La preuve d’une info exacte par une description macabre
Pour prouver qu’il a obtenu des informations exactes sur le meurtre de la dame Mariama Sagna, un journaliste s’est mis dans une description sans pudeur des faits, sans avoir une pensée pieuse ni pour la victime ni pour son époux et ses enfants. Il en est, d’ailleurs, du journaliste comme du procureur de Pikine- Guédiawaye qui, voulant démentir l’interprétation politico-politicienne de l’homicide, s’est mis lui aussi dans une description choquante des circonstances de la mort de la dame tuée par deux charretiers pervers.
Il y a les mots de la pudeur ; il faut les connaître et savoir les utiliser à bon escient pour ne pas choquer. Déjà que l’usage du terme ‘’viol’’ est difficile… Le procureur et le journaliste en ont rajouté une couche à l’indécence. ‘’Je ne veux pas reprendre les termes du procureur, car ses enfants ne doivent pas lire le récit des faits’’, commente sur sa page Facebook Mme Oumy Cantome Sarr de la Rencontre africaine pour la défense des de l’homme (Raddho).
‘’Autant l'effort de communication du parquet de Pikine est louable, autant est regrettable son goût du détail dans une affaire qui mêle mœurs et sang. Aller jusqu'à décrire la manière dont l'un des présumés auteurs du crime a tenu les jambes de la dame Sagna pour permettre à son comparse de passer à l'acte relève plus du sensationnel voire du voyeurisme que d'une volonté de transparence dans cette affaire où le conjoint et les enfants de la défunte aimeraient se voir épargner certains détails, déplore le journaliste Ibrahima Anne de Wal Fadjri. Si les supposés auteurs doivent bénéficier de la présomption d'innocence jusqu'à ce qu'un tribunal établisse formellement leur culpabilité, la victime et son entourage sont en droit d'espérer du service public de la justice le droit à la dignité pour leur épouse ou maman’’.
Repris par la presse, ces termes choquants du procureur et du journaliste sont là, pour ainsi dire, l’éternité. Des membres de la famille de la défunte pourraient, bien des années plus tard, lire la description indécente qui a été faite des circonstances du meurtre de leur parente. Et c’est pour ces mêmes raisons que le droit pénal tout comme le droit de la presse n’admettent pas qu’une personne mineure ni qu’un déficient mental puissent être identifiés dans des faits les concernant. Et c’est cette précaution qui explique l’usage par la presse d’initiales des noms et prénoms dans les articles de faits divers. Même une allusion ne devrait pas permettre de reconnaître une personne à l’identité pénalement protégée. De la même manière, il devrait avoir des faits à l’évocation interdite dans la presse. Mais, la société n’en étant pas encore à cela, il appartiendra au journaliste d’user de sa responsabilité éthique et de son sens de la déontologie pour s’interdire les extrêmes.
Nous aimons toujours citer les cas de la description ‘’gore’’ (un sous-genre cinématographique du cinéma d'horreur, caractérisé par des scènes extrêmement sanglantes et très explicites dont l'objectif est d'inspirer au spectateur le dégoût, la peur… ), selon www.wikipedia.org, faite par un organe de presse dakarois de la mort d’un ressortissant français tué à Dakar dans l’accident d’un ‘’car rapide’’ . C’était il y a une dizaine d’années, mais la mémoire retient toujours la description sensationnaliste de ces faits.
L’autre leçon à retenir du crime de Keur Massar, c’est le mobile politique ou politicien… Et certains journalistes ont très peu résisté à la tentation d’une interprétation qu’une certaine classe politique a fait de ce fait divers. Même des signatures des plus respectables se sont laissé aller à des commentaires accréditant les mobiles politiques de l’homicide de Keur Massar. Ce qu’il ne fallait pas. Et cette affaire, du moins son explication politique, est retombée comme un ballon de baudruche. La tragédie d’une mère de famille ne méritait de finir ainsi.
Post-scriptum : Lu sur le web : ‘’Peu de titres de la presse sénégalaise ont des journalistes et des rubriques dédiées à l’analyse des fausses nouvelles. On peut quand même citer Africa Check qui fait un vrai travail de vérifications des chiffres contenus dans la presse sénégalaise. Et ce depuis 2012. Les fausses nouvelles sont (…) des armes utilisées par des hommes politiques. Avec la campagne pour l’élection présidentielle, Africa Check risque, de plus en plus, d’avoir du travail’’.