La parole aux conteurs africains
Des histoires africaines racontées par des conteurs africains sur des vies africaines, pour un public à travers le continent et dans le monde. C’est ce que présente ‘’Africa Direct’’. Il s’agit d’une série de courts métrages documentaires réalisés par des talents du cinéma africain.
Al Jazeera English lance ‘’Africa Direct’’, une série de courts métrages documentaires réalisés par des talents du cinéma africain. Les films, captivants, ouvrent une fenêtre authentique sur un éventail de vies africaines ordinaires et extraordinaires, pour présenter des perspectives nuancées et complexes de ce continent diversifié et multiforme.
En effet, les histoires donnent la parole aux conteurs africains, ‘’qui ont si souvent été noyés ou submergés par la médiation extérieure’’. La série comprend environ 30 courts documentaires organisés en épisodes d'une demi-heure. La première tranche de six demi-heures a commencé à être diffusée sur Al Jazeera English le 30 novembre dernier et se poursuit jusqu’au 4 janvier 2022, avec 14 courts métrages de 11 pays. Ces histoires de tranches de vie se concentrent chacune sur un personnage principal qui articule son propre récit, sans reporters, ni autres médiateurs. En termes simples : ‘’Africa Direct’’, ce sont des histoires africaines, racontées par des conteurs africains sur des vies africaines - pour un public à travers le continent et dans le monde.
''Ces films suivent des personnages qui sont traditionnels et modernes, poignants et flamboyants, des gens qui survivent ou prospèrent, pauvres ou puissants. Au cœur de chaque film se trouve une histoire qui nous fait penser, ressentir et nous connecter’’, a indiqué Al Jazeera English dans un document de présentation.
De beaux films
Le savoir traditionnel est découvert alors que l’on assiste aux arts anciens de la fabrication de livres en parchemin dans les montagnes éthiopiennes, dans ‘’The Bookmaker’’, réalisé par Girum Berehanetsehay. Ce même savoir traditionnel est à l'honneur avec l'art ou la technique de la calligraphie à Tombouctou où un homme restaure des manuscrits anciens à Beïrey-Hou : ‘’Bibliothèques du désert’’ par Andrey S. Diarra (Mali). La tension entre l'ancien et le moderne caractérise ‘’In The Aluminium Village’’ d'Onésiphore M. Adonai (Bénin) où l'on rencontre un jeune homme attachant qui doit chevaucher les vieilles habitudes de son village et ses aspirations de jeunesse. En outre, la vie et les vocations des femmes africaines sont explorées dans ‘’On the White Nile’’ du cinéaste Akuol de Mabior où le cinéphile est transporté dans le monde d'une pêcheuse et capitaine de bateau sud-soudanaise pleine d'entrain. Dans ‘’The Young Cyclist’’ de Yuhi Amuli, une jeune ancienne colporteuse rwandaise devient conductrice de vélo-taxi puis cycliste de compétition ; ‘’Throttle Queens’’ (Kenya) de Joan Kabugu nous fait rencontrer un club de motocyclisme féminin et voir comment leur amour de l'équitation leur apporte joie de vivre, liberté, aventure et un sentiment de contrôle sur leur vie. Enfin, ‘’Settling’’ d’Amelia Umuhire (Rwanda) présente un professeur d'architecture qui inspire ses étudiants à adopter une approche centrée sur les personnes face aux défis du ‘’logement informel’’ de la ville.
Célébrant le flair de l'Afrique pour la créativité et l'insolite, le téléspectateur découvre un adjoint au maire dansant qui officie aux cérémonies de mariage dans ‘’A Joyful’’, un film joyeux de Valaire Fossi (Cameroun) ; tandis que dans ‘’The Cave’’, réalisé par El Kheyer Zidani (Algérie), un marionnettiste et artiste prépare un nouveau spectacle dans une ville reculée, où lui et son père partagent les joies du théâtre, de la musique et du conte. ‘’Colors Are Alive Here’’ de Seydou Mukali (Kenya), étoile montante et créateur de mode à Kibera, le grand bidonville de Nairobi, invite les amoureux du cinéma dans sa vie trépidante, alors qu'il s'entoure de créativité, de design et d'artistes.
Dans des tentatives audacieuses pour faire la différence, le téléspectateur découvre un homme qui a élevé des baobabs de minuscules graines à une vaste forêt au cours des 47 dernières années, offrant une bouée de sauvetage et un héritage à son village, dans ‘’L'homme qui plante des baobabs’’ (Burkina Faso) de Michel K. Zongo. Pour sa part, ‘’Kalanda : A Wrestler's Dream‘’ (Sénégal) du cinéaste Oumar Ba, raconte l'histoire d'un jeune homme déterminé à se rendre dans la principale arène de lutte ; et ‘’Diggers and Merchants’’, de Nelson Makengo (RDC), relate la vie d’un creuseur manuel qui a exploité les carrières de cuivre autour de son village pendant des années - tout ce que ses pairs et lui veulent, c'est une chance équitable de gagner sa vie et d'être respectés.
‘’La narration documentaire est un média extrêmement influent en termes de perception des lieux, des personnes et de leur pouvoir’’, déclare Ingrid Falck, responsable des documentaires chez Al Jazeera English, qui a conçu et commandé la série. ‘’Nous avons longtemps défendu l'idée que ceux qui connaissent mieux leurs histoires devraient les posséder dans les médias, revendiquer leur espace de narration dans les médias internationaux. ‘Africa Direct’ est une célébration - du talent documentaire africain et des histoires locales. Je suis profondément reconnaissante envers les superbes équipes et cinéastes panafricains qui ont livré ces courts documentaires époustouflants, immersifs et stimulants, pour nous les spectateurs’’.
Al Jazeera s'est associé à Big World Cinema pour ce projet : il est entièrement basé en Afrique. L'équipe comprend le producteur exécutif Steven Markovitz (SA), les producteurs de séries Angele Diabang (Sénégal) et Brian Tilly (SA). ‘’Nous avons reçu plus de 300 propositions de 31 pays’’, déclare le producteur exécutif Steven Markovitz de Big World Cinema. "Ce fut une expérience extraordinaire de lire et d'évaluer le large éventail d'histoires de tout le continent".
TROIS QUESTIONS A OUMAR BA (CINEASTE) ‘’’Africa direct’ nous permet de montrer notre façon de voir le monde’’ Que pensez-vous de la série ‘’Africa Direct’’ ? C’est une belle initiative qui permet à des réalisateurs de voir leurs projets se réaliser. Elle nous offre l’opportunité de s’exprimer et de montrer notre façon de voir le monde. Est-ce que c’est quelque chose de nouveau ? Je pense qu’à travers le cinéma, de plus en plus de jeunes Africains et notamment des Sénégalais parlent eux-mêmes de leurs histoires, pour l’Afrique et pour le monde. Il suffit de voir l’engouement des jeunes. Je constate que les associations et clubs de cinéma qui prolifèrent et ont un réel impact sur la jeunesse. Il y a Cinébanlieue, PlanB film, Atacs association des techniciens de l’audiovisuel et du cinéma du Sénégal), pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs, il faut reconnaître aussi que le cinéma africain a, à mon avis, toujours parler de l’Afrique. Paulin Soumanou Vieyra, dans ‘’Afrique sur seine’’ déjà avait posé ce fondement. Il s’ensuit bien évidement tous ces grands cinéastes dont je ne citerai qu’une personne : Ousmane William Mbaye dans le documentaire. Avec votre film ‘’Kalanda : A Wrestler's Dream‘’, vous faites partie des talents qui ont été sélectionnés pour le projet Africa Direct. Comment s’est faite votre participation, et qu’est-ce que cela représente pour vous ? Ma participation s’est faite à travers DS Production du Mali et Ousmane Samassékou Producteur (Amis et camarade de promo au Master 2 réalisation-production documentaire de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis). Nous avons travaillé sur le projet et il a été sélectionné. Cela m’a permis de pouvoir tourner et raconter mon histoire sur la lutte. Que raconte ce film ? Ce film raconte un rêve, le rêve d’un jeune Sénégalais de mon quartier à Pikine, qui veut être le futur Roi des arènes. Le message que j’essaie de transmettre à travers cette histoire, c’est qu’il faut oser rêver et de se donner les moyens pour les réaliser. Après un Master en sociologie à l’université Gaston Berger, j’ai été sélectionné au Master 2 réalisation documentaire de création et de là, à commencer mon histoire avec le cinéma. Dans ma filmographie, il y a ‘’Pulaagu Chronique d’un peul déraciné 28’’. C’est un film d’école au Master RDC de l’UGB dans lequel je questionne mon identité culturelle peule. Il y a également ‘’Jésus de Wazemmes’’. C’est des regards croisés entre un cinéaste sénégalais et un ‘clochard’ ‘’céleste’’ dans le quartier de Wazemmes à Lille que l’on appelle Jésus. Je travaille actuellement sur un long métrage. Il parlera d’une histoire de mariage pulaar. Et, à long terme, il y aura une série documentaire à travers l’Afrique. |
BABACAR SY SEYE