Publié le 16 Aug 2012 - 23:12
ABDOULAYE SIDIBÉ SUR LA MORT DE SON PETIT FRÈRE KÉKOUTA SIDIBÉ

 ''Comment le commandant a voulu me mener en bateau...''

 

 

EnQuête a profité de l'acheminement du corps de Kékouta Sidibé à Dakar pour les besoins de l'autopsie pour recueillir la version des parents de la victime sur cette arrestation qui a viré au drame. Accablé par la douleur, le cœur meurtri, Abdoulaye Sidibé, grand frère de la victime, nous livre le film de l'arrestation ayant conduit à la mort de son jeune frère.

 

Il s'en est fallu de peu pour que la rencontre prévue avec la famille du défunt Kékouta Sidibé, en déplacement à Dakar pour les besoins de l'autopsie, capote. Tellement les parents de la victime étaient pris par les formalités nécessaires au rapatriement du corps. Depuis hier, la victime repose à Kédougou. En effet, il a fallu insister, pour réussir à coincer Abdoulaye Sidibé, le grand-frère de Kékouta, aux Hlm 5 où il était de passage, le temps de retourner sur Kédougou après l'autopsie. Installé dans le salon, le grand-frère est là, couché sur un canapé, les pieds posés par terre. Après les salamalecs d'usage, l'on aborde le vif du sujet. La chronologie de l'arrestation de son frère ayant viré au drame. C'est à peine s'il parvient à sortir les mots de sa bouche. L'air fatigué, la mine déconfite, le frère paternel de Kékouta Sidibé a du mal à se remettre du drame. ''Ils l'ont tué'', confie-t-il, l'air absent, le regard fixé sur l'horizon.

 

Notre interlocuteur commence par camper le décor. ''Deux éléments en civil de la gendarmerie sont venus à la maison vers 19h30mn, le jour du drame, pour demander après mon frère Kékouta. À ce moment, la moitié de la famille était à la mosquée pour la prière du crépuscule (Timis)'', raconte-t-il. Son téléphone sonne. Au bout du fil, les parents restés à l’hôpital Le Dantec, pour suivre le processus de l'autopsie qui est presque bouclée. Abdoulaye Sidibé doit derechef rappliquer. ''Faites vite s'il vous plaît, il doit partir'', laisse entendre son jeune frère.

 

Abdoulaye Sidibé continue sa narration : ''Nous leur avons demandé pourquoi ils le cherchaient. Ils ont dit qu'ils voulaient tout simplement lui parler. Nous leur avons dit que Kékouta n'était pas là, mais ils ont voulu l'attendre dans la cour de la maison, tout en épiant sa chambre''. Pendant ce temps, poursuit le frère, un pick-up de la gendarmerie était garé à près de 30 m de la maison avec à son bord six autres éléments de la gendarmerie, tous en civil, attendant le feu vert de leurs deux camarades à l'intérieur. Las d'attendre, les deux auxiliaires de la gendarmerie qui se faisaient passer pour des civils ont rebroussé chemin. Mais c'était pour revenir en force, avec les six autres gendarmes. Une fois à l'intérieur de la maison, ils se sont directement dirigés vers la chambre de Kékouta. La porte défoncée, ils l'ont cueilli à l'intérieur avec deux autres camarades. ''Ils sont venus sans mandat d'arrêt'', clame Abdoulaye Sidibé.

 

''Kékouta pensait qu'il avait affaire à des assaillants''

 

Si les deux compagnons ont obtempéré, Kékouta, lui, a opposé aux pandores une farouche résistance qui va d'ailleurs lui être fatale. ''Ses amis ont compris qu'il s'agissait d'une arrestation et ont obtempéré. Mais tel n'a pas été le cas de Kékouta, parce qu'il est sourd-muet'', raconte Abdoulaye Sidibé qui justifie ainsi le comportement de son frère face aux pandores. ''Il a été belliqueux à leur égard, car il pensait qu'il avait affaire à des assaillants qui voulaient lui faire sa fête. Il s'est défendu comme il a pu'', poursuit-il.

 

Devant cette résistance de Kékouta, les éléments de la gendarmerie n'ont pas cherché à comprendre son handicap. Ils l'ont battu, lui ont ligoté les mains et les pieds avec un fil trouvé dans sa chambre et l'ont traîné comme un sac de riz sur une distance d'au moins 40 m, d'après son frère. Qui souligne que ''ce n'est qu'après l'avoir battu à mort, que les pandores l'ont jeté à l'arrière de leur pick-up et ont posé sur lui, outre leurs pieds, trois vélos qui étaient dans le véhicule''. Mais ils étaient loin de se douter à ce moment précis que Kékouta était moribond.

 

Arrivé à la brigade de la gendarmerie de Kédougou, ils ont fait descendre les deux autres détenus. Mais Kékouta, ne pouvant plus tenir sur ses deux jambes, a été acheminé vers l'hôpital, sur les coups de 22h, pour voir un médecin. Mais les éléments du commandant Dramé, sous la houlette de l'adjuvant Diop, arriveront à l’hôpital avec un corps sans vie. Kékouta avait rendu l'âme en cours de route.

 

La thèse du suicide pour expliquer le décès

 

Devant ce fait accompli, les pandores n'ont eu qu'une seule alternative : déposer le corps à la morgue de la ville, comme le leur a demandé le médecin de la localité. Il est 22h passées de quelques minutes. La famille Sidibé n'est pas encore au courant. Ce n'est que dans la matinée que la nouvelle sera connue. En venant lui apporter son petit-déjeuner, la famille ne trouve pas le prévenu. Interpellé, ''le commandant Dramé a tenté de nous mener en bateau'', indique Abdoulaye. En effet, voulant camoufler le décès du jeune homme, le commandant a laissé entendre : ''Kékouta est gravement blessé et il doit être évacué à Tamba''. Devant son refus de gober une telle explication, le commandant Dramé est revenu à la charge, avec une autre explication, poursuit notre interlocuteur. ''Kékouta s'est suicidé. Il s'est cogné la tête contre le véhicule, selon mes hommes'', lui a déclaré l'officier. ''C'est faux'', lui a rétorqué Abdoulaye Sidibé, en lui notifiant qu'avec la manière dont Kékouta a été attaché, il ne pouvait même plus bouger, à plus forte raison, essayer de cogner sa tête contre le véhicule.

Entre-temps, la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre dans la ville. Les jeunes de la localité ont spontanément pris d'assaut la brigade de la gendarmerie. Venus soutenir la famille, ils ont réclamé que la lumière soit faite sur cette affaire.

 

La mort du sourd-muet Kékouta Sidibé entre les mains des gendarmes de Kédougou livre ses secrets. EnQuête parlait dans sa précédente édition d'une mort au relent de bavure policière, le rapport d'autopsie du médecin légiste de l'hôpital Aristide Le Dantec lui donne raison. En effet, celui-ci révèle une mort des suites de coups et blessures.

 

ASSANE MBAYE

 

 

 

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