De la nécessité de structurer le marché africain
Dans le cadre du marché international des arts (Madak), une conférence sur le thème : ‘’Le marché de l’art : circulation et commercialisation d’œuvres d’art’’, s’est tenue hier au Grand-théâtre.
Plus un pays est riche, plus les œuvres d’art y sont mieux vendus. Ainsi, l’art reste un produit de luxe. D’ailleurs, ce sont la Chine et les Usa qui ont enregistré les plus grandes parts de marché ces deux dernières années. Seulement, cela ne signifie pas que dans un continent considéré pauvre comme l’Afrique, il n’existe pas un marché pour l’art. Du moins, c’est ce qu’ont assuré les professionnels invités hier au Grand-Théâtre. Ils animaient une conférence sur ‘’le marché de l’art : circulation et commercialisation d’œuvres d’art’’. Cette rencontre entre dans le cadre de la première édition du marché international de l’art africain (Madak) organisé en marge de la 12e édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art).
‘’Il y a un marché en Afrique. Il n’est juste pas structuré’’, s’est désolé le conseiller spécial chargé du développement stratégique au Fongip et coordonnateur de la grappe Ticaa, Brahim Sakho. Ce marché a du mal à se structurer car tous les métiers des arts ne sont pas bien représentés en Afrique. Dans certains pays, il n’y a pas de commissaires priseurs par exemple ou de collectionneurs au vrai sens du terme comme l’a souligné le critique d’art et formateur Babacar Mbaye Diop. C’est à cause de ces manquements que ce dernier estime que ‘’le marché des arts en Afrique est presque inexistant’’.
Toutefois, le Pr Diop reconnaît qu’en Afrique anglophone, le marché est plus consistant qu’en Afrique francophone. Ce que confirme Brahim Sakho. Mais pour ce dernier, il faut améliorer la formation, renforcer les capacités des acteurs, qualifier les produits d’art. Il conseille dans la même optique que des crédits soient dédiés à la production et la création artistiques. Ce qui pourrait augmenter l’offre et attirer une demande plus consistante. L’Afrique du Sud est à la 24e place mondiale avec des ventes et des achats estimés à 18 milliards de dollars en 2014.
Cela s’explique par le fait qu’en Afrique anglophone, ‘’le marché est bien structuré’’, comme l’a fait savoir l’économiste et expert des industries culturelles Siré Sy. Alors qu’en Afrique francophone ‘’le rapport avec l’art est biaisé’’. En effet, ici l’on considère que l’art est une question de philosophie et d’idéologie alors que chez les anglophones, c’est vu comme du business. Siré Sy a rappelé dans ce sens comment la 2e édition du Festival mondial des arts nègres devant se tenir au Nigeria a été hypothéquée. Quand la délégation sénégalaise est allée là-bas à l’époque pour les besoins de l’organisation, les Nigérians leur avaient fait comprendre que l’évènement devait être un business. Ce que leurs invités ne comprenaient pas bien. Cela a constitué un point d’achoppement.
En outre, ce sont les visions qui diffèrent mais aussi et surtout les textes. ‘’Il nous faut revoir notre législation pour pouvoir concurrencer les pays anglophones’’, a proposé le Pr Babacar Mbaye Diop. Le mieux serait une harmonisation des textes et l’unification de la sous-région ouest africaine par exemple telles que le suggère M. Sakho. Aussi, il faut penser à rendre la fiscalité plus favorable. Ce qui permettrait d’améliorer l’écosystème d’échanges.
Avoir un point franc pourrait être une mesure incitative qui boosterait sans nul doute le secteur de l’art. Bref, il serait mieux que l’Afrique francophone copie le modèle sud-africain. Parce que les arts sont un secteur porteur. Ainsi, ils devraient être mieux considérés parce que source d’employabilité économique, selon M. Sy. Malheureusement, ‘’nos gouvernants ne l’ont pas compris’’, regrette-t-il. Pour lui, le ministère de la Culture tel qu’on le vit au Sénégal, n’est pas le meilleur modèle. ‘’Il faut donc penser à installer une Agence nationale des arts. Pour une meilleure animation culturelle au Sénégal’’, préconise l’économiste Sy.
BIGUE BOB