Entre retraite politique et cure d'opposition
Au lendemain de la débâcle de leur porte-étendard, plusieurs leaders de la mouvance présidentielle doivent faire face à l'avenir, immédiat avec les législatives, et lointain pour leur carrière politique. Mais ils se sont tellement engagés avec Abdoulaye Wade qu'il leur sera difficile de ne pas rester des opposants de longue durée. Même si la transhumance reste une possibilité pour eux.
Revers de fortune ! Les urnes viennent, à peine, de donner leur verdict sans appel, que l'avenir de certains leaders politiques s'écrit déjà en pointillés. Ils ont été des figures importantes du magistère de Wade pendant ses douze années de règne sans partage à la tête du pays. Ce sont des chefs de parti qui se sont donnés corps et âme à la cause libérale ou à celle de... Wade, c'est selon. N'hésitant pas, pour certains, à fusionner leurs formations politiques lilliputiennes avec le parti libéral. Ces chefs de parti dont Djibo Kâ, Iba Der Thiam, Mbaye Jacques Diop, Abdoulaye Makhtar Diop, Abdourahim Agne, Mamadou Diop Decroix, ont pourtant eu des fortunes diverses dans leur compagnonnage avec Wade. Mais contre vents et marées, ils sont restés amarrés au navire bleu, essuyant les tempêtes et faisant cap vers le lieu désigné par le maître, stoïquement, avalant beaucoup de couleuvres en chemin. Aujourd'hui que le rêve d'une gouvernance sur cinquante ans s'arrête, place à la réalité crue de l'arène politique. D'opposition, en principe.
Djibo Ka, rêve de présidence brisé ?
Des chefs de parti politique qui entourent Wade, Djibo Kâ est celui qui semble s'être aménagé le mieux une porte de sortie, en entretenant finement l'idée de prendre la relève de Wade, et n'écartant pas à l'origine l'idée de participer à la présidentielle de 2012, en cas d'invalidation de la candidature de Wade. Aujourd'hui, il pourrait difficilement trouver un point de chute auprès de Macky Sall, comme cela a été avec Wade, après la défaite du Ps en 2000. Le chef de file de l'Urd devrait rester au sein de la coalition des Fal et mener sa propre barque en direction des législatives du 17 juin. D'autant plus qu'il a affirmé que «après Wade, je ne serai plus jamais derrière un autre.»
Iba der Thiam, fin de carrière ?
Ça pourrait être le clap de la fin pour l'ancien patron de la CDP/Garap gui, un parti lilliputien avalé par le Pds. Ministre sous Diouf, proche collaborateur de Wade pendant ses deux mandats 12 ans de règne après avoir été l'un de ses plus grands contempteurs, «Der la science» est monté en grade après le premier tour pour devenir président de la Commission de réflexion et de suivi sur le 2ème tour. Clairement, Wade a cru pouvoir s'appuyer sur son expérience politique pour maintenir à flot une barque libérale à vau-l'au. Peine perdue ! Aujourd'hui, cet échec sonne sans doute la fin de sa carrière politique...dans le pouvoir. A moins que les sirènes de la transhumance fassent effet sur lui.
Mbaye Jacques Diop, plus rien à gagner
Le second tour de la présidentielle avait sonné son retour au premier plan dans l'attelage du candidat Wade. Toutefois, la déroute de Wade sonne, sans doute, le glas de sa riche carrière politique. Sous l'éteignoir et en froid avec Me Wade depuis la dissolution du Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (CRAES), il avait pris en charge la communication de Wade lors de ce second tour. Véritable dinosaure de la politique sénégalaise, il lui sera difficile de survivre ayant perdu le monopole de la ville de Rufisque et ne disposant plus de parti qu'il a fusionné avec le PDS. Ira-t-il aux Législatives ? Rien de moins sûr, car une meute de jeunes loups arrivent derrière.
Abdourahim Agne, la retraite ?
L'ancien président du groupe parlementaire socialiste avant l'alternance, après un court temps d'opposition, avait transhumé chez les libéraux dont il appelait le chef «Monsieur VADE». La chute de Wade est une très mauvaise nouvelle pour lui. Inexistant dans son fief du Fouta au cours de cette élection présidentielle, il ne semble plus disposer d'une grande marge de manœuvre politique. Une deuxième transhumance ?
Lamine Bâ, une autre vie dans le Pds ?
C'est le plus «malchanceux» de tous après qu'il a pris le mauvais train de l'histoire politique de ce pays. En sa «qualité de vice-président de l’Internationale libérale», justifiait-il, Lamine Bâ avait été l'un des rares responsables politiques à rallier le candidat Abdoulaye Wade dans l'entre-deux tours, après avoir soutenu Idrissa Seck au premier tour. Il fallait bien que quelqu'un refasse le coup de Djibo Kâ en 2000 !
Abdoulaye Makhtar Diop, retour dans l'opposition
Le leader des Socialistes unis pour la renaissance du Sénégal (SURS) n'a pas misé sur le bon cheval. Entré tardivement dans le gouvernement, il a naturellement battu campagne pour Wade. De fait, la victoire de Macky Sall sonne pour lui comme un long bail dans l'opposition. En attendant les législatives, il pourrait prendre ses distances avec la mouvance présidentielle.
Mamadou Diop ''Decroix'', la croisée des chemins
Il lui faudra d'abord solder ses comptes avec Landing Savané, pour le monopole de And Jëf/Pads. Ensuite, les Fal 2012 ayant échoué à faire réélire leur candidat, ''Decroix'' se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. La débande annoncée des Fal pourrait le mettre en très mauvaise posture. Son salut se trouve donc dans une alliance politique suffisamment forte pour lui permettre de rebondir dans...l'opposition.
Gaston COLY