Placer l’humain au centre du flux migratoire

Et de six ! Pour la énième fois cette année, le Forum Harmattan s'est tenu au centre Confucius de l’université de Lomé. Cette initiative de la Clinique d'expertise juridique et sociale (Cejus), qui a duré trois jours (du 19 au 21 février), s'est déroulée sous le thème “Les migrations au rendez-vous du développement durable : garantir la dignité humaine, l'inclusion des jeunes et des femmes”.
Le débat autour des questions migratoires n'a jamais été aussi présent à l’échelle mondiale. Toutefois, dans un contexte africain, on tente de prendre les devants, par l'organisation de conclaves visant à faire entendre la position du continent. L’objectif est de rendre le narratif moins négatif tout en sensibilisant les masses, en particulier les jeunes, aux risques que comportent parfois des choix qui ne méritent pas d’être pris. "Aujourd’hui, le débat sur la migration est souvent dominé par une rhétorique alarmiste, évoquant une ‘invasion’ menaçant l’identité des nations. Pourtant, la mobilité humaine n’est pas une crise passagère : elle est une réalité historique, structurelle et humaine", introduit d’emblée le directeur exécutif de la Cejus et initiateur du forum, Dieudonné Kossi.
Le juriste est convaincu que l'autarcie prônée à travers le monde et particulièrement en Afrique, est loin d’être une solution, bien au contraire. "L’avenir de nombreux pays, en Afrique comme en Europe, ne peut se construire dans la fermeture. Le vieillissement démographique touche de nombreuses nations, rendant nécessaire une approche plus ouverte et humaine de la migration. Nous devons repenser ce phénomène non pas comme une menace, mais comme une opportunité de transformation et de co-développement".
À ceux qui soutiennent que l’Europe ou l’Amérique du Nord sont en tête des flux migratoires, M. Kossi démontre le contraire. Le continent africain constitue un territoire de flux migratoires internes bien plus importants qu’aux destinations occidentales. "Certains pays évoquent souvent la migration comme un problème propre à l’Occident. Mais ce n’est pas le cas. L’Afrique est un continent de migrations internes, bien plus que de migrations vers l’Europe. Des millions de personnes se déplacent chaque année entre les pays africains à la recherche de meilleures opportunités économiques et sociales".
Dans ce contexte, il invite à une approche plus “lucide et pragmatique”, prenant en compte à la fois la nécessité de "réguler les flux et celle de garantir la dignité et les droits fondamentaux des migrants".
Dans un autre registre, M. Kossi estime qu’au-delà de la lutte contre l’émigration irrégulière, il faut offrir aux jeunes des perspectives professionnelles motivantes au niveau local. "Ce que nous devons combattre, ce n’est pas seulement l’émigration irrégulière, mais surtout l’idée que l’on ne peut réussir qu’ailleurs. Nous devons redonner à nos jeunes la conviction qu’ils ont un avenir dans leur propre pays et que, avec solidarité et engagement collectif, cet avenir peut être construit ici. Il ne s’agit pas de nier la dureté des réalités économiques, mais de trouver des solutions durables pour offrir des perspectives réelles aux nouvelles générations".
En fin de compte, pour les initiateurs de ce rendez-vous désormais inscrit à l’agenda de l’université de Lomé, "le Forum Harmattan dépasse le cadre d’un simple colloque". Il incarne une ambitieuse volonté portée par des mains modestes et une force modeste, un creuset où les idées prennent racine et où se façonnent les solutions de demain.
En outre, bien que la lumière continue de rayonner depuis Lomé, Dieudonné Kossi et toute l'équipe de la Cejus espèrent que cet idéal d’une migration humaniste dépasse les frontières togolaises. "C’est une graine d’espoir semée ici, au Togo, avec l’aspiration qu’elle s’épanouisse et rayonne à travers toute l’Afrique. Il s’agit d’un rêve porté par notre engagement collectif à imaginer un avenir où la migration ne sera plus une fatalité, mais un choix libre et éclairé, affranchi de toute contrainte".
Mamadou Diop