Publié le 7 Feb 2013 - 09:05
3 QUESTIONS À... MAME LESS CAMARA (ANALYSTE POLITIQUE)

 «Si Rewmi ne se déploie pas tout de suite, il aura du mal à rattraper son retard»

Pour le journaliste et analyse politique, il y a en jeu une position privilégiée d'opposant au régime à occuper sur l'échiquier politique.

 

Dans un entretien accordé à EnQuête, vous annonciez déjà un probable clash entre l’APR et le Rewmi. Au regard de l’escalade verbale actuelle, l’histoire ne vous donne-t-il pas raison ?

 

Je ne vais pas m’aventurer à dire cela, mais ce qui était prévisible c’est que la candidature éventuelle de Idrissa Seck à la présidentielle de 2017 soit une épine dans les relations au sein de Benno Bokk Yaakaar de façon générale. Il était aussi prévisible que la coalition éclate de façon anticipée, peut-être provoquée par l’APR qui a besoin d’avoir une certaine visibilité dans ses relations avec ses partenaires. Avec Rewmi c’est un premier round, mais les autres partis, dont les candidatures à la présidentielle sont éventuelles comme le Parti socialiste, vont devoir passer par là. Il ne faut pas s’attendre à une explosion, à quelque chose de spectaculaire qui ferait que la coalition se retrouve par terre du jour au lendemain. Elle va se faire par effilochement : petit à petit, la coalition va se défaire après le possible retrait de Rewmi. Parce qu’il faut laisser une fenêtre pour la négociation et pour l’arrangement d’un timing qui serait profitable à la fois à Rewmi, à la coalition BBBY et, bien sûr, à l’APR. Si cela ne se fait pas, on pourrait assister, dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines, au retrait des ministres de Rewmi de l’attelage Benno Bokk Yaakaar.

 

Pourquoi Idrissa Seck est-il le seul à se fait entendre ?

 

Parce que Idy est celui dont la candidature est déjà connue. Les autres partis comme l'AFP ou le PS auront certainement leurs candidats qui seront peut-être des personnes autres que ceux qui les dirigent actuellement, à savoir Moustapha Niasse ou Ousmane Tanor Dieng. Il n’y a pas, d'ores et déjà, projection d’une confrontation personnelle entre celui qui est le dirigeant du parti et l’actuel président de la République. Donc la contradiction est moins forte, surtout avec ces partis incarnés par des individus qui cheminent ensemble et qui vont très certainement se confronter comme c'est le cas entre Idrissa Seck et Macky Sall. Les autres formations auront plus de temps. Mais l’instant où se profilera leur candidat, la confrontation va être certaine. Dans ce contexte, l’aile dure de l’APR estime qu’il faut recentrer le pouvoir autour de l’espace présidentiel, au moins au tour de la coalition Macky 2012. D’ailleurs, Mor Ngom n’a pas hésité, en tant que Directeur de cabinet du président de la République, à porter la bataille contre Rewmi.

 

En cas de clash entre l’APR et le Rewmi, à qui profiterait la situation ?

 

Chacun peut y trouver son profit. L’APR, en occupant l’espace dégagé par le Rewmi dans l’attelage gouvernemental et dans la majorité, commencerait à dérouler le processus d’hégémonie sur la coalition présidentielle. Mais le Rewmi a intérêt à se recentrer sur lui-même, à assumer sa position d’extériorité par rapport à un pouvoir qui va le combattre. C’est maintenant qu’il faut occuper la position privilégiée d’opposant au régime. Si Rewmi ne le fait pas tout de suite, il risque d’être concurrencé sévèrement par le Parti démocratique sénégalais (PDS), qui a commencé une opposition dure contre Macky Sall, mais également par Pape Diop de la Convergence démocratique Bokk Gis-Gis (CD BGG), dont on note un durcissement dans le discours contre le président. L’opposition comprend qu’il y a une place de leader à occuper contre Macky Sall et les deux forces d’opposition en compétition sont le PDS et la CD BGG. Et si Rewmi ne se déploie pas tout de suite, il aura du mal à rattraper son retard.

 

Daouda GBAYA

 

 

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