales, des alertes ignorées de la part d’une banque espagnole et une série de manœuvres troublantes.
En fin de compte, Thierno Alassane Sall fait preuve de beaucoup d’endurance dans cette affaire dénommée ‘’Asergate’’. Mais ce mardi, le député et leader de la République des valeurs a innové dans l’approche, avec un rapport de 8 pages qui retrace cette histoire à coups de milliards.
Le document pointe du doigt le paiement de 37 milliards F CFA qui se seraient ‘’totalement évaporés’’ plus de 14 mois après le décaissement de l’avance de démarrage. Ce décaissement a été effectué le 11 juin 2024 sur la base de garanties (cautions) émises par la Sonac pour un montant total de 56 millions d’euros, soit environ 37 milliards F CFA. Le rapport dénonce une violation flagrante de l’article 13 du Code Cima, car les cautions ont été émises ‘’sans paiement préalable des primes’’. Le paiement de ces primes a eu lieu tardivement, le 14 juin 2024, soit après l’émission des cautions.
Le mémoire parlementaire estime que ce règlement a été effectué ‘’selon toute vraisemblance, à partir de fonds publics’’ issus de l’avance de démarrage, ce qui pourrait s’apparenter à un ‘’détournement de deniers publics’’.
Le ministère des Finances a tenté de justifier ce paiement a posteriori en invoquant une ‘’prétendue disposition dérogatoire’’, une affirmation contredite par les factures de la Sonac qui stipulent clairement que ‘’la prise d’effet du contrat est subordonnée au paiement de la prime’’. Le rapport souligne le silence persistant de la Sonac, qui devra soit admettre la validité des cautions et restituer les 37 milliards, soit reconnaître que les primes n’ont pas été libérées à bonne date et se décharger de l’obligation de restitution.
TAS retrace l’histoire…
Le mémoire du parlementaire établit une chronologie détaillée des événements, illustrant une série de manquements.
Le marché est signé le 22 décembre 2022 et l’avance de démarrage est décaissée le 11 juin 2024. Dès le 12 juillet 2024, l’Arcop interpelle la Sonac sur l’irrégularité des cautions.
Face à l’absence de réponse et à la non-conformité des garanties, l’Arcop suspend le marché le 2 octobre 2024. Cette décision est confirmée par la Cour suprême le 21 novembre 2024.
Le 21 février 2025, une nouvelle ordonnance de la Cour suprême, après le remplacement du juge, lève la suspension du marché sur la base d’un ‘’élément nouveau’’ jugé fallacieux. Le rapport précise que cette décision ne tient pas compte des questions soulevées par les bailleurs sur la destination des fonds.
Le 12 juin 2025, le parlementaire adresse une question écrite au ministre des Finances et du Budget, mais constate, le 19 août 2025, son absence de réponse officielle, en violation du règlement de l’Assemblée nationale.
Le rapport souligne, par ailleurs, d’autres aspects préoccupants de cette affaire. Il mentionne des ‘’ingérences politiques manifestes’’ et le remplacement de plusieurs hauts responsables, comme le président de la Cour suprême et le directeur général de l’Arcop, qui soulèvent de ‘’vives suspicions quant à la volonté des autorités d’obtenir des décisions plus conformes à leurs desiderata’’. Le rapport estime que ces manœuvres laissent craindre une ‘’instrumentalisation délibérée de la justice’’.
Le document déplore également la ‘’légèreté’’ avec laquelle l’Aser a géré le projet, en manquant à son devoir de s’assurer du bon usage de l’enveloppe de 37 milliards F CFA.
Le rapport dénonce, par ailleurs, le fait qu’AEE Power EPC n’ait pas payé les frais d’études du consultant ni la redevance due à l’Arcop, des charges qui ont été ‘’assumées par la partie sénégalaise finalement écartée’’.
En conclusion, le rapport propose l’annulation immédiate du marché, l’inscription d’AEE Power EPC sur la liste noire nationale des entreprises exclues des marchés publics et une saisine de la justice pour enquêter sur l’utilisation des fonds publics et identifier les responsabilités.
Le député Thierno Alassane Sall conclut en affirmant qu’il continuera ‘’à exiger des comptes aux responsables et à défendre chaque franc de l’argent public’’.
Amadou Ba à la rescousse
Comme bien souvent, le parti au pouvoir ne s’est pas fait prier pour apporter une réplique à TAS. En effet, le député Amadou Ba est monté au créneau, après la conférence de presse de Thierno Alassane Sall.
Dans une déclaration publiée sur sa page Facebook notamment, le parlementaire estime que l’ancien ministre de l’Énergie sous Macky ‘’se noie dans un verre d’eau’’ et cherche à fuir le débat avec le directeur général de l’agence, Jean-Michel Sène.
Selon Amadou Ba, Thierno Alassane Sall ne parle plus de détournement et cela prouve, à ses yeux, la fragilité de ses accusations. ‘’Le dossier Aser sonnera le glas de sa crédibilité politique’’.
MAMADOU DIOP