Ces combats si difficiles à gérer pour l’opposition
Entre pouvoir et opposition, la donne n’est pas la même. Une situation qui risque de conforter Benno Bokk Yaakaar, la coalition avec un maître à bord.
Benno Bokk Yaakaar. Yewwi Askan Wi. Gueum Sa Bopp. Et la dernière-née, Wallu Sénégal. Les coalitions de partis et de mouvement politiques se mettent en place, en direction des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022. Au fur et à mesure que cette date fatidique se rapproche, les enjeux personnels deviennent de plus en plus difficiles à dissimuler. Alors que les investitures ont commencé au sein de plusieurs formations, les batailles de positionnement minent les ententes précaires qui se sont nouées entre leaders aspirant aux mêmes objectifs. Si au sein de la coalition au pouvoir, une vieille recette permet de couper court aux luttes intestinales, l’opposition semble plus prédisposée à se diviser.
Rien que la mise en place de cette multitude de coalitions au sein de l’opposition symbolise le choc des intérêts. Pour beaucoup de candidats et quelques têtes d’affiche, 2022 sera la première élection locale à laquelle ils vont participer. Le dernier scrutin de ce type date de 2014. Et le paysage politique s’est grandement reconfiguré. Assez pour permettre à chacun de croire en ses chances ? Entre gros bonnets, sûrs de leur légitimité représentative dans leurs localités, et jeunes loups à l’orgueil démesuré, le clash est vite intervenu. La coalition Yewwi Askan Wi en a fait l’expérience.
Mise en place le 2 septembre 2021, après quelques mois de négociations secrètes puis publiques, la coalition « Yewwi Askan Wi » (libérer le peuple) regroupe une vingtaine de partis politiques dont les plus en vue sont le Pastef d’Ousmane Sonko, Taxawu Sénégal de Khalifa Sall, ou encore le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR). Surfant sur l’élan favorable ayant suivi l’affaire « Sweet beauté », l’opposition espérait mettre en place une alliance groupant tous ses grands membres autour de l’objectif commun défini à travers une charte : « faire bloc » pour « mettre un terme à la gouvernance du régime de Macky Sall ».
Une reconfiguration de la scène politique qui a du mal à passer
Coalition électorale, elle oblige les adhérents à présenter une liste unique dans chaque commune, ville et département du Sénégal et à s’abstenir de présenter ou soutenir une liste concurrente. Dans la même logique, ces partis politiques devront poursuivre dans une dynamique unitaire en perspective des législatives, également prévues en 2022. Mais, la reconfiguration de la scène politique fait que la représentativité des résultats des dernières élections locales ne correspond plus à la réalité. Et lorsque certains s’accrochent à la configuration des résultats de 2014, d’autres leur opposent la balance des forces actuelles.
Ces enjeux de positionnement sont particulièrement difficiles à gérer pour une opposition condamnée à s’unir pour faire face à la formidable machine électorale mise en place par Macky Sall et ses alliées. Le premier échec fut la non-participation du PDS et d’autres leaders libéraux à la coalition Yewwi Askan Wi. Avec un secrétaire général national, Abdoulaye Wade, trop âgé pour se présenter et un numéro 2 inéligible, l’ex parti au pouvoir se sait moins influent, s’il intègre cette coalition. Le parti de Karim Wade n’a d’ailleurs pas été cité parmi les partis inclus dans l’étape des négociations secrètes. Pour marquer sa démarcation, le parti libéral a déploré dans un communiqué « plusieurs jeux dans l’ombre ainsi que des subterfuges (…) qui plombent toute initiative de cette nature ».
Avec d’autres formations politiques qui l’on suivi sur cette voie, le PDS a lancé, ce 8 octobre 2021, sa coalition dénommée Wallu Sénégal (secourir le Sénégal). Cette coalition se sait, elle aussi, exposée aux mêmes démons de la division. D’ailleurs, lors de son lancement, le Président de la Convergence démocratique Bokk Gis Gis (BGG, un des nombreux partis libéraux qui la composent) a sensibilisé ses coalisés sur le sujet : « On est juste au début de notre compagnonnage et le plus difficile reste à venir. Mettons dans chaque localité une équipe gagnante qui va descendre sur le terrain et on peut être victorieux. Il serait insensé de créer aujourd’hui une coalition et de s’entretuer demain pour des questions de postes », prévient l’ancien maire de Dakar.
Un autre exemple avec la coalition Yewwi Askan Wi est le départ du maire de Médina. Bamba Fall a annoncé, ce weekend, quitter cette coalition, sans pour autant quitter Taxawu Sénégal qui reste dans la formation de partis politiques. Avait-il eu vent d’une intention de la coalition de proposer un autre candidat à la Médina ? Ni Ousmane Sonko, encore moins Khalifa Sall ne pourront, à son avis, lui faire gagner la commune. En lieu et place, Bamba Fall dit faire confiance aux Médinois. Par la même occasion, le maire sortant a annoncé son intention de se représenter sous la bannière d’une coalition dénommée « Médina Si Xol ».
Macky, l’atout majeur de Benno Bokk Yaakaar
Ces batailles de positionnement ne se limitent pas aux coalitions instaurées au sein de l’opposition. Elles sont également notables dans différentes communes où la coalition Benno Bokk Yaakaar dénombre plus d’un candidat. Seulement, la mouvance présidentielle a un atout à prévaloir : une autorité capable décider, d’interdire et de sanctionner. En effet, depuis la campagne d’investitures, le président de la République reçoit ses éléments en conflits et impose la voie à suivre.
Jeudi dernier, le leader de l’APR a accordé une audience aux deux responsables de son parti briguant la commune de Mbour pour mettre Cheikh Issa Sall, Président du Mouvement AMDEM et Directeur Général de l’Agence de Développement Municipal, à la tête de la liste communale de l’APR, et Saliou Samb, Directeur Général de la Société des Infrastructures de Réparations Navales (SIRN), à la tête de la liste départemental. Ce dernier est, par ailleurs, l’actuel Président du Conseil départemental de Mbour.
Selon nos sources, Macky Sall en fera de même aujourd’hui avec le ministre de l’Emploi, de la formation professionnelle et technique Dame Diop et l’actuel maire de Diourbel, Malick Fall. Les deux hommes, de la coalition Benno Bokk Yaakaar briguent le fauteuil de l’édile de la commune. Si le président de la République peut se permettre de mettre de l’ordre au sein de sa coalition, qui en fera de même dans celles des opposants ?
Lamine Diouf