Des lueurs d’espoir pour la recherche et l’innovation
Ouverture à la jeunesse, prise en charge des besoins de la communauté, engagement panafricain, investissements à fort impact... Voilà, entre autres axes tracés par le directeur de la Recherche et de l’Innovation, hier, dans un discours poignant, au 2e Congrès de la Société ouest-africaine de physique (Soaphys).
Un discours captivant. Une réflexion profonde. Des orientations claires, nettes et précises. Nommé directeur général de la Recherche et de l’Innovation, il y a trois mois, le professeur Gallo Diop a retenu, avant-hier, l’attention de tout le public venu assister à la cérémonie d’ouverture du 2e Congrès de la Société ouest-africaine de la physique, portée sur les fonts baptismaux il y a juste un an et demi à Ouagadougou. Panafricanisme, jeunesse, diaspora, trois mots qui ont été au cœur du discours très poignant du neurologue.
A ses collègues universitaires et chercheurs, il dit : ‘’Je voudrais personnellement vous inviter à, généreusement, plus vous investir dans l'animation scientifique de nos collèges et de nos lycées, pour parler à nos jeunes. Nous devons sortir de nos universités ; nous devons sortir de nos laboratoires et aller vers les jeunes et les femmes de nos différents établissements…’’
Sur un ton empreint d’émotion et d’engagement, l’ancien chef du Département de neurologie au centre hospitalo-universitaire de Fann lance à ses pairs : ‘’Nous sommes dans la dernière décennie de notre vie professionnelle. Nous avons le devoir sacré que ces jeunes gardent les deux pieds sur la terre africaine, gardent leurs deux pieds sur la terre dans sa globalité, rêvent et atteignent les sommets grâce aux faits inspirants de sociétés comme la Soaphys. Les valeurs probantes de haute valeur scientifique et morale que vous représentez, doivent être exposées régulièrement aux jeunes de nos pays. Ces jeunes ont besoin de boussole ; ils ont besoin de repères ; ils ont besoin d'exemples vivants... Et vous êtes ces boussoles, vous êtes ces repères, vous êtes ces exemples vivants’’, insiste le médecin pour inciter les anciens à se mettre davantage à la disposition des jeunes.
Et le directeur de la Recherche et de l’Innovation de trouver la parade pour faire le lien avec les questions existentielles que se pose la jeunesse africaine. ‘’Une jeunesse qui, estime-t-il, est perdue, se pose des questions existentielles, jusqu’à prendre des risques mortels. Parce que leurs repères sont perturbés, leurs boussoles sont devenues floues, leurs exemples se raréfient’’.
Rappelant l’importance particulière qu’accordent à la recherche et à l’innovation le président de la République et son ministre en charge de l’Enseignement supérieur, il échange avec ses pairs africains l’exemple sénégalais des centres innovants de recherches et d'essais ‘’qui sont des endroits où, de manière magnifique et généreuse’’, des chercheurs et universitaires se rendent ‘’gracieusement’’ pour former les jeunes sous l’impulsion du ministère. Il explique : ‘’Ce sont des centres où des jeunes, des femmes, des hommes désœuvrés sont reçus, formés en trois mois dans la transformation des produits agricoles, dans l'informatique, la sérigraphie, dans beaucoup d'autres domaines’’.
C’est là, souligne le professeur à la faculté de Médecine de l’université Cheikh Anta Diop, ‘’le creuset très concret, ce dont nous rêvions depuis des années, du contact recherché et de l’interaction qu’il doit y avoir entre universitaires, enseignants-chercheurs et communautés’’.
Leçons de la pandémie et engagement panafricain
Par ailleurs, le professeur Gallo Diop n’a pas manqué de partager les grands enseignements qu’il tire de la pandémie de Covid-19 et a invité ses pairs à l’introspection. Selon lui, il faut particulièrement réfléchir sur la forte résilience dont a fait montre les pays africains durant la crise sanitaire, alors même que tout le monde prédisait le pire.
‘’C’est vraiment le moment d'une introspection pour mieux redessiner notre devenir. J'étais pleinement impliqué en tant que médecin neurologue. Mais on a tous remarqué que c’est toutes les sciences qui se sont mobilisées pour aider nos populations à faire face. Des sciences exactes - il n’y a pas de sciences inexactes - comme la physique ont un rôle important à jouer sur les questions qui se posent et qui vont encore se poser au monde’’.
Pour lui, le continent africain a de quoi être fier et s’orienter résolument vers la prise en charge de son destin. Et d’ajouter : ‘’L’Afrique a fini de démontrer cette facilité de création, cette capacité à survivre, à se ressusciter à partir de toutes les catastrophes. Il n’y a pas une catastrophe que l'Afrique n’a pas encore vécue. Nous sommes encore debout, nous sommes encore forts, nous sommes encore fiers.’’
Panafricain convaincu, le directeur de la Recherche et de l’Innovation insiste surtout sur la nécessité d’établir des ponts entre les différents chercheurs et peuples africains pour ‘’créer les amitiés et fraternités’’. Il réaffirme son rêve : ‘’C’est que les centres d'excellence au moins du 3e cycle soient maintenus dans les villes africaines pour que le brassage de nos jeunes, devenu minime, puisse être vivifié, comme c’était le cas avec des écoles comme William Ponty, les premières écoles de médecine, etc. C’est ça qui facilite la circulation des cerveaux. C’est ce qui entretient cette atmosphère très chaleureuse dans laquelle on peut bâtir énormément de choses.’’
Impliquer la diaspora pour le développement de la Physique
Inscrit sous le thème : ‘’Collaboration de la diaspora scientifique ouest africaine pour une contribution à la recherche en physique et au développement’’, le deuxième congrès de la Soaphys a aussi été l’occasion de lancer un vibrant appel à cette dernière pour œuvrer davantage au développement des sciences dans le continent. Mais pourquoi la mise en place de la Soaphys ? Président de la Société de physique du Sénégal, Professeur Omar Ka explique : ‘’Dans le monde de la recherche et de la science en général, ce n’est pas une affaire d’individus, mais de groupe. En Afrique où il n’y a pas beaucoup de moyens, la nécessité de se regrouper de travailler ensemble est encore plus forte. C’est pourquoi les physiciens de l’Afrique de l’ouest se sont regroupés pour unir leurs forces’’.
Sur la contribution jugée faible de l’Afrique dans la recherche, il rétorque : ‘’Ce sont des statistiques qui m’ont l’air fausses. Nous avons énormément d’Africains qui sont dans des centres à l’extérieur. Moi-même au début de ma carrière, tout ce que je faisais c’était à l’extérieur. Et évidemment quand il y avait des résultats à publier, je signais avec le laboratoire d’accueil. Même si en note de bas de page, je mettais que je viens de l’université Cheikh Anta Diop. Et c’est valable pour tous nos chercheurs’’.
Toutefois, a-t-il signifié : ‘’Maintenant, il faut aussi reconnaitre que la recherche demande des moyens. C’est un investissement dont les résultats ne se sentent que dans le moyen long terme. Et c’est ce saut-là qui n’est pas encore fait. Une bonne partie des ressources allouées à l’enseignement supérieur va au fonctionnement, au social, aux bourses…’’.
Créée il y a un an et demi au Burkina, la Soaphys regroupe pour le moment 7 pays : Bénin, Bénin, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, le Sénégal et le Togo. Le défi, estime le Président, est d’impliquer les pays anglophones, d’ici à l’année prochaine.
Ces outils qui vont booster la recherche Le 2e Congrès de la Société ouest-africaine de physique a aussi été une occasion, pour le représentant du gouvernement, de rappeler l’engagement des plus hautes autorités de l’Etat du Sénégal pour booster la recherche. ‘’Pour donner un exemple récent, informe le directeur de la Recherche et de l’Innovation, nous venons juste de procéder à la mise en place de deux puissants et ultramodernes microscopes électroniques d'un coût de 800 millions F CFA et d'un super calculateur de dernière génération. Deux formidables outils qui auront forcément un impact sous-régional’’. Et de renchérir : ‘’Il y aura de moins en moins un besoin de trimballer nos échantillons vers le Nord ou vers l'Est. Le ministre a insisté sur l’utilité sous-régionale que doivent avoir ces outils. Nous prônons vraiment une utilisation fédératrice pour le développement de la recherche dans toute la sous-région.’’ Dans la même veine, le Pr. Gallo Diop a souligné que dans les toutes prochaines semaines, l’Etat va démarrer une importante campagne de répartition d’un lot de matériel destiné aux universités. |
MOR AMAR