Les secrets des tractations
Dans l’opposition sénégalaise, c’est un fait qu’il y a Pastef, PDS, Pur, Taxawu Senegaal et les autres. Pour ne pas se faire écraser, les partis plus faibles ruent dans les brancards pour dénoncer un diktat qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
On en sait de plus en plus dans la coalition en gestation au sein de l’opposition. Et si tout se passe comme souhaité par les ténors de l’opposition sénégalaise, la majorité a bien du souci à se faire. Au-delà de la coalition XXXL qui a été annoncée par le leader moral du Pur, le marabout Serigne Moustapha Sy à Tivaouane et dont les déflagrations continuent de secouer plusieurs partis et groupements, des sources informent que la coalition est bien plus large. Le moins que l’on puisse dire c’est que, cette fois, les négociations commencent par le sommet, pour descendre peu à peu vers les petits.
Après qu’un coin du voile a été levé sur les partis qui vont être en quelque sorte la locomotive, en l’occurrence Pastef, PDS, Pur et Taxawu Senegaal, les langues commencent peu à peu à se délier.
Comme pour dire à Thierno Bocoum et Cie qu’ils vont trop vite en besogne, ce responsable de Taxawu Dakar informe : ‘’Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune annonce officielle. C’est juste un des membres qui est sorti et qui a parlé. Ce qui est sûr, c’est qu’on est effectivement très avancé dans les discussions. Mais Elles se poursuivent et ne se limitent pas à quatre partis. Mais on ne peut exposer sur la place publique notre stratégie.’’
Déjà, confient des sources à ‘’EnQuête’’, au moment même où Thierno Bocoum s’insurgeait contre une démarche exclusive, d’autres personnalités de l’opposition sont embarquées dans le processus. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agit pas de n’importe qui. Parmi ceux-ci, il y a Aida Mbodj, Serigne Mansour Sy Diamil, Moustapha Guirassy, Cheikh Bamba Dièye… Et le jeune leader aux dents très longues, Dr Babacar Diop.
D’ailleurs, selon les radars perspicaces, ce dernier était même en début de semaine au siège du Parti démocratique sénégalais, dans le cadre de ces tractations. Un de nos interlocuteurs témoigne : ‘’Le problème, en réalité, c’est qu’il y a beaucoup qui ne savent pas ce qui se passe ou qui veulent être dans le secret des dieux, qui prêchent le faux pour avoir le vrai. D’autres, parce qu’ils sont dans un rôle, se précipitent pour attaquer et porter des appréciations qui leur sont propres.’’
Une lutte de survie pour les partis lilliputiens
Ainsi, les choses se précisent. La plupart des noms qui sortent jusque-là du lot ont un poids ou base électorale qui n’est plus à discuter. Sauf peut-être Babacar Diop qui émerge de plus en plus parmi les jeunes leaders.
Mais pour les initiateurs de la coalition, l’objectif est de brasser très large. ‘’Il faut savoir que nous sommes toujours au stade des démarches. On ne peut pas déflorer le contenu de ces démarches’’, confie un interlocuteur. Est-ce à dire que rien n’est encore en place ? Il s’empresse de préciser : ‘’Je n’ai pas dit ça. D’ici peu, tout sera clair. Donnez-nous juste quelques jours.’’
Tout est parti du 19 août dernier. Recevant ses talibés à Tivaouane, Serigne Moustapha Sy avait révélé avoir été contacté dans ce sens et qu’il a donné son accord. Il n’en fallut pas plus pour que certains montent au créneau pour cracher leur désaccord de manière peu courtoise. De tous les contestataires, Thierno Bocoum s’est le plus signalé. Il disait : ‘’Nous avons toujours soutenu la création d’une large coalition de l’opposition qui regroupe toutes les forces vives de l’opposition, à savoir des membres de la société civile, du milieu associatif. Cette tâche a été confiée à Abdoul Mbaye (ACT) et Khalifa Sall (Taxawu Ndakaru) qui épousaient ce même dessein que nous. Dans la même foulée, nous avons aussi pensé à la création d’un comité d’arbitrage pour régler les litiges entre les différentes composantes de l’opposition et choisir le meilleur profil pour chaque commune.’’
Et de regretter : ‘’Malheureusement, un jour, on nous a dit qu’une large coalition va se faire dans les prochaines heures et, en aucune manière, nous n’avons pas été associés à ces tractations. Les discussions et les concertations sont achevées et il ne reste qu’à la présenter aux Sénégalais.’’
Dans la foulée, d’autres groupes comme le CRD et Jotna, entre autres, ont joint leur voix à la contestation.
Mais, chez les initiateurs, on préfère calmer le jeu, parfois ignorer les attaques. Les grands axes de la future alliance sont, en tout cas, bien tracés.
Pour le moment, les leaders misent sur les grandes formations, ceux qui ont des bases comme Aida Mbodj, Moustapha Guirassy, Mansour Sy Djamil, pour ne citer qu’eux. Sans exclure les autres partis ‘’yobalema’’ qui pourraient entrer dans la mouvance.
Dans ce contexte, l’autre question qui se pose est relative aux rôles des grands pôles dont notamment le Front de résistance nationale (FRN) qui regroupe la plupart des partis de l’opposition et qui est dirigé par monsieur Moctar Sourang. Dans ces discussions en cours, le FRN et son coordonnateur jouent les seconds rôles. ‘’En fait, confie une source, ces grands ensembles sont infiltrés. Tout le monde le sait. On ne peut y discuter de tous les sujets, des stratégies’’.
Du coup, les grands mènent la barque. Les autres n’auront d’autre choix que de suivre la locomotive ou de faire cavalier seul. Mais en ont-ils les moyens ? C’est la grande équation que Thierno Bocoum, Thierno Alassane Sall, le juge Dème et les autres vont devoir résoudre pour, soit prendre leur destin en main, soit se soumettre aux conditions des autres.
Pour Bocoum, ce n’est ni plus ni moins qu’une pression ‘’qu’une coalition de pression’’, dont l’objectif serait de stigmatiser et discréditer toute autre voix discordante de l’opposition.
TROIS QUESTIONS AU DR MOUSSA DIOP, ANALYSTE POLITIQUE ‘’Ces acteurs de la coalition sont parfaitement pragmatiques’’ Coalition contre-nature ? De prime abord, on peut penser que c'est une alliance contre-nature, du fait des différences fondamentales qui existent entre ces formations politiques qui composent cette coalition. En effet, ce sont des formations politiques dont l'idéologie, l'histoire et la culture politique opposent. Cela dit, il nous faut rappeler qu'en politique, il n'y a pas d'obstacles infranchissables ou de montagnes qui ne se rencontrent jamais. C'est tout le sens des alliances conjoncturelles ou des coalitions à but électoraliste. Il faut donc comprendre que de manière ponctuelle, des objectifs communs peuvent réunir des acteurs politiques que tout, a priori, séparent. Ces acteurs politiques, en alliant leurs forces en vue des Locales à venir, sont parfaitement pragmatiques et sont dans une logique de "realpolitik". Durabilité de l’alliance ? Se réunir dans une coalition ne signifie pas fusionner et disparaître dans une formation plus grande. En l'occurrence, ce n'est pas parce que le PDS de Karim Wade s'allierait avec Khalifa Sall, qu'un des deux disparaîtrait. Non. Il faut garder à l'esprit que les coalitions sont organisées autour d'objectifs précis. Et il n'existe dès lors pas d'opposition unie. Au contraire ! Le monde politique est divers et se nourrit de la multiplicité des acteurs et des offres politiques. Agitation et disparition des petits partis ? Que des personnalités politiques se prononcent contre une coalition en cours de formation, n'est pas choquant, dans l'absolu. C'est plutôt signe de bonne santé démocratique et de vitalité du monde politique. Car, en politique, il faut exister et montrer qu’on existe. La nature a horreur du vide. Quant à la limitation des partis, il faut savoir que le Sénégal dispose déjà d'un arsenal législatif. Il faut juste que la loi soit appliquée. Cela dit, il faut préciser qu'en matière de démocratie, la liberté d'association reste un principe intangible. |
MOR AMAR