‘’Il y a plus de dix millions qu’il n’arrive pas à justifier’’
La population de Hann Bel Air dénonce une injustice par rapport au limogeage de Mbaye Paye. Que répondez-vous à cette accusation ?
D’abord, préciser que ce n’est pas la population de Hann, c’est quelques individus qui manifestent leur désaccord par rapport à cette affectation. Docteur Mbaye Paye est en poste ici, en tant que médecin chef de poste, depuis septembre 2010. Il y a dix jours de cela, j’ai décidé de mettre fin à ses fonctions de médecin chef de poste, pour l’affecter ailleurs. Ce qui veut dire, comme il le dit, que ce n’est pas un licenciement, par contre, c’est une mesure administrative. Nous sommes dans une république où l’autorité a le droit, en tant qu’employeur, d’affecter qui il veut au poste où il est utile. Le code est très clair : le maire nomme, recrute et affecte. Je ne vois pas où se trouve le problème.
Dr Paye déclare que vous avez commandité un audit et qu’il n’a rien à cacher. En outre, il a demandé votre appui pour réfectionner le centre et a même adressé une correspondance au ministre de tutelle. Selon lui, c’est ce qui vous a irrité.
Pas du tout, il faut mettre les choses dans leur contexte. Vous savez que les centres de santé dépendaient de la ville de Dakar. Depuis l’avènement de l’acte 3 de la décentralisation, vous acteurs de la presse n’ignorez nullement les difficultés que nous avons. Donc, docteur Mbaye Paye est venu ici, en avril, pour effectivement nous présenter ses préoccupations par rapport au centre. Mais il faut savoir qu’il est là, depuis 2010. Entre 2010 et 2015, le centre est à un niveau de délabrement très avancé.
La maternité aujourd’hui est fermée. Les patients ne peuvent plus avoir d’hospitalisation. Il y a eu des problèmes d’électricité et d’une manière générale, le centre n’est plus en mesure de fournir un service de santé de qualité. Voilà un peu la situation. Quand Dr Mbaye Paye est venu me voir avec le comité de santé, ils ont présenté un certain nombre de problèmes. Et comme vous le savez, nous sommes proches de la population. Nous avons eu beaucoup de plaintes de celle-ci. Je leur ai proposé de faire une étude. La mairie n’est pas habilitée à faire un audit. Il y a une confusion à ce niveau.
Dr Mbaye Paye parle aussi d’insubordination. Qu’en est-il ?
Quand on a vu l’état du centre, on s’est retrouvé ici en réunion devant lui. Lorsque nous avons parcouru le rapport, le premier adjoint chargé de la santé, le secrétaire municipal, le sous-préfet étaient tous là. Lui-même docteur Mbaye Paye a dit que ce rapport est fidèle. Il y a des énormités dans ce centre. Le rapport dit, qu’entre le mois d’août dernier et décembre, il y a plus de 10 millions de F CFA qu’eux-mêmes n’arrivent pas à justifier en dépenses. C’est pour vous dire que notre motivation est fondée. Je n’ai pas de problèmes personnels avec Mbaye Paye. Ce que nous voulons, c’est une gestion sobre et vertueuse. Il faut que l’on arrête ces pratiques dans ce centre de santé. D’après les informations qu’on m’a données, il est impossible de travailler avec lui, de par son tempérament et sa manière de réagir.
Est-ce à dire qu’il y a eu détournement ?
Je ne parle pas de détournement, car je ne suis pas un cabinet d’audit. Ils ont voulu que l’on investisse dans le centre. Je leur ai dit : pour investir dans le centre, il nous faut une vue globale de ce que vous faites ; avoir un aperçu de vos préoccupations. Nous sommes allés sur place et ils nous ont donné des pièces comptables. Ce ne sont pas des pièces que nous avons inventées. Comment vous pouvez gérer un centre de santé où vous faites des recettes mensuelles entre 7 à 8 millions de F CFA, et que dans le compte ne transitent, en fait, que 900 000 F CFA maximum par mois ? Cela veut dire que l’on dépense avec du numéraire. On dépense les 8 millions. Les textes sont clairs : ils ne peuvent pas rester deux jours sans faire un versement au compte de la banque. Quand nous avons posé la question au Dr Mbaye Paye, il nous a répondu : la banque est éloignée, nous ne pouvons pas y aller tous les jours. Nous avons pris le texte pour argumenter, parce que, lorsque vous discutez, vous devez avoir un tableau de bord.
Ce tableau, ce sont les textes concernant le centre de santé, les différentes correspondances qui ont été adressées à l’agent de l’Etat qui doit veiller scrupuleusement à l’application des textes. Ce que Dr Mbaye Paye n’a pas fait. On nous a dit que les 8 millions ne passent pas dans le compte bancaire ; et nous, en réunion, ils nous ont dit qu’ils faisaient des recettes de 3 millions à 4 millions. C’est un problème. On dit que Mbaye Paye est un homme très généreux. Il nous envoie des factures de 1 000 F CFA, pour achat de thé ; 2 000 F CFA de pastèques. Ce n’est pas sérieux. Vous avez ici un médecin qui reçoit, tous les mois, une indemnité de logement.
Quel est le médecin chef de centre dans Dakar qui reçoit une indemnité de logement ? Il nous dit que c’est un arrangement interne. Ils font leur propre interprétation des textes. C'est-à-dire que les outils de gestion ne sont pas utilisés, mais on se permet de prendre de petits bouts de papiers, pour dire : voilà les factures. Qu’on ne me reproche pas d’avoir enlevé docteur Mbaye Paye. Je pense que les gens ignorent toute la vérité. On est en train de les abuser. On nous dit qu’il est social : il vous fait deux consultations et la troisième consultation, il vous fait payer 7 000 F CFA. C’est ça le social ? C’est un agent commercial.