Publié le 21 Jan 2014 - 22:00
AFFAIRE AIDA NDIONGUE

 La défense démonte le ‘’réquisitoire’’ du Procureur

 

Après le procureur de la République (PR)  qui a fait vendredi dernier son ‘’réquisitoire’’ concernant Aïda Ndiongue qu’il accuse d’avoir un patrimoine de 47 milliards 675 millions, hier c’était au tour de la défense de l’ex-sénatrice libérale de faire sa plaidoirie devant la presse. Elle a démonté les accusations de Serigne Bassirou Guèye soupçonné d’avoir été monté par le Premier-ministre. Aussi, a-t-elle promis de le traîner devant la Cour suprême.

 

‘’A l’issue d’investigations menées par des gendarmes de la Section de Recherche, nous avons trouvé que Mme Aïda Ndiongue a un patrimoine estimé approximativement à 47 milliards 675 millions de francs de Cfa’’, exultait le procureur de la République (PR), vendredi dernier devant la presse. Dans son développement, Serigne Bassirou Guèye expliquait que ce résultat a été obtenu après l’ouverture de sept coffres, l’exploitation des documents bancaires de l’ex-sénatrice libérale.

Cette sortie du chef du parquet est restée au travers de la gorge des avocats de Aïda Ndiongue. Parce que, selon Me Mbaye Jacques Ndiaye, ‘’Tout ce que le procureur a dit est faux, archi-faux ! Les chiffres avancés n’existent que dans son imagination.’’ ‘’C’est un canular judiciaire, un gros mensonge d’Etat parce qu’aucune perquisition n’a été effectuée chez Aïda Ndiongue. Elle ne détient pas non plus 21 comptes bancaires’’, a-t-il asséné.

Avant de poursuivre : ‘’Les coffres supposés contenir les bijoux n’appartiennent pas à Aïda car les véritables propriétaires se sont présentées à la banque pour se signaler.’’ Selon ses explications, la responsable libérale incarcérée depuis plus d’un mois dans le cadre de la traque des biens mal acquis n’est cliente qu’à la CBAO où elle a un seul compte, ouvert en 1973 avec la BAO, après avoir été fidélisé par l’ex-Premier-ministre Abdoul Mbaye quand il a été directeur de la BST devenue CBAO.

Quid des coffres ? ‘’Comment il a fait pour évaluer ces bijoux qui n’existent que dans son imagination fertile ?’’ s’est interrogé Me Ndiaye avant d’expliquer que leur cliente n’en a qu’un seul datant de 1984 au moment où le kilogramme d’or coûtait un peu plus d’un million. Sa consœur Me Borso Pouye de renchérir : ‘’ Des bijoux d’une valeur de 16 milliards, cela doit être une tonne d’or, or cela ne peut pas être gardée dans un coffre’’.

Toujours pour justifier l’origine licite du patrimoine de la libérale, Me Ndiaye a fait le parcours de l’ancienne mairesse des HLM avant de conclure que ‘’depuis 1983, Aïda a toujours travaillé dans le privé avec ses différentes sociétés et a gagné des marchés loyalement et honnêtement’’. A ce propos, Me Borso Pouye a révélé que Aïda Ndiongue lui a confié avoir été recommandée par le président Macky Sall à Salif Bâ lorsque celui-ci était directeur du PCRPE (Programme de construction et de reconstruction du patrimoine bâti de l’Etat).

L’ex-procureur Ousmane Diagne donné en exemple

Au-delà de ces révélations, le PR a été critiqué pour sa démarche. Car, d’après Me Souleymane Ndéné Ndiaye, Serigne Bassirou Guèye a violé les dispositions légales relatives au secret de l’instruction mais également les règles régissant la magistrature. Qualifiant de ‘’malencontreuse’’ la sortie du PR, l’ex-PM de soutenir à l’endroit du chef du Parquet : ‘’Ceux qui détiennent le pouvoir se croient tout permis et font tout pour bénéficier de prébende’’. Abondant dans le même sens, Me Moustapha Diop a donné en exemple l’ancien procureur Ousmane Diagne.

Ce n’est pas certes la première fois qu’un procureur tient un point de presse sur un  dossier en cours ; je vais citer en exemple le dossier Bara Tall lorsque l’ancien procureur s’expliquait sur les deux réquisitoires introductifs’’, a rappelé Me Diop. Avant d’ajouter pour condamner l’attitude de Serigne Bassirou Guèye : ‘’Ce procureur-là n’est jamais entré dans le dossier de l’information pour livrer des éléments.’’ Compte tenu de cet exemple, il juge ‘’illégal’’ l’acte de l’actuel PR.

Parce que, argue-t-il, ‘’l’enquête est secrète et toutes les personnes qui y concurrent sont tenues au secret sous peine de sanction’’. Mieux, a poursuivi la robe noire : ‘’Il sait qu’à partir du moment où il fait un réquisitoire introductif, il est dessaisi.’’ Tout compte fait, Me Diop ne comprend pas les motivations du parquetier d’autant que, dit-il, le juge du deuxième cabinet d’instruction en charge du dossier n’a ni les éléments fournis par le parquet, encore moins les résultats de la commission rogatoire qu’il a mise en place. 

Mimi Touré soupçonnée d’être derrière la sortie du PR

Quoi qu’il en soit, le conseil considère que le PR a violé ‘’allègrement’’ les lois les plus intimes de la République. Et il croit savoir que celui qui est derrière Serigne Bassirou Guèye n’est personne d’autre que le Premier ministre. Se gardant de prononcer le nom de Mme Aminata Touré, Me Diop a commencé par procéder par élimination. Il pense que si le procureur général, supérieur hiérarchique du PR était derrière la sortie de ce dernier, lui ou son représentant aurait assisté au point de presse de vendredi dernier.

Quid du Chef de l’Etat ? ‘’ Le président Macky Sall sait que les droits de défense sont consacrés par la Constitution et d’ailleurs en 2009, il a fait l’objet de poursuites pour blanchiment et jusqu’à présent, personne ne connaît le montant alors qu’il figure dans le PV’’, a avancé l’avocat avant de tresser des lauriers à Ousmane Diagne en lançant : ‘’Ce procureur n’a pas jeté Macky en pâture car il s’est comporté en républicain.’’

Idem pour le ministre de la Justice qui, rappelle Me Diop, ‘’est un avocat et militant des droits de l’Homme’’. Il ne restait que Mme le Premier ministre que Me Diop a désignée par ‘’celle-là’’. Mieux, a ajouté le conseil : ‘’On s’acharne sur quelqu’un mais indirectement, c’est pourquoi on a passé par Aïda Ndiongue mais les problèmes personnels ne se règlent pas avec la République.’’

Fort de ce constat, il considère que le procureur ‘’a dépassé les bornes’’. ‘’Nous devons tous nous lever parce que la sécurité des citoyens n’est plus garantie. Si on laisse passer, demain ce sera des violations plus graves’’, a-t-il souligné. Sa consœur Me Pouye de renchérir : ‘’Au-delà du combat politique et judiciaire, c’est un combat de femme car c’est une femme jetée en pâture et livrée à la vindicte populaire, et mise presque à nu’’. C’est pourquoi, a annoncé Me Souleymane Ndéné Ndiaye, Aïda Ndiongue a décidé de porter plainte contre le PR. Ce sera devant la Cour suprême.

FATOU SY

 

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