Publié le 24 Nov 2023 - 23:45
CHANGEMENTS DE STRATÉGIE POLITIQUE DE PASTEF, NOMINATION D’UN NOUVEAU CANDIDAT

Les manœuvres politiques de l’ex Parti Pastef pour contourner les pièges du régime

 

L'ex parti africain du Sénégal pour le travail l’éthique et la fraternité (PASTEF) en choisissant Bassirou Diomaye Faye, Secrétaire général du parti aujourd’hui détenu, comme candidat à la prochaine présidentielle semble avoir décidé la voie des manœuvres politiques pour desserrer l’étau du régime, présenter un ou des candidats à la Présidentielle de 2024 et éventuellement triompher. 

 

En ce soir de février 2023, le terrain de Keur Massar refuse du monde, à l’occasion du méga meeting organisé par le parti Pastef. A la tribune, Ousmane Sonko, casquette vissée sur la tête et en treillis militaire, annonce la couleur en interpellant directement le président Macky Sall qu’il défie de lui ôter la vie, s’il le veut. Il lance son fameux « gatsa gatsa » (ndlr : rendre coup pour coup). Cette démonstration de force semble être l’épilogue du bras de fer entre Ousmane Sonko et le régime de Macky Sall qui a débuté avec les émeutes de mars 2020.

Après cet épisode, les événements s’emballent : rassemblements, convocations devant les tribunaux, appels à manifestation, émeutes, répression policière, tuerie, incarcération de cadres et militants de Pastef. Ce tourbillon politico-judiciaire aboutit à la dissolution du parti, dans la foulée de l’arrestation de Sonko en juillet dernier.

Selon plusieurs observateurs, cette situation a poussé désormais l’ex parti Pastef a changé son fusil. Car, le choix de Bassirou Diomaye Faye, N°2 du parti Pastef, semble être une manœuvre politique aux antipodes du choc frontal encore prôné par les responsables. Le parti qui avait indiqué n’avoir aucune alternative à une possible candidature de Sonko a semblé se raviser au nom de la realpolitik. Une option qui semble raffermir la base de Pastef tombée en léthargie, à la suite de la dissolution du parti et l’emprisonnement de ses cadres.

Leur droit à la résistance a laissé place à de multiples appels à manifester, afin de dénoncer les restrictions des libertés publiques. Ainsi, les manifestations du 1 et 2 juin 2023, à la suite de la condamnation de Sonko pour corruption de jeunesse, ont atteint un paroxysme de violence rarement vu dans notre pays, avec une vingtaine de morts. L’absence de compromis et la bataille sémantique autour de « force restera à la loi » pour l’Etat se heurte au discours de Pastef : “ force restera à la rue”. 

Un Ousmane Sonko qui, depuis son fief de Ziguinchor, avait demandé à la jeunesse de rallier sa marche sur Dakar pour aller déloger Macky Sall du palais, a été interpellé près de Kaffrine et séquestré chez lui pendant plus d’un mois.

Cette attitude jusqu'au boutiste s’est heurtée à la férocité d’un régime qui a décidé de briser cette opposition radicale.

Toutefois, cette guerre ouverte entre le régime et Pastef s’est poursuivie à un autre niveau. Puisqu’après avoir révélé sa décision de ne pas briguer un troisième mandat, le président Macky Sall a appelé à un dialogue national, avec une idée bien précise derrière la tête : isoler Ousmane Sonko. Et afin de bien réussir son coup, il a accordé, chose presqu’inédite, une interview à un média local, lors de laquelle, il s’est assuré que Khalifa Sall et le PDS y participent. En effet, sans prendre de gants, le Chef de l’Etat leur a clairement signifié qu’ils avaient intérêt à participer au dialogue, s’ils voulaient briguer le suffrage universel.

Dès lors, sachant que le Pastef et ses soutiens de Yewwi Askan Wi n’allaient pas répondre à l’appel, le tour était joué. Puisque la perspective était alléchante pour le reste de la classe politique d’aller à une élection présidentielle sans les deux épouvantails : Macky Sall et Ousmane Sonko.

Les options stratégiques de Pastef en vue de la présidentielle. 

Aujourd’hui, on assiste à un changement de cap de Sonko et de son parti. Ont-ils les moyens de le réussir ?  N’ont-ils pas tardé à changer de braquet ? En tout état de cause, les stratèges du parti ont lancé la campagne de parrainage de Bassirou Diomaye Faye, aujourd’hui emprisonné pour « actes de nature à compromettre à la paix publique », « outrage à magistrat » et « diffamation à l'encontre d'un corps constitué », ce lundi 20 novembre 2023. 

La proximité de la date du début des dépôts des parrainages, le 11 décembre 2023, ne devrait pas empêcher le candidat d’avoir les signatures requises. D’autant que l’ex parti Pastef compte sur l’immense popularité d’Ousmane Sonko pour obtenir facilement les 44 559 parrains.

Mais, pour certains observateurs, cette option de Bassirou Diomaye Faye apparaît comme un moyen de mobiliser les militants, en attendant de dévoiler le véritable candidat choisi. C’est aussi peut-être un moyen de focaliser l’attention de l’Etat sur ledit responsable, en protégeant les autres.

Toujours est-il que Pastef ne veut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. La stratégie est de multiplier les chances de présenter un candidat. Puisque les autres pourraient se désister, à tout moment, pour éviter l’éparpillement de l’électorat de Pastef.

Dernièrement, le responsable Amadou Ba s’est confié sur la nouvelle démarche. ‘’Le combat contre Macky Sall, ce n’est plus un combat de la force ; c’est une question d’intelligence’’, disait-il. Avant d’ajouter : ‘’puisqu’il ne lui reste plus que cinq mois et que les Sénégalais l’ont vomi…, nous n’allons pas bousiller notre projet. Un projet pour lequel des gens sont morts, d’autres sont enfermés en prison, d’autres blessés… Pastef ne va pas saboter ce projet en suivant Macky Sall dans un combat où c’est lui qui détient toutes les institutions.’’

En outre, un candidat de ladite formation politique a toutes les chances de sortir son épingle du jeu, s’il réussit à agréger autour de lui les formations de l’opposition qui gravitent autour de Yewwi Askan Wi et les autres leaders de l’opposition qui seront recalés par le parrainage. A défaut de passer au second tour, il pourrait se révéler indispensable au candidat de l’opposition qualifié au second tour. 

Ainsi, l’analyste politique, Mamadou Sy Albert, voit dans la nouvelle stratégie de Pastef une adaptation à la réalité du moment. Il ne parle pas de changement de stratégie de Pastef, mais d’un contexte différent pour le combat de Sonko. « Je pense que les contextes sont différents. Les actions de Sonko, dans le passé, étaient liées à un contexte de procès d’Adji Sarr et de Mame Mbaye Niang. Il était en face d’un pouvoir qui voulait l’écraser. Dans son cas actuel, il est candidat à la présidentielle et il voit qu’il risque d’être forclos, si toutes les procédures judiciaires aboutissent. Donc, je pense qu’il est normal que le Pastef maintienne la candidature de Sonko et qu’une candidature alternative se mette aussi en place », dit-il.

D’après le politologue toute cette histoire découle d’un acharnement envers un opposant que Macky Sall s’est juré d’écraser. Donc, toutes les actions de Sonko peuvent être analysées depuis ce prisme.  « Macky Sall devait faire le premier pas en conviant YAW au dialogue. Car, en tant que chef d’Etat, c’était à lui de faire le premier pas vers Sonko. De ce fait, Ousmane Sonko n’a fait que répondre aux attaques du régime qui a utilisé les instruments répressifs de l’Etat pour essayer de le détruire. Le pouvoir a ainsi décidé d’utiliser la justice pour réduire au silence un opposant », estime-t-il.

Egalement, cette option de Pastef d’intégrer davantage le jeu républicain peut aussi être perçue comme un moyen de rassurer les partenaires occidentaux et les milieux d’affaires inquiets des relents nationalistes de Pastef, notamment sur la question du FCFA et une politique économique qui pourrait se révéler ultranationaliste.

 Mamadou Makhfouse NGOM

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