Un livre sur la coexistence entre religions révélées et rites ancestraux

Religions révélées et les rites ancestraux, us et coutumes font-ils bon ménage ? La question est abordée dans le livre ‘’Houmeya’’ d’Oumoul Khairy Ly. Ce roman évoque l'histoire d’une jeune fille musulmane issue d’une longue lignée animiste. Les pactes émis entre ses aïeux et les esprits font d’elle une victime. Possédée, elle se bat pour se guérir. Par quels moyens?
‘’Houmeya’’ est un roman captivant qui résonne particulièrement avec les habitants des villages lébous, mais aussi ceux de la Casamance et de certaines localités du Fouta, abordant des thématiques universelles tout en plongeant dans des réalités culturelles spécifiques. Il est écrit par Khairy Ly.
Publié aux éditions du Carré culturel de Fatimé Raymonne Habré, ce roman mitigé entre le monde visible et invisible, plonge le lecteur dans l’univers des rites africains ancestraux, de la possession démoniaque et du destin qui en découle. En effet, il nous immerge dans l'histoire poignante de Houméya, une jeune fille vivant au Fouta, dans le village d’Halwar, mais issue d'une longue lignée animiste (village Biddy).
Son destin est scellé avant même sa naissance : elle a été possédée alors qu'elle était encore dans le ventre de sa mère, durant le crépuscule. Profondément croyante, sa mère avait refusé d'invoquer les esprits et de faire l'offrande d'un bélier blanc et de cinq colas blanches. "Je ne pourrais le faire. La prière et les invocations sont et seront pour moi les protections ultimes", avait-elle affirmé.
Mais les génies se sont vengés sur sa fille. En effet, dès sa venue au monde, Houmeya, douce fille, porte en elle des djinns. Parmi eux, un djinn amoureux est irrésistiblement attiré par sa candeur. L’esprit vit dans son corps et fait de sa vie un enfer. C’est un djinn destructeur qui cohabite avec les autres démons (P. 94). Il la rend aigre, la maintient dans la solitude et surtout gâche ses relations et ses chances. Ainsi, après de multiples dures épreuves, sa mère Aicha, mariée dans un village musulman, décide enfin de l’amener au village de Biddy, terre de ses aïeux pour la soigner. Cela ne signifie pas un abandon de sa religion. Houmeya découvre ainsi, pour la première fois, ses origines et sa culture. Les pactes émis entre ses aïeux et les esprits font d’elle une victime.
Rendez-vous chez le féticheur. En apprenant les rites ancestraux, us et coutumes, elle s’est libérée des chaînes de l'emprisonnement. Mais les sacrifices ne font qu’atténuer la force des démons; ils ne les chassent pas. Ces derniers laissent leur victime tranquille pendant un moment pour ensuite revenir en cas de besoin. Les sacrifices se multiplient, ruinant Aicha. Ensuite après avoir rencontré un sage qui emploie des feuilles portant des versets coraniques afin de soigner les malades. Il montre que le livre saint est la réponse du mal qui habite la jeune fille. La guérison est proche. Elle passera par la Roqya. Cette pratique consiste à faire sortir les mauvais esprits du corps de la victime par la conversion de ses derniers en islam. Ils récitent la ‘’Chahada’’ (profession de foi) et sortent du corps. Houmeya devra voyager jusqu’en Tunisie dans un village où elle peut trouver un raqui. Un nouveau périple s'impose.
Cette œuvre d’Oumoul Khairy Ly a une forte capacité à dépeindre une réalité africaine souvent tue : le choc et la confrontation entre les rites ancestraux et les pratiques religieuses modernes. C'est un sujet délicat, mais crucial, abordé avec finesse par l'auteure. Une histoire bien écrite. Une écriture fluide avec du suspens. Dans ce roman, nous y trouvons souvent quelques mots en peul et arabes, ce qui crée un délicieux cocktail avec le français. Ce livre nous apprend que "La vie est une succession de joies et de peines. Et chaque chapitre de ta vie te donnera des leçons... garde à l'esprit que la vie est un éternel combat. Il nous enseigne également une leçon spirituelle profonde: le croyant ne doit rien associer à Dieu.
BABACAR SY SEYE