Publié le 22 Dec 2016 - 23:56
AGORA DIPLOMATIQUE

Le cours magistral des doyens aux jeunes diplomates 

 

Même s’il continue de garder ‘’son leadership en matière de diplomatie’’, le Sénégal a cependant  des défis sous régionaux et internationaux à relever pour mieux faire face aux mutations géopolitiques mondiales. Telle est la grande réflexion accouchée hier à la deuxième édition de ‘’l’agora diplomatique’’ organisé par l’Union des conseillers des Affaires étrangères du Sénégal (UCAES).

 

Pas comme l’agora grec où tout le monde est censé donner son avis ; ce débat intergénérationnel s’est voulu être plus africain. Les jeunes diplomates ont passé la politesse à leurs doyens, la plupart des anciens ambassadeurs, avec à leur tête l’ancien ministre des Affaires étrangères, Seydou Oumar Sy. Ils les ont entretenus des questions de l’heure : relations avec les pays voisins, questions économiques et sécuritaires, les minorités... En leur rappelant surtout les péripéties sur lesquelles est passé le Sénégal, depuis l’indépendance, pour se forger la réputation d’un pays fort en diplomatie.

‘’Nous Sénégalais, nous sommes admirés et nos avis sont recherchés. Mais nous ne sommes pas aimés, il faut savoir cela quand on traite avec l’autre’’, dit philosophiquement l’expérimenté ambassadeur Seydou Oumar Sy. Comme un enseignant dans sa classe, il évoque les ‘’étapes parcourues’’, les ‘’épreuves rencontrées’’ et les ‘’succès avérés’’ de la diplomatie sénégalaise obtenus grâce à ‘’de grands diplomates’’. Déjà la politique étrangère telle que prônée par le défunt Président Senghor devait ‘’s’appuyer sur nos voisins d’abord avant de s’ouvrir’’. Mais en lieu et place, le Sénégal a eu ‘’des relations difficiles avec les pays qui l’entourent’’, bien qu’il ait contribué diplomatiquement à leur accession à l’indépendance, déplore le conseiller du ministre des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye.

‘’Un second Yalta’’

Aujourd’hui, par son élection comme membre non permanent au Conseil de sécurité de l’Onu (2016-2018), le Sénégal a un rôle important à jouer mondialement. Et c’est sur cette voie qu’appelle l’ancien ambassadeur au Nigeria, Alioune Diagne. Parce que, pour lui, ‘’nous sommes en train d’assister à un second Yalta, à cause du BREXIT et l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis d’Amérique’’. Ces deux épisodes vont causer des ‘’chamboulements’’ dans la diplomatie mondiale. Et l’Afrique doit ainsi ‘’repenser sa position par rapport au reste du monde’’, indique-t-il

Sur le plan économique, l’ancien ambassadeur au Cap-Vert, Mamadou Fall, reconnaît que ‘’la mondialisation s’impose à nous’’. Et maintenant, ‘’nous devons travailler à voir comment en tirer profit’’, suggère l’enseignant à l’Ecole nationale d’administration (Ena). Prenant exemple sur l’Europe, il pense que ‘’l’Afrique doit continuer la politique d’intégration monétaire’’ en menant ‘’une réflexion’’ sur une ‘’éventuelle alliance de l’Uemoa (Union économique monétaire ouest africain) et de la Cemac (Communauté économique et monétaire des Etats de l'Afrique centrale)’’. Il émet des réserves cependant sur l’intégration commerciale à travers ‘’l’union douanière’’. Car le Sénégal tire beaucoup de ‘’ressources’’ à ce niveau.

Il ne néglige pas cependant le défi sécuritaire, en pointant notamment du doigt le point névralgique que constitue le sud du pays. Et pour une résolution définitive de cette crise casamançaise, il préconise d’utiliser le moyen du ‘’dépassement’’ face aux deux voisins impliqués indirectement dans le dossier : la Gambie et la Guinée Bissau.

‘’Ceinture d’insécurité’’

D’autres anciens ambassadeurs ayant pris la parole ont parlé de ‘’ceinture de sécurité ou ceinture d’insécurité’’ pour qualifier les pays qui nous entourent. D’abord, il faut reconnaître que ‘’nous avons des frontières poreuses’’, avait noté au début du débat le doyen Seydou Oumar Sy. Ainsi, il faut redoubler ‘’toujours de vigilance’’, conseille un des anciens plénipotentiaires. Car pour lui, ces pays ont un ‘’complexe d’infériorité’’ devant le Sénégal. ‘’Ils ne nous facilitent pas la tâche, parce qu’ils ne cherchent à défendre que ‘’leurs intérêts’’, souligne-t-il.

Un autre a mis l’accent sur l’importance du ‘’numérique’’ et des ‘’acteurs non étatiques’’ dans ce nouveau monde. Pour le premier point, il donne l’exemple de certaines organisations terroristes qui l’utilisent pour faire leur propagande. Il souligne ainsi que ‘’toute politique qui n’en tient pas compte est vouée à l’échec’’.   

Homosexualit

Les intervenants n’ont pas manqué aussi d’évoquer d’autres questions brûlantes, notamment l’homosexualité. Une question à laquelle certains pays influents ont directement interpellé le Sénégal pour plus de liberté de ces minorités (LGBT). Cependant, ‘’le Sénégal fait partie des pays de l’OCI qui résiste à cela’’ encore, note l’ambassadeur secrétaire général du ministre des Affaires étrangères, Ibrahima Khalil Seck. Et le président de la République ‘’a donné la position du Sénégal sur ce thème’’. Toutefois, suggère la conseillère à la Primature, Fatou Isidora Mara, ‘’nous devons dès maintenant réfléchir’’ afin de ‘’prendre en charge cette question’’. Parce que c’est une ‘’réalité à laquelle nous sommes confrontés’’, indique la diplomate.

Le débat, qui a été ‘’fécond’’, selon son modérateur Seydou Oumar Sy, sera dorénavant ‘’un forum pour maintenir permanent ce dialogue’’ intergénérationnel, estime le président de l’UCAES, Ahmadou Lamine Touré. ‘’Car nous avons besoin d’apprendre auprès de vous’’, conclut-il à l’endroit de ces diplomates de l’ancienne école.

OUMAR DEMBELE (STAGIAIRE)

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