BAYE MOUSSE PAYE, FOOTBALLEUR D’UNE EPOQUE, UN MODELE POUR TOUJOURS.
Ce dimanche 19 avril 2015, parents, amis, sportifs étaient venus nombreux accompagner BAYE Moussé PAYE à sa dernière demeure. Ce fut un dimanche triste pour cette foule qu’il faisait chavirer de bonheur les weekends dans les stades du Sénégal : Assane DIOUF, Demba DIOP, Iba Mar DIOP, Wiltord à Saint-louis.
Joueur exceptionnel par l’étendue de son registre technique et ses qualités humaines, Baye Moussé PAYE a incontestablement marqué de son empreinte les footballs sénégalais et africain de son époque En témoignent les reporters aujourd’hui disparus comme Alassane Ndiaye Allou, Alé NDAO, Balabasse DIALLO, les Guinéens Pathé DIALLO, Boubacar KANTE, Kabinet KOUYATE , Gaoussou DIABY mais aussi les monuments vivants du micro sportif que sont Pathé Fall DIEYE, Ahmed Bachir KOUNTA , Magib SENE, Abdoulaye DIAW.
Le mouvement navétane marqua les premiers pas du jeune Baye Moussé avec Arsenal de Fass avant Reims de Colobane ; il côtoya Alioune Badara BEYE, Pape Samba DIALLO, Mary MBAYE et autres, Gaucher PAYE. Cette carrière, dans ce qui deviendra le championnat populaire, s’acheva sous les couleurs de l’Aigle d’Azur de la Gueule Tapée aux cotés des talentueux Dial SENE, Momo SYLLA, Doudou FALL, Silmon FAYE, Issa MBAYE, Louis GOMIS, encadrés par Bakary SARR et Soré GUEYE. Un autre monument du football, Ibrahima DIARRA Pacha, participa à la formation du jeune Baye Moussé dans l’équipe « corpo » de la Régie du Transport du Sénégal.
Invité par Saliou à rejoindre l’US Ouakam, le jeune prodige qui intéressait aussi le Foyer France Sénégal signa un contrat de fidélité avec l’Union Sportive Goréenne. Aux cotés de feu Séga CISSE, Demba THIOYE, El Hadj SARR, Massata DIALLO, Massata THIOUNE, feu Khar SIDIBE ils écrivirent avec le club insulaire l’une de ses plus belles pages.
Ses débuts en équipe nationale auraient été marqués par un coup d’éclat avec feu Toumqni DIALLO, feu Matar NIANG, Yatma DIOUCK, Yatma DIOP, Oumar Gueye SAMB, feu Moustapha DIENG si « les subtilités de l’algèbre arabe » pour reprendre les mots de feu Allou , n’avaient pas éliminé le Sénégal. Vainqueurs de l’Ethiopie par 5 buts à 1 après avoir tenu en échec le pays organisateur, la Tunisie, 0-0, le Sénégal perdit la qualification au profit de la Tunisie qui avait battu l’Ethiopie par 4 buts à 0.Le seul tort du Sénégal a été d’avoir encaissé un but et non d’ avoir marqué un de plus.
Sur la route d’Asmara, l’entraineur Habib BA passa le témoin au trio Lamine Diack, feu Mawade WADE et Joe DIOP. La défense en ligne, comme système de jeu de l’équipe du Sénégal, était porteuse d’un projet qui laissait aux joueurs la liberté d’exprimer leur talent dans un football de rêve, élégamment construit où dominaient le plaisir de jouer et de donner du plaisir au public. Baye Moussé ne pouvait trouver meilleur cadre pour exprimer son talent. Mawade le reconvertit avant centre de pointe. Baye Moussé se révéla un véritable neuf et demi pour reprendre l’expression du défunt entraineur belge d’Anderlecht, Pierre SINIBALDI. Le meneur de jeu de l’US Gorée devint finisseur en équipe nationale ou à l’occasion passeur décisif. Sa virtuosité technique s’exprimait dans toute sa plénitude. Pour lui, le ballon n’était pas un instrument de travail, mais tout juste un jouet.
Comme Matar NIANG, Baye Moussé, joueur d’instinct, au séduisant toucher de ballon, par ses gestes techniques imprévisibles, se jouait des schémas tactiques des tableaux noirs d’avant match. Baye Moussé entre dans la légende avec le match Sénégal/ Guinée de 1967.Face aux Morlaye CAMARA, Sékou CONDE Pierre BANGOURA, Maxime CAMARA, Souleymane CHERIF et autres Petit SORY, le Sénégal présenta une équipe au sommet de son art avec Demba THIOYE, Insa DIAGNE Yatma DIOUCK et bien entendu l’orfèvre goréen du ballon. Par sa vision de jeu, ses passes et la lourdeur de sa frappe, Baye Moussé PAYE avait surclassé les Guinéens en dominant le match par l’étalage de sa technique. Les portes d’Asmara s’ouvraient pour le Sénégal après le doublé de Baye Moussé PAYE et la victoire 2 buts à 1 lors du match d’appui programmé en Gambie mais finalement joué à Dakar.
Sans doute séduit par le footballeur sénégalais, un jeune guinéen choisit de vivre avec son idole. Mory DOUMBIA le rechercha une semaine durant avant de le trouver : émouvante rencontre avec embrassades et pleurs du jeune guinéen. La téranga lébou aidant, il restera prés de cinq ans dans la maison familiale de Colobane où il apprit le métier de tailleur auprès de Papa SAMBA, neveu de Baye Moussé.
Après Asmara, il fit les beaux jours de l’US Montélimar en deuxième division française. Habitué à la vie en communauté, il retrouva le Sénégal avec l’intention de retourner en France avec sa famille. Sur la route de la qualification de la coupe du monde de 1970, Baye Moussé ne fit pas partie de l’équipe qui battit le Maroc par 2 buts à 1 à Dakar. Il aurait incontestablement marqué cette coupe du monde si l’arbitre espagnol Pintado n’avait pas décidé d’éliminer le Sénégal, suite à l’arbitrage scandaleux du match d’appui de Las Palmas du 13 février 1969. L’équipe du Sénégal avait fière allure avec une attaque de feu composée par El Hadj SARR, Bamba DIARRA, Babacar BA et Coulibaly, soutenue par un mileu de terrain où évoluaient Saliou CISSE « Chita » et Louis GOMIS « Loulou ».
.Mais si Baye Moussé fut le modèle pour toute une génération de footballeurs, il s’imposait aussi par les valeurs humaines qu’il véhiculait. De ses qualités émerge une sincérité non feinte, enroulée dans un franc- parler qui pouvait déranger mais ne cherchait jamais à blesser. Homme d’une loyauté indéfectible, intègre à l’extrême, constant dans ses relations, il ne reniait jamais ses amitiés. D’une probité morale notoire, il ne tendait jamais la main et aimait partager ce qu’il gagnait grâce à son métier. Ses adversaires du dimanche restèrent ses amis du lundi : Demba THIOYE, Saliou CISSE, « Chita », Kader NDOYE, Ousmane CAMARA « men », Bouba Diakhao, Yatma DIOP, Maxime CAMARA, Souleymane Cherif, pour ne citer que ceux-là. Dans ses conversations revenait toujours le mot dignité. Très fier de ses origines lébou, il resta attaché à cette communauté chaque fois qu’il était sollicicité, sans oublier le Sénégal. Voilà l’homme qui vient de nous quitter.
C’est une perte immense, pour le Sénégal certes, mais Moussé Woré PAYE, pur produit de l’école coranique de feu El hadj Amadou Lamine DIENE, fervent talibé tidjane, assidu aux khadaratoul diouma, ouvert à toute les confréries, aimait rappeler ces paroles qui en disent long sur sa piété : « en Dieu nous venons, en Lui faisons retour ».Que la terre de Yoff soit légère pour lui et que Dieu l’accueille dans son paradis.
Medoune PAYE, Professeur d’Histoire et de Géographie au Lycée Lamine GUEYE