Idrissa Seck, les sentiers de la rédemption
Le président du Rewmi participera-t-il à l’élection présidentielle du 25 février 2024 ? Son ralliement à la mouvance présidentielle ne semble pas lui apporter les attentes visées. L’incertitude autour de la candidature de Macky Sall est un autre coup à l’avenir politique de l’ancien maire de Thiès.
Deux ans et trois mois qu’Idrissa Seck a fait son retour fracassant sur la scène politique sénégalaise. Le 1er novembre 2020, le président du Rewmi a été nommé à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese) par le président de la République Macky Sall. Un choix surprenant, puisqu’un an auparavant, l’ancien maire de Thiès refusait de reconnaître la victoire du candidat de la mouvance présidentielle, lors de sa réélection en février 2019.
Comme à son habitude, Idrissa Seck s’est lancé dans des calculs politiques qu’il a justifiés en déclarant ‘’que la compétition électorale de 2019 est dernière nous, le contentieux qui en est issu a été éteint par l’ouverture du dialogue national et les résultats remarquables qu’il a produits’’.
Le Cese et quelques portefeuilles ministériels en poche, le compagnonnage entre le chef de file du Rewmi et président de l’APR a-t-il produit les effets escomptés ? La prière d’Idrissa Seck pour Macky Sall, lors de son passage à Thiès (9-11 février 2023) pour une tournée économique dans la région, est assez révélatrice sur l’état d’esprit qui anime le président du Cese : ‘’Que le Seigneur continue d’apaiser votre cœur, de fortifier votre esprit pour que les choix futurs que vous aurez à faire puissent vous valoir un parachèvement de votre parcours déjà exceptionnel d’une telle beauté qu’il n’aura pas d’autre choix que de vous garantir, après une longue et heureuse vie auprès des vôtres, une mention honorable sur les langues de la postérité.’’
En rejoignant la mouvance présidentielle au moment où l’opposition politique n’a jamais autant rééquilibré le rapport de forces avec le pouvoir, le président du Rewmi espérait enfin trouver une machine électorale capable de le placer à la tête du pays en 2024. Fort de sa deuxième place à la Présidentielle 2019, la mise à contribution de tout l’apport de la coalition au pouvoir, s’il est choisi comme candidat de Benno Bokk Yaakaar, était une belle promesse de victoire après ses échecs de 2007 (2e), 2012 (5e) et 2019 (2e).
Selon certaines indiscrétions, il s’agit même de l’accord entre lui et le président Sall pour qu’il accepte de rejoindre la mouvance présidentielle.
Sauf que deux élections sont passées entretemps, sans que l’apport du Rewmi ne fasse sa magie dans les rangs du pouvoir. Pire, l’opposition qu’a quittée Idrissa Seck a réalisé des performances remarquables, en récupérant quatre des cinq grandes villes du pays, dont Thiès, bastion du leader du Rewmi, lors des élections locales de janvier 2023.
Six mois après, elle a quasiment installé une cohabitation à l’Assemblée nationale, en obtenant 82 députés contre 83 pour la mouvance présidentielle qui a bénéficié du changement de camp de Pape Diop, après son élection comme député sur une liste de l'opposition.
Un désaveu pour le président du Rewmi ? Depuis, Idrissa Seck se terre, comme à son habitude, dans ses retraits de la vie publique. Si les troubles de mars 2021 l'ont amené à proposer une médiation entre Ousmane Sonko et Macky Sall pour arrêter la spirale de violence qu’a connue le pays, les conseils du président du Cese ne sont plus aussi bruyants que ce communiqué du 6 mars 2021. Jusqu’à cette tournée économique du président Sall dans la capitale du Rail.
Car les bonnes paroles de l’ancien maire de Thiès interviennent au moment où le président de la République est confronté à la tentation d’un troisième mandat. Un fruit interdit auquel ses partisans le poussent à coups de meetings d’investiture avant l’heure.
À moins qu’il ne soit à l’origine de tous ces discours destinés à préparer l’opinion publique sur le reniement de ses propres promesses, le leader de l’APR reste encore muet sur ses intentions en vue de l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Une situation aux incidences multiples sur ses alliés, au premier rang Idrissa Seck.
A-t-il le profil pour être le candidat de BBY en 2024 ?
En effet, au moment où les déclarations de candidature fusent au sein de l’opposition, la coalition Benno Bokk Yaakaar n’a toujours pas identifié son candidat. Et le leader du Rewmi semble loin d’être le profil idéal pour rassembler une mouvance présidentielle au sein de laquelle toutes les parties évaluent la pertinence de la reconduire en vue de la Présidentielle.
Face aux alliés des premières heures, dont le Parti socialiste et l’Alliance des forces de progrès, la légitimité d’un Idrissa Seck candidat de BBY se pose. D’ailleurs, les deux formations politiques ont organisé des rencontres pour réévaluer le compagnonnage au sein de la mouvance présidentielle. Au même moment, l’APR du président Macky Sall ne présenterait-il pas un candidat, si ce dernier venait à choisir de ne pas se présenter pour un troisième mandat ?
Quoi qu’il en soit, Idrissa Seck se retrouve dans une position bien inconfortable. Une candidature du président Macky Sall ruinerait ses espoirs de s’appuyer sur la coalition Benno Bokk Yaakaar pour conquérir le pouvoir. Car son choix risque de provoquer la dislocation de cette alliance qui dirige le pays depuis 2012. Et une candidature au sein de l’opposition peut être encore plus catastrophique pour un homme à la trajectoire politique illisible.
A bientôt 64 ans, Idrissa Seck a-t-il dit adieu à ses ambitions présidentielles ? Lui compte bien abattre toutes ses cartes. Une idée qu’il semble même avoir intégré au moment de prodiguer ses fameuses prières pour le président Macky Sall à Thiès, attendant peut-être la même acceptation de son ancien collègue au sein des gouvernements sous Abdoulaye Wade à propos d’une troisième candidature aux conséquences incertaines.
Il faut aussi souligner les rumeurs tenaces sur son état de santé qui interpellent quant à son avenir politique. En tout état de cause, Idrissa devra se réinventer, s’il veut réaliser son rêve d’être élu chef de l’Etat sénégalais.
Lamine Diouf