Nouvelle agression contre les petits et moyens importateurs !
Par une Note de Service no 815 du 29 Mars 2013, la Direction Générale des Douanes a mis en œuvre les dispositions de l’article 220 du Code Général des Impôts qui fixe un prélèvement, au cordon douanier, de 3% sur la valeur des importations, hors TVA et Droits d’enregistrement, sur les produits, dont ceux de grande consommation. Le Gouvernement justifie ce prélèvement, dénommé ''acompte sur BIC'', en évoquant la Directive du 26 Novembre 2001 de l’UEMOA, portant régime harmonisé de l’''acompte sur impôt'' assis sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), qu’il vient de transcrire dans sa nouvelle législation fiscale au sein du nouveau Code Général des Impôts.
Cependant, là où la Directive citée dit explicitement, en son article 1, alinéa 3, que ''le principe est l’assujettissement à un acompte sur impôt assis sur les bénéfices de toutes les importations et les ventes effectuées par une entreprise assujettie à un régime d’imposition réel…'', le Gouvernement limite cet acompte aux seules importations ! Avec cette dérogation, le Sénégal viole l’article 2 de la Directive de l’UEMOA qui stipule de ''préserver ses qualités de neutralité et de l’appliquer de manière similaire aux importations et aux transactions internes''. Pis encore, là où la Directive n’autorise, en son Titre 3, article 5, l’exonération de cet acompte qu'''aux ventes de d’eau et de l’électricité'' et ''aux entreprises éligibles aux Codes minier, pétrolier et forestier ainsi qu’aux investissements, sous réserve que ces entreprises soient exonérées de l’impôt sur les bénéfices'', le Gouvernement décide d’en dispenser ''les contribuables, qui présentent à l’Administration des Douanes, une attestation délivrée par le Chef de Service des Impôts compétent, certifiant qu’ils relèvent du Centre des Grandes Entreprises'' !
Or, les contribuables qui relèvent du ''Centre des Grandes Entreprises'' ne satisfont pas à la ''réserve'' exigée par l’UEMOA pour en bénéficier, puis qu’ils ne sont pas exonérés d’impôt sur les bénéfices !
Cette deuxième violation de la Directive de l’UEMOA, en faveur des grandes entreprises, est donc une discrimination fiscale à l’encontre des petits et moyens importateurs, qui aggrave le manque de ''neutralité'' de l’acompte sénégalais sur les BIC. C’est donc, à juste titre, que l’UNACOIS, qui regroupe l’essentiel de ces petits et moyens importateurs, perçoit la Note de Service de la Direction Générale des Impôts, comme un ''acharnement fiscal'', qu’elle ne saurait tolérer, d’autant plus que tous les importateurs disposent d’un numéro NINEA, qui sert, aussi, à leur identification fiscale qui les empêche d’échapper à l’impôt sur le revenu.
C’est pour tout cela que cet acompte constitue pour eux un coût à incorporer dans le prix des biens importés, et non un bénéfice assujetti à l’impôt sur le revenu. Cette position a été pourtant formellement défendue par l’ensemble du Patronat durant les concertations qui ont précédé la finalisation du projet de Code Général des Impôts. Mais à l’arrivée, le Patronat des grandes entreprises est exonéré de cet acompte, sous prétexte qu’il relève du ''Centre des Grandes Entreprises'' ! En procédant de la sorte, le Gouvernement veut faire croire en sa volonté de fiscaliser, dorénavant, le secteur informel dans la perspective de l’élargissement de l’assiette fiscale pour une plus grande justice fiscale. Pourtant, en instaurant l’obligation d’obtention du numéro d’identification NINEA pour tout importateur, le Gouvernement prétendait avoir l’instrument adapté à la soumission du secteur informel à l’impôt sur le revenu !
De même, l’exclusion de la TVA à l’importation, et des Droits d’enregistrement, de l’assiette devant servir de base au calcul du montant de cet acompte à prélever, laisse présager que le Gouvernement a un souci de réduire son effet inflationniste sur les prix à la consommation. Cette précaution légitime du Gouvernement confirme le bien-fondé de la conception que l’UNACOIS a de cet acompte, qu’elle perçoit comme un élément du prix de revient des importations, dont les produits de consommation courante. C’est cela qui justifie que de 2001 à 2012, date limite de l’application de cette Directive de l’UEMOA, Wade ne s’y était pas conformée, pour éviter sa nature inflationniste. Ce n’est que dans le cadre de la réforme du Code Général des Impôts sous les nouvelles Autorités, que cette Directive a été transcrite dans l’arsenal fiscal sénégalais de la manière la plus controversée, comme décrite plus haut.
De cette manière, le Gouvernement cherche en fait à donner à l’opinion les petits et moyens importateurs en ''bouc émissaire'', en voulant leur faire porter, d'ores et déjà, la responsabilité de la hausse prévisible des prix que cet acompte va engendrer, ou bien, à créer les conditions de fermeture des entreprises les plus fragiles, au cas où, sous la pression de la clameur populaire, elles accepteraient de ne pas le répercuter sur les prix de revient !
Le Sénégal rentre ainsi dans un dilemme, artificiellement créé, qui oblige le Gouvernement à choisir entre ''aggraver l’inflation ou aggraver le chômage'', pour trouver des ressources budgétaires additionnelles afin de compenser la perte de recettes occasionnée par la baisse de l’Impôt sur le Revenu, tout en préservant les cadeaux fiscaux issus du Code des investissements, des statuts d'''Entreprise Franche'' et d'''Entreprises conventionnées'', comme c’est le cas pour la Compagnie Sucrière du Sénégal (CSS) ! Ce sont ces mêmes entreprises qui sont exclues de l’assujettissement au prélèvement de 3% sur leurs importations, sous prétexte qu’elles relèvent du ''Centre des Grandes Entreprises'' !
Cet acompte va détériorer les rapports, jusqu’ici confiants, entre l’UNACOIS et les nouvelles Autorités issues de l’Alternance du 25 mars 2012 ; ce qui vient s’ajouter :
au début de crispation d’une partie du patronat national, qui dénonce la continuation des pratiques de gestion des grands marchés publics, héritées du régime de Wade ; au mécontentement de l’organisation la plus représentative du monde rural, qui se voit exclue des grands dossiers concernant ce secteur ; aux incriminations de plus en plus nombreuses des couches moyennes intellectuelles, qui voient dans l’accès à des emplois civils et militaires, la continuation des pratiques du régime de Wade que les Conclusions des Assises nationales ont prohibées. Ces signaux sont suffisamment explicites, pour pouvoir inciter les nouvelles Autorités à les prendre en compte, pour renouer, sur les dossiers qui les préoccupent, le fil du dialogue avec ces forces vives organisées de la Nation, qui ont été leurs fidèles partenaires dans la création des conditions de l’avènement de l’Alternance du 25 mars 2012.
Dans un contexte de déclaration de ''guerre ouverte'' et de ''harcèlement par la rue'' de la part du PDS, il urge d’œuvrer pour une plus grande cohésion des forces politiques, économiques, sociales et de la société civile, qui, ensemble, l’ont bouté hors du pouvoir, pour refonder une nouvelle République démocratique et citoyenne, promouvoir la ''bonne gouvernance'' et mener des politiques appropriées de recouvrement de notre souveraineté économique et alimentaire.
Il n’est pas encore tard, pour redonner confiance aux inquiets, et de consolider l’alliance des forces vives qui ont porté les nouvelles Autorités au pouvoir.
Ibrahima Sène,
PIT/SENEGAL