Seize Sénégalais, venus de Libye, racontent leur odyssée
Emprisonnés en Libye puis relâchés, grâce à une « usurpation d’identité », 16 Sénégalais sont hébergés dans les locaux de l’ambassade du Sénégal au Burkina Faso. ENQUÊTE les a trouvés sur place, hier.
Crasseux, visages las laissant paraître tout de même un brin de soulagement, Bassirou Diaw et ses quinze autres compatriotes sénégalais sont dans la galère, depuis plusieurs mois. Ils étaient tous établis en Libye. Emprisonnés, brimés, ils ont vécu une véritable galère, depuis la mort de Kadhafi. Ils viennent d’échouer à l’ambassade du Sénégal au Burkina Faso, après avoir effectué une véritable traversée du désert. Trouvés, hier, dans les locaux de l’ambassade sis au centre ville, sur l’avenue Kwamé Nkrumah, au deuxième étage d’un bâtiment blanc avec un drapeau sénégalais flottant au-dessus, ils ont voulu raconter leur histoire. « J’ai quitté le Sénégal en 2007 pour la Libye. J’étais à Banaf. Quand la guerre a commencé, je suis allé à Tripoli », raconte Bassirou Diaw, teint noir et poussiéreux.
Le jeune Sénégalais a été emprisonné dans la capitale libyenne. ''J’ai été arrêté et on m’a pris tout ce que j’avais », dit-il. Il est ensuite transféré dans une prison de Saba où il retrouve d’autres Sénégalais. « Je suis resté 6 mois là-bas'', poursuit-il. Plus chanceux, Abdourahmane Sy, lui, n’a passé que 2 mois et 6 jours en prison. Arrivé à Tripoli en 2012, ce jeune homme n’aura passé que neuf mois de bonheur chez Kadhafi. Qu’ont donc fait ces Sénégalais pour avoir séjourné en prison ? « Rien !», répondent-ils en chœur. « Les policiers nous dépouillaient et nous prenaient tout, avant de nous mettre en prison. Moi, j’avais mes papiers et j’étais en règle », raconte Djiby Diallo.
En prison, les conditions de vie étaient ''inhumaines''. ''On mangeait deux fois par jour et pas assez'', révèle Bassirou. ''On nous frappait et nous brutalisait à la moindre occasion'', ajoute Abdourahmane. Pour échapper à ces brimades, ces Sénégalais se sont fait passer pour des Nigériens. ''Les autorités libyennes ne refoulaient que les Tchadiens et les Nigériens », assurent en chœur les ex-prisonniers. ''Il fallait dire qu’on est ressortissant de ces pays pour être libérés. C’est ainsi qu’on a atterri au Niger'', rapportent les trois porte-parole. De là, ils ont rallié le Burkina. ''Je suis descendu au Niger, des Sénégalais de là-bas m’ont aidé à rallier Agadez. Je suis ici depuis une semaine. Je logeais dans un garage. Mais je dors à l’ambassade, depuis 3 jours. », explique Djibril Diallo.
Tous ou presque sont passés par Agadez, avant de rallier Niamey. Moins chanceux, Abdourahmane a dû faire de petits boulots pour pouvoir aller à Agadez. Là-bas également, il a dû travailler et avoir un peu d’argent, pour rejoindre Niamey. Ayant suivi le même itinéraire pour arriver au Burkina, il peut espérer, tout autant que ces compagnons, voir le bout du tunnel. Ce qui n’est pas le cas pour ceux qui sont restés en Libye. « Des gens veulent rentrer, mais n’ont pas les moyens. Certains sont dans les prisons », renseignent ces anciens prisonniers. L’ambassadeur du Sénégal en Libye serait au courant de la situation, mais il n’a pu trouver des solutions. ''L’ambassadeur est courant de cela. Il est venu nous voir en prison. Mais il n’a pu nous faire sortir'', témoignent nos interlocuteurs.
L’ambassadeur du Sénégal au Burkina, Mamadou Makhtar Guèye, souhaite mettre fin au calvaire de ces réfugiés. « Ces Sénégalais viennent de Libye où ils ont été refoulés. On va prendre les dispositions pour les acheminer jusqu’au Mali et, à partir de Bamako, l’ambassade va prendre le relais pour les acheminer jusqu’à Dakar », déclare M. Guèye. « La facilité avec Bamako, c’est qu’avec la crise au Mali, l’ambassade a pris de façon permanente des dispositions pour acheminer les Sénégalais qui sont au Mali vers le Sénégal », ajoute-t-il. C’est ce qui explique le choix porté sur cet itinéraire. Ces 16 Sénégalais ne sont pas arrivés ensemble au Burkina, mais par vague, en provenance de Libye. L’ambassade du Sénégal le sait et n’a rien prévu dans le long terme. « On va traiter les flux, en fonction des circonstances, de nos moyens et des voies les plus appropriées pour les acheminer au pays », renseigne M. Guèye.
BIGUE BOB
AVERTISSEMENT!
Il est strictement interdit aux sites d'information établis ou non au Sénégal de copier-coller les articles d' EnQuête+ sans autorisation express. Les contrevenants à cette interdiction feront l'objet de poursuites judiciaires immédiates.