L’APR sans gants
Le temps de grâce arrivé à son terme, l'Alliance pour la République (APR) est revenue sur les 100 premiers jours de la présidence Diomaye. Les ‘’apéristes’’ ont aussi saisi cette occasion pour commenter sa dernière sortie face à la presse.
Prendre la balle au bond. Après 100 jours au pouvoir, Bassirou Diomaye Faye a fait face à la presse, ce weekend. L'occasion était trop belle pour que l'Alliance pour la République la laisse passer. Bien au contraire, la réplique de Seydou Guèye, Abdou Mbow et compagnie ne sait pas fait attendre. Pour les trois premiers mois de gouvernance du président Diomaye, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'APR dépeint un tableau peu reluisant. “Une appréciation simple : absence de cap, absence d’orientation sur les politiques publiques, inexistence du Projet, reniements en cascade, dénigrements, menaces, inquisitions et perquisitions fiscales, pertes d’emplois. Hélas, ce furent 100 jours d’incompétence, de bavardages, de reniements, de tâtonnements et de confusions de rôles”, argue le porte-parole national de l'Alliance pour la République, Seydou Guèye. L'’’apériste’’, avec une certaine dose d'humour, poursuit son propos en pointant du doigt cette continuité non dite dans laquelle s'est embourbé le président BDF.
“Le seul bémol observé, c’est la poursuite de nos grandes réalisations : poursuite du PSE, mise en exploitation de Sangomar pour le pétrole, mise en service du BRT, reprise de l’opération mensuelle de nettoiement, etc.”.
Pour boucler cette rubrique des 100 jours, M. Gueye n'occulte pas le fait qu'ils sont insuffisants pour “présenter un bilan, mais restent une opportunité majeure pour définir un cap, les orientations fondamentales de la vision et du projet politique à mettre en œuvre pour apporter réponse aux attentes et aspirations légitimes des populations”.
Sortie de Diomaye, l'APR impitoyable
S'attaquant au chef de l'État après sa sortie, les camarades de parti de Macky Sall n’ont pas été tendres. D'abord, Seydou Guèye a dit, à qui veut l'entendre, qu'ils ont laissé le pays en bonne santé financière, malgré les circonstances atténuantes des trois dernières années. “Au-delà du fiasco, son émission taillée sur mesure a permis de déceler une faiblesse conceptuelle dans sa vision du Sénégal de demain, masquant ainsi ses insuffisances dans la mise en œuvre du fameux ‘Projet de transformation systémique’”, a presque ironisé M. Guèye.
Il poursuit en apportant plus d'éléments : “Par endroits, sa sortie révèle une absence préoccupante de maîtrise à minima du budget et ses règles d’exécution. Il est important de rappeler qu’en dépit des événements violents de 2021, sciemment provoqués par son camp, à des fins subversives notoires, le Sénégal a connu une croissance remarquable de 6,5 %. Cela a été réalisé grâce à des efforts soutenus d’une gestion des finances publiques saines, une stratégie pertinente d’amélioration de l’attractivité du pays et des réformes structurelles majeures.”
Sur les fonds politiques, l'APR a d'abord voulu rappeler “l’engagement majeur du président BDF, maintes fois réitéré, de les supprimer sans délai, une fois arrivé au pouvoir”. Mais le porte-parole national a été au regret de constater à ce propos un “reniement” pur et simple. “Faute de les supprimer, il a décidé de les rebaptiser en ‘fonds secrets’ après avoir avoué commencer à les utiliser”.
Toujours sur ce point, concernant la réponse du président BDF qui déclare que les fonds politiques étaient épuisés, l'’’apériste’’ a aussi apporté sa part de vérité. “Cette réponse traduit son ignorance manifeste des règles et mieux un défaut palpable de coordination avec ses services dont il vante curieusement la compétence. Ce qui est convenu d’appeler ‘fonds politiques’ de la présidence de la République sont des fonds votés à l’Assemblée nationale dans les rubriques et montants ci-après dans la LFI 2024 : les Fonds de solidarité africaine 2 156 296 000 F CFA ; les Fonds spéciaux de la présidence de la République 3 500 000 000 F CFA et ceux d'intervention sociale de la présidence de la République 2 300 000 000 F CFA. Soit, au total, 7 956 296 000 F CFA”.
À la suite de Seydou Guèye, le président du groupe parlementaire BBY, Abdou Mbow, a apporté d'autres précisions inhérentes aux fonds politiques. Mais ce qui semble davantage provoquer l'ire du député reste la “désacralisation” de ces fonds. “Ces fonds susvisés existent et sont votés par l’Assemblée nationale depuis plusieurs décennies sans subir une quelconque variation ni à la hausse ni à la baisse. Des présidents Senghor à Macky Sall, en passant par les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, aucun chef d’État n’a eu le manque de pudeur et l’inélégance de mettre cette question d’ordre stratégique sur la place publique”.
Imaginatif, l'APR suggère que Diomaye l'a aussi été concernant “les stocks de sécurité”. À en croire Abdou Mbow et ses camarades, ”le président Diomaye a trouvé un pays bien approvisionné avec une réserve sécuritaire ayant permis au pays de fonctionner naturellement. L’affabulation sur le chargement du navire pétrolier relève de l’hérésie”. Sur un autre point qui concerne la renégociation des contrats, l'APR a bien voulu prévenir l'actuel régime. Selon la nouvelle opposition, il est dangereux, pour le Sénégal, de s'engager dans un tel combat. “L'anéantissement annoncé de contrats régulièrement signés avec des partenaires et les initiatives de renégociation au forceps des contrats, notamment dans le domaine de la santé, de l’eau et des industries extractives, le président Diomaye prend le risque d’exposer le pays à des poursuites judiciaires et des condamnations pour rupture brutale sans aucun fondement si ce n’est la volonté du prince”.
Poussant le bouchon encore plus loin, Abdou Mbow ajoute : “Ces agissements (...) sont aux antipodes des principes de continuité de l’État, de promotion et de protection des investissements souscrits par l’État à travers plusieurs instruments juridiques internationaux.”
In fine, les républicains ont évoqué l'aspect judiciaire de la sortie de Diomaye. Sur cette question, l'APR dénonce “les confessions antirépublicaines du président Diomaye sur le CSM”. Seydou Guèye et ses camarades de parti demeurent convaincus que le régime actuel prépare “soigneusement la substitution de la justice par une justice aux ordres”. Quant à la question relative au “bon fonctionnement des institutions de la République, Abdou Mbow, par ailleurs vice porte-parole national du parti, pense qu'il est “inadmissible que celui-là même qui en est le garant constitutionnel cautionne le comportement irresponsable de son Premier ministre vis-à-vis de la deuxième institution du pays qu’est l’Assemblée nationale”.
En outre, renchérit le député, “contrairement aux affirmations du président Diomaye, c’est le bureau de l’Assemblée nationale qui avait mandaté le président de l’Assemblée pour trouver une solution consensuelle, dans le cadre du dialogue des institutions. Pour dire simplement que la rencontre entre le président et le président de l’Assemblée nationale a été à l’initiative de l’Assemblée nationale”.
Preuve à l'appui, à propos du foncier, le président du groupe parlementaire BBY taxe la déclaration de Son Excellence de “pur fantasme”. Sans gants, le parlementaire soutient que “la spoliation foncière alléguée est fausse et inexistante. L’examen des décrets 2022-1441 du 25 juillet 2022 et celui 2023-266 du 3 février 2023 que je mets à votre disposition le prouve à suffisance”.
Mamadou Diop