Au gré des circonstances
L’opposition risque de se faire électrocuter par ses courants qui se créent au gré du surgissement de nouveaux partis et de leurs intérêts plus divergents que convergents. Le jeu de yo-yo des deux pôles de l’opposition sur les travaux de la révision du code électoral montre l’ampleur de la tâche à accomplir pour des opposants unis
Difficile de lire la trajectoire des rapports politiques entre partis de l’opposition. Alors qu’on s’attendait à un bloc uni qui ferait face à une coalition du pouvoir qui déroule, c’est plutôt un dérèglement des repères avec des alliances qui se concoctent et se défont au gré des circonstances. D’abord le Front patriotique pour la défense de la République qui a servi de cadre unitaire à l’opposition avant la sortie du gouvernement de Rewmi en septembre 2013.
Ce qui eut pour effet de disputer le monopole de l’opposition à Mamadou Diop Decroix, Oumar Sarr et consorts. Si ces deux tendances sont les plus ‘significatives’ dans l’opposition, l’irruption de partis néophytes de moindre envergure, portés par d’anciens barons du pouvoir, sortants ou de déçus de la coalition gouvernementale BBY, est un paramètre qui va changer la donne. En moins de deux ans, novembre 2014 et mai 2016, cinq ministres, dont deux anciens chefs du Gouvernement, ont créé leurs partis.
Le mouvement des patriotes pour le développement Mpd/Liggeey de Aliou Sow (novembre 2014), Souleymane Ndéné Ndiaye avec l’Union nationale pour le peuple (UNP/B-J) mai 2015, le Grand parti de Malick Gackou (aout 2015), les démocrates réformateurs (Ldr) de Modou Diagne Fada et l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) de Abdoul Mbaye, tous deux en mai 2016 deviennent les nouveaux atomes qui gravitent autour du noyau bipartite de l’opposition (Pds-Rewmi). Ces particules élémentaires vont chambouler les rapports pouvoir/opposition, et compliquer davantage les rapports au sein de l’opposition pour tenter de s’imposer dans le landerneau politique.
Le référendum du 20 mars, mais surtout l’appel au dialogue national du 28 mai passé montrent à quel point les lignes fluctuent au sein de l’opposition quant à un discours unifié. La consultation populaire sur les quinze points de la réforme constitutionnelle a permis une convergence passagère, où un cadre hybride, s’est vu défendre le même objectif. Deux mois plus tard, la réponse, en ordre dispersé, à l’appel au dialogue du 28 mai dernier, démontre que l’opposition a encore du chemin à faire pour parler d’une seule voix.
La position commune a montré quelques failles puisque que le principal parti d’opposition a répondu alors que son vis-à-vis, non moins important, le Rewmi, a rejeté le principe de cette rencontre. Le Fdpr, n’a pas participé au dialogue en tant qu’entité collective même si beaucoup de ses individualités le composant ont répondu à l’Appel. Les suites de cette entrevue nationale, ayant débouché sur l’éventualité de la libération du candidat investi des libéraux, Karim Wade, a obligé une certaine partie de l’opposition à revoir sa copie.
Piège à consensus
C’est tout logiquement que les chocs des ambitions se sont répercutés sur les travaux de revue du code électoral. Ce nettoyage pré-électoral a subi le blocage de ces nouveaux barons-opposants dont certains ont été exclus de...l’opposition. En lançant leur nouvelle coalition, le trio d’ex caciques du Pds, Souleymane Ndéné Ndiaye, Modou Diagne Fada et Aliou Sow, en compagnie d’autres partis, a profité des circonstances pour forcer le consensus. Le leader de Ldr et celui de Mpd/liggeey, trainant toujours un contentieux d’ordre législatif avec le parti majoritaire de l’opposition, assurent leurs arrières face à un Pds revanchard et incontournable dans l’opposition.
Le parti démocratique sénégalais et Rewmi d’Idrissa Seck qui s’étaient ‘perdus de vue’ sur l’appel au dialogue ont, pour le moment, trouvé une plage de convergence sur les travaux de revue du code électoral. Mais le problème demeure entier puisque la ‘’sécession’’ des ‘nouveaux venus’ a réussi à enrayer la machine. Lundi dernier, ils ont fait retentir une première fausse note quant à la présentation d’une liste de 10 plénipotentiaires de l’opposition pour le démarrage des travaux de revue du code électoral. Le lendemain (mardi), fort de cette banderille plantée, ils ont mis en place l’Entente des forces de l’opposition (Efop) et ont obtenu un délai de 48 heures, du ministre de l’Intérieur, pour aller s’entendre avec l’autre opposition qui les a snobés.
L’opposition déjà restreinte s’accommodera-t-elle de cette nouvelle dissension dans ses rangs ? ‘‘L’Efop a saisi l’opportunité de s’imposer. Et tout laisse croire que l’opposition risque bien de se faire électrocuter par ses propres courants au profit d’un camp présidentiel bien en point.
OUSMANE LAYE DIOP