“Collectif des étudiants de kolda, permettez-moi… ”
Qu’un fils du Sénégal arrive -de par ses qualités personnelles, son abnégation, sa constance, sa persévérance…- à accéder à une station nationale de responsabilité, malgré les multiples contraintes de départ, peut être considéré comme un exemple et une source de fierté pour les ressortissants de son terroir mais aussi pour toute la nation.
Farouche volonté de s’en sortir
Les déséquilibres dans la répartition, à l’échelle nationale, des infrastructures éducatives en termes de logistiques, de ressources humaines et d’environnement stimulateur posent tellement de problèmes que réussir son parcours scolaire dans certaines localités du Sénégal relève d’un mérite évident, voire même d’un véritable parcours du combattant. Nuançant mon propos, pour ne pas tomber dans le tout négatif, il n’en demeure pas moins que l’on peut mettre à l’actif de ces zones, démunies sur beaucoup d’aspects, un avantage comparatif en termes d’environnement calme et apaisé qui sont, par-delà l’éducation, des facteurs structurants dans les apprentissages.
Ce à quoi on peut ajouter des facteurs psychologiques essentiels que sont la volonté et le désir de s’en sortir à tout prix. Autant d’ingrédients indispensables à toute réussite. Dans un article paru dans Dakaractu, qui relate un point de presse tenu le vendredi 12 juin par les étudiants de Kolda, M. Abdoulaye Sané, président des étudiants koldois de l’Université de Bambey et porte-parole du jour, a tenu les propos suivants : «Ce point de presse est né dans un contexte particulier. Depuis quelques moments, nous avons constaté que les sudistes occupant des postes sont souvent victimes d’attaques ou de calomnies. Par là, nous voulons nommer le Directeur national des Domaines, M. Mame Boye Diao…».
«Sudiste», ce mot très chargé
Cette affirmation, avec le mot «sudiste» comme vecteur argumentaire, me paraît dangereuse et ne reflète pas du tout alors la réalité de la composition sociologique de l’administration du Sénégal. Le terme «sudiste» renvoie à une page tragique de l’histoire d’un grand pays et le contexte de son étymologie et de son utilisation sont très loin du contexte des réalités sociologiques actuelles du Sénégal. Les spécificités ethniques et la problématique des régionalismes ont été prises en charge très tôt et déclinées dans les orientations politiques et administratives au tout début de l’indépendance de notre pays en vue de la construction et de la consolidation de l’État-Nation. Être originaire du sud, de l’est, du nord ou de l’ouest du Sénégal n’a jamais été un facteur de stigmatisation ou de blocage dans l’ascension de l’échelle sociale ou de la prise de responsabilité dans la haute administration de notre pays. Aussi bien au niveau central que territorial. Dans le domaine politique et administratif, des dirigeants de grands partis, de hauts cadres de l’administration centrale ou territoriale ou de syndicats viennent de diverses régions périphériques du Sénégal. Sans être exhaustif, on peut citer : Amadou Makhtar Mbow, Assane Seck, Émile Badiane, Mamba Guirassy, Daniel Cabou, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, Djibo Leïty Kâ, Robert Sagna, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Baldé… (Paix à Leurs Âmes pour les Disparus et merci à tous !).
Fermer à double tour la porte au chaos
La construction du Sénégal n’a jamais souffert de manière réelle et tangible de tensions ethnico-religieuses. Au-delà même des efforts fournis sur le plan national à cette fin, des tentatives sous régionales et régionales d’intégration ont été initiées : la Fédération du Mali et la Sénégambie pour ne citer que ces deux exemples. Pour dire et simplement saluer le génie et le sens de la hauteur du peuple sénégalais qui a toujours fait front, de manière systématique -à travers ses ambitions, son organisation administrative et ses mécanismes de régulation sociale, notamment le cousinage à plaisanterie- face aux démons de la «balkanisation». À tel point que le métissage ethnique est devenu une source de richesse culturelle dont nous devons tous être fiers. Mais, aujourd’hui plus qu’hier, il reste encore beaucoup à faire. Du fait de son attrait à plusieurs points de vue, le Sénégal se trouve dans un contexte assez particulier et doit faire l’objet de toutes les attentions. La porte ne doit absolument pas être ouverte à des frustrés qui exploiteront d’éventuelles failles pour installer le chaos. Sur le plan religieux, l’Église, les talibés Mourides, Tidianes, Layènes, Niassènes, Khadres de Ndiassane, de Médina Gounass… comptent des ressortissants de toutes les ethnies et de toutes les régions du Sénégal.
L’obligation de rendre des comptes
Chers étudiants que vous puissiez juger utile de prendre position sur un sujet d’intérêt national et qui concerne un haut fonctionnaire en exercice par rapport à sa charge, me paraît normal. Par conséquent, votre communiqué, sur le principe, ne me dérange absolument pas et je ne rentre pas dans les détails de votre argumentaire de défense. Nous sommes en démocratie et tout un chacun a le droit de prendre position sur les sujets de son intérêt. Mais, il n’en demeure pas moins que toute personne ayant une charge publique a l’obligation de rendre des comptes. Sa culpabilité ou son innocence se définira par les rapports des corps de contrôle de l’État, sous l’autorité du chef de l’État, ou par la justice. Et, tous ceux qui sont interpellés dans cette affaire viennent d’horizons divers. En conclusion, je vous demande tout simplement de faire attention à des sujets qui peuvent être exploités à des fins subversives et, par conséquent, mettre à mal la cohésion nationale et la paix dans notre pays. À l’instar de tous les jeunes du pays, notre espoir, je vous souhaite beaucoup de réussite dans vos études et vos différentes entreprises, de la lucidité et du sens de responsabilité dans vos charges professionnelles futures et immédiates.
(PAR AMAADU NJAAND FAAL, UN CITOYEN