“Bëgg Tubaab’’ (pro colonialiste). “Bann Tubaab... doyna...” (détester le pro colonialiste)
A l’occasion du 126 ème Grand Magal de Touba, je voudrais, en tant que, ‘’panafricaniste, chercheur/historien...amateur’’, revenir sur mes quelques réflexions quant à l’œuvre de Serigne Moussa Ka intitulées : « La compréhension de “Jizawasakoor-Geej gi’’ par un néophyte, un non-initié ». Cela après avoir réécouté la vidéo de Serigne Muusaa Gey-Ndar (sur YouTube), parcouru le livre du Pr. Sana Kamara, Truman University, Edit. juillet 2008- Papyrus Afrique, Gejawaay Université SERIN MUUSA KA,
Une fois encore, je voudrais préciser que je ne suis motivé que par la dimension historique et linguistique et non par une quelconque prétention de vouloir faire dans le domaine de l’exégèse de l’œuvre.
Ceci dit, je suis un peu étonné par le fait que nos’’ historiens’’ (arabophones comme francophones), soient silencieux par rapport à certains aspects, relatifs à la dimension politique de l’œuvre. Le pouvoir colonial, lui, ne s’est pas embarrassé pour attaquer le Cheikh, sous l’angle politique. On comprend que, pour des raisons de carrière, il était plus aisé, pour certains collabos, à quelques exceptions près, de faire, essentiellement, dans la théologie que dans l’analyse politique du colonialisme. Notons que nos ‘’historiens’’ ne sont pas seuls responsables en ce qui concerne ce désintérêt. Certains théologiens proches du pouvoir colonial et néocolonial, étaient et sont aujourd’hui à la manœuvre, pour plaire ou ne pas fâcher avec les maîtres.
Aussi, si on est attentif au récit, on est frappé par le détour effectué par le bateau transportant le Cheikh, vers le Gabon, au lieu de se diriger tout droit vers le port gabonais le plus proche, sur l’Atlantique.
A cet effet, des anecdotes, relatives à des lieux où fleuves, villes ou ports visités, où s’est approché le bateau entre Dakar et le Gabon, renseignent sur cet état de fait, sans être relevé par les analystes historiens.
Je pense à l’enclave de Cabinda (aux possessions portugaises de l’époque), aux ports et ville de Luanda, capitale actuelle de l’Angola Loudima, Matadi, se situant sur le grand fleuve Congo de la RDC (République Démocratique de Congo. Un travail de recherche devrait nous permettre de savoir, pourquoi le bateau ou le colon a obligé Amadou Bamba à faire ce détour, avant d’arriver au Gabon en passant par Brazzaville.
D’autre part, en écoutant attentivement Serigne Moussa Gueye, on se rend compte, tout en se délectant, intérieurement, pour le wolofophone averti, de la façon dont Serigne Moussa Gueye nomme ou prononce certains mots ou noms ( «Yatnang », pour ‘’Lieutenant’’) certains noms des villes (« Coutoumé » ), pour ‘’ Cotonou’’, «Limbarwali, pour (Libreville) le long du trajet. Comme a eu à le faire le colon, lors de son passage historique, au Sénégal et en ‘’Afrique Occidental’’.
Avant d’arriver à Mayombe au Gabon, on note que Ahmadou Bamba a été recommandé au commandant, d’origine sénégalaise, Doudou Mambaye et son compatriote, le fonctionnaire de douane Blaise Diagne. Ce dernier à qui Amadou Bamba lui posa cette question caustique, plus ou moins : « Yaay baleesa am Ibliisa ? » (Tu es Blaise ou Iblees (Satan) ?). Celui-ci, lui dit : « Maay Balees (Blaise Diagne), denala dimili, sa Jamu Waan laa », (littéralement, je suis esclave de ta cuisine). Moussa Ka ajoute: ‘’Baleesa fat yereem ya yobbu Lodima’’ (Ludima). Kerook, Beleesa roota na, Bamba xel li » (Ce jour-là, Blaise puisa de l’eau pour Bamba qui encaisse). Ma nga andak Maseen, Wajaa nga naann ba mandi. Cela, en compagnie d’un certain Massène, ivre, dans les vap ». Notons ici, en passant, que le Cheikh, ne n’a pas été intolérant envers Massène.
Elle a été attirée par les différents comportements des 2 personnages. Le commandant et le Douanier : Celui de Blaise Diagne, très courtois, d’une part, même si son comportement politique futur, lors de la première guerre mondiale a posé problème, au sujet de la levée des troupes. Quoique, des esprits retors, n’ont pas compris l’effort de guerre fourni par Bamba, pour la même cause.
D’autre part, la diatribe, savoureuse, épique, en langue wolof, entre Doudou Mambaye (Dudu Mambay), le puissant administrateur colonialiste et Seex Bamba (Cheikh Bamba). Doudou a tenté d’intimider le Cheikh en l’apostrophant de façon désobligeante : « Bëy du sooru Boy !» (La chèvre ne doit pas affronter un fauve). Amadou Bamba, dans sa réplique lui fit savoir dans un wolof châtié : « Ndaw du blam samaan, leegi mu buusuko, duusuu geej day bawaan » (un enfant ne doit pas titiller le cobra, il risque de recevoir ses baves. Car les vagues de la mer fait seffets).
Doudou, revient à la charge : « Bamba, yaw yaa pank, waaye serin sépp maalen sank » ( Bamba, toi tu es un « têtu », mais sache que j’ai conduit tous les marabouts à leur perte).
Et voici l’estocade du Cheikh, après la charge de Doudou : « ndaw du sooru maasub baayam. Sakkatumaag ka war a maaseeg maamam » (Un garçon ne doit pas défier l’égal de son père à fortiori, celui qui pourrait être son grand-père ».
Maintenant, il serait intéressant de savoir si, oui ou non, ce Doudou Mambaye, n’était pas, de même fabrique que certains des ‘’administrateurs civils’’, bornés et zélés du système néocolonial, actuel.
Peut-être qu’un jeune chercheur aura la curiosité de faire un tour aux archives des colonies, pour nous permettre d’en savoir quelque chose.
Le tordu est effarouché, dès qu’on lui rappelle ce principe de valeur que Serigne Touba, incarnait. Mais certains ‘’Bëgg Tubaab’’(pro colonialiste), contrairement ne s’activent que pour ça , au moment où il question de lutter contre la corruption : « Mann, alal du tax ma jengg….( Je ne serai pas pris par défaut, à cause de l’argent… du bien matériel )».
Tubaab, ici, veut dire colonialiste, selon l’entendement de Serigne Touba. Les magouilleurs, trafiquants, faussaires, corrupteurs, confusionnistes, ne feront jamais le départ entre le concept du Tubaab colonialiste et le Tubaab colonialiste, que Cheikh suggère à l'expression …" détester. ‘’Bann Tubaab… doyna… !!!’’
Dakar le 30 septembre.
Ababacar Fall-Barros