Un prophète loin de ses frontières

‘’Trésor de l’humanité’’ aujourd’hui disparu, Doudou Ndiaye a pu, de son vivant, se targuer d’une carrière internationale dont seule celle de Youssou Ndour fut peut-être l’égale. Adoré partout où il s’est produit, le maître percussionniste a été l’objet de nombreuses publications, conférences et hommages prestigieux à l’extérieur du Sénégal.
Au Japon, où son Art est tout particulièrement apprécié du fait de sa proximité stylistique avec celui du Taiko (Ndrl : percussions folkloriques nippones), la Rose et ses Rosettes se sont de nombreuses fois déplacées (17 fois, en tout) pour à la fois des concerts, des collaborations et des Masterclass, notamment au sein de la formation Kodo. En 2013, le Pays du soleil levant lui avait retourné la politesse en dépêchant un de ses propres prodiges, Shuichi Hidano, au Théâtre National Daniel Sorano, dans le cadre d’une soirée de gala donné en l’honneur de Doudou Ndiaye Rose.
‘’Je pense que le tambour, dans toutes les cultures du monde, représente le langage parlé qui est profondément lié à la mentalité locale (…). Je suis très honoré de visiter pour la première fois de ma vie le Sénégal. C’est un pays des dieux du tambour, et c’était mon rêve de jouer avec Doudou Ndiaye Rose, une incarnation de cette divinité’’, avait déclaré le percussionniste japonais.
Hier, l’Ambassadeur du Japon au Sénégal, Takashi Kitahara, a fait état de sa "profonde douleur" à la suite de la disparition de Doudou Ndiaye Rose, dans un communiqué rendu public. ‘’Doudou Ndiaye Rose a commencé à collaborer avec l’ambassade depuis sa première visite au Japon en 1978. Il a été décoré par le Japon de plusieurs distinctions en reconnaissance de sa contribution remarquable à la promotion de la Culture, de l’amitié et de la compréhension entre le Sénégal et le Japon (…). Il était un grand ami et collaborateur’’, a déclaré le diplomate.
Autre pays ‘’fan’’ du tambour-majeur, les USA qui ont participé d’une main de maître à l’organisation d’un mini festival à l’occasion du 85e anniversaire de ce dernier, il y a de cela quelques semaines. En effet, les Ambassades des États-Unis et du Japon s’étaient alors associées au Ministère de la Culture et à la Ville de Dakar pour mettre sur pied un jubilé de deux semaines comprenant concerts, ateliers et vernissages.
À la survenance de la triste nouvelle, ce mercredi, Lewis Luckens donc a tenu a écrire un message de condoléance personnel à l’intention du peuple sénégalais. ‘’Le maître percussionniste du Sénégal Doudou Ndiaye Rose nous a quittés hier et je suis très attristé par la nouvelle. Il y a quelques semaines, il nous a enchantés avec son incroyable talent et son énergie pendant la célébration de son 85ème anniversaire au Grand Théâtre. Ce fut une soirée magique et inoubliable! Je tiens à exprimer mes plus sincères condoléances à sa famille et au peuple du Sénégal. Doudou était un fier ambassadeur du Sénégal et de l'Afrique. Nous n’oublierons jamais sa mémoire et son héritage musical’’, a témoigné l’Ambassadeur des USA.
En 2011, Katalin Bogyav alors Présidente de la Conférence générale de l'UNESCO, en visite à Dakar, ne tarissait elle non plus d’éloge pour le maître percussionniste qui avait été consacré ‘’trésor vivant de l’humanité’’ par son organisation, à l’occasion de la toute première édition de la Journée Internationale du Jazz.
En mai 2014, le Dr. Yoad Winter, qui avait approché Doudou Ndiaye Rose et sa famille à l’issue d’un voyage d’étude de six ans à Dakar, a organisé une conférence à Utrecht, au Pays-Bas, sur le thème du langage de la percussion au Sénégal. Cette conférence, qui avait par la suite donné jour à deux articles publiés dans la revue de ladite université, avait été dédiée à Doudou Ndiaye Rose en reconnaissance de ce qu’il a été une ‘’inestimable source d’inspiration’’.
Remarqué par Joséphine Baker en 1959 qui lui aurait, selon la légende, prédit qu’il serait ‘’un futur grand’’ de la musique, Doudou Ndiaye Rose a parcouru le monde entier dans le cadre de sa carrière. Parmi les nombreux musiciens avec lesquels il eut à collaborer, l’on compte Peter Gabriel, Dizzy Gillespie, Jacques Higelin, les Rolling Stones (en première partie), Maurice Béjart, France Gall, Miles Davis, Bernard Lavilliers ou encore Jane Birkin. De ses prestations mémorables, l’on se rappelle sa participation à la création de la bande originale de La Dernière Tentation du Christ, de Martin Scorsese ou encore de sa brillante interprétation de ‘’La Marseillaise’’ lors des commémorations solennelles du bicentenaire de la Révolution française sur les Champs-Élysées, en 1989.
Sophiane Bengeloun