Réactions et médiations tous azimuts
Le patronat de presse se réunit ce vendredi 16 août autour du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse au Sénégal (Cdeps) pour évaluer le premier plan d’action exécuté cette semaine, pour protester contre les mesures asphyxiantes prises par l’État à son encontre.
Après une journée sans presse mardi dernier, le boycott des activités du gouvernement, mercredi et jeudi, les membres du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse au Sénégal (Cdeps) se réunissent ce matin pour évaluer leur plan d’actions. Une réunion qui se tient au moment où le gouvernement semble ouvrir une brèche pour des négociations.
Dans le communiqué du Conseil des ministres de mercredi dernier, il est écrit : ‘’Appelant à un dialogue rénové avec la presse nationale, le président de la République a relevé que la situation générale de celle-ci mérite une attention particulière du gouvernement et des mesures de redressement appropriées. En effet, une presse professionnelle, responsable et respectueuse de l’État de droit demeure un pilier majeur de la démocratie. C’est dans ce sens qu’il a demandé au gouvernement, notamment au ministre de la Communication, de veiller à l’application intégrale du Code de la presse, mais également au bon fonctionnement des entreprises de presse, dans un esprit permanent d’ouverture et de concertation en vue du respect des cahiers des charges signés.’’
Réactions
La journée sans presse n’a pas été inefficace. Elle a interpellé plus d’un, dont la société civile qui s’active pour trouver une solution à la crise. D’éminents membres de la société civile dont le Professeur Babacar Gaye et Alioune Tine s’activent pour que les deux parties discutent et trouvent des solutions. Le Professeur Gaye a reçu hier une bonne partie de représentants des médias dont des membres du Cdeps, du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored), du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics) etc. De franches discussions ont permis d’établir une liste des sujets prioritaires à discuter.
Les politiques ne restent pas indifférents à la question. Dans un communiqué reçu hier à ‘’EnQuête’’, le Parti de l’indépendance et du travail (PIT) considère les actes subis par les professionnels des médias comme ‘’un recul démocratique de 20 années’’. Pour le PIT-Sénégal, au-delà du “symbole d’une démocratie attaquée dans le vif”, les deux principaux enjeux restent “l’emploi et la précarisation de milliers de travailleurs dont la mission d’information et de vigie est primordiale dans une société démocratique”. Le parti politique estime que les journalistes, à l'instar de tous les autres techniciens des médias, bref, de tous les travailleurs du pays, méritent “respect et considération”.
Pour le PIT, rien que pour “les trois décennies” durant lesquelles la presse a joué un “rôle majeur dans les luttes pour la construction du Sénégal au prix d’un travail acharné”, elle mérite un meilleur traitement.
Mais le PIT est d’avis qu’“il ne s’agit bien évidemment pas d’accorder des privilèges indus à nos entreprises de presse et de médias, pas plus qu’il ne faudrait l’accorder à aucun autre segment de notre population active”.
Toutefois, il convie au “discernement, à la lucidité, à l'équilibre” pour ne point se laisser griser par “l’ivresse combien pernicieuse du pouvoir”. Car le parti est persuadé que “le dialogue et le sens de la mesure peuvent donner des résultats profitables à tous”.
Ainsi, le PIT convie le gouvernement à “reconsidérer certaines de ses prises de position et certains de ses actes”.
En outre, dans sa missive, il exhorte ce dernier à la culture du sens des “responsabilités” et à éviter “dans ce domaine comme dans bien d’autres” les actions et déclarations susceptibles d'être lourdes de conséquences, pas uniquement pour la presse, mais aussi pour tous les Sénégalais.
À en croire le PIT, l'actuel gouvernement devrait cultiver le sens des priorités afin de “prendre à bras le corps le problème de l’emploi, celui d’une jeunesse déboussolée, les complexes questions économiques ou celles sécuritaires et diplomatiques”. Dans le communiqué du Parti de l'indépendance et du travail, on nous renseigne que les objectifs du Sénégal doivent être, entre autres, la “préservation des emplois, de la justice, de la stabilité, de la paix civile et sociale”.
Revenant à la presse, il suggère qu'elle doit jouer un rôle sans “entrave” en préservant sur le territoire national la “liberté d’opinion” qu'il ne faudrait pas confondre avec la “liberté d’insulter, de violenter, de désinformer et de calomnier”.
In fine, le PIT a réitéré sa solidarité vis-à-vis de la presse et demeure convaincu que dans l'union, elle fera “bouger les lignes”.
Par ailleurs, la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA), dans une note, s’est elle aussi prononcée sur la journée sans presse des médias sénégalais.
En effet, le MFWA a salué le sacrifice consenti par la presse sénégalaise pour assurer sa survie face à des défis multiples auxquels elle fait face. ‘’Nous nous félicitons de la solidarité des acteurs des médias qui ont largement suivi le mot d’ordre pour la journée sans presse et fait part de sa solidarité avec la presse sénégalaise. Nous appelons les autorités à privilégier le dialogue et à adopter une approche plus compréhensive vis-à-vis des entreprises de presse. Il est de l’intérêt des nouvelles autorités de soutenir et de promouvoir une presse indépendante, car celle-ci a joué un rôle crucial dans la consolidation de la démocratie et la préservation de la paix sociale au Sénégal, pays qui reste un modèle de démocratie en Afrique’’, lit-on dans la note. Pour rappel, la MFWA, en collaboration avec six autres organisations régionales et internationales, a récemment adressé une lettre ouverte aux nouvelles autorités sénégalaises pour leur demander de faire de la liberté de la presse une priorité nationale.
Mamadou DIOP