Les projets de loi des modifications adoptés dans la polémique
Comme attendu, la majorité présidentielle s’est imposée pour faire passer les nouvelles introductions, malgré les protestations d’une opposition complètement impuissante.
L’Assemblée nationale a adopté, hier, le projet de loi n°10/2021 modifiant la loi n°65-60 du 31 juillet 1965 portant Code pénal et le projet de loi n°11/2021 modifiant la loi n° 65/62 du 21 juillet 1965 portant Code des procédures pénales. En procédure d’urgence, le garde des Sceaux, Ministre de la Justice, a défendu et obtenu, pour le premier texte, l’acceptation de l’hémicycle par 70 voix pour, 11 contre et 0 abstention. S’agissant du Code de procédure pénale, il a été adopté à la majorité.
Il faut dire que ce second projet de loi l’a été, sur proposition du député Pape Sagna Mbaye, sans débat.
Le ministre de la Justice a expliqué le passage en urgence des projets de loi par une pression de la communauté internationale. ‘’Nous avons dû négocier un plan dont la date limite est le 22 janvier 2022, car le Sénégal a été placé dans la liste grise. Nous étions dans l’urgence, pour éviter que notre pays soit placé sur la liste rouge des pays qui soutiennent le terrorisme. En effet, nous avons tardé à appliquer les recommandations contenues dans les conventions internationales de lutte contre le terrorisme’’, assure Me Malick Sall.
Un jour avant le passage du ministre de la Justice à l’Assemblée nationale, l’opposition parlementaire avait tenu une conférence de presse pour dénoncer un Code pénal ‘’liberticide’’ qui assimilerait des aspects du droit constitutionnel de manifester à ces actes désormais réprimés comme des faits de terrorisme. Pourtant, ‘’l’article 279-1 qui définit le terrorisme n’a pas été modifié sur le Code pénal de 2016, voté par votre Assemblée nationale. Ce texte n’est pas remis en cause par les deux projets qui vous sont remis ce matin pour examen. D’où mon étonnement de voir d’aucuns se lever pour s’étonner de son contenu’’, se demande le ministre de la Justice.
En effet, le Sénégal a été placé, au mois de février 2021, sous surveillance par le Groupe d’action financière (Gafi) pour ses manquements dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. L’organisme intergouvernemental avait ajouté, à l’issue d’une réunion plénière, que le pays présentait des déficiences stratégiques, mais qui ont pris l’engagement de mettre en œuvre des plans d’action, dans des délais impartis pour améliorer leur situation.
‘’Les Sénégalais commencent à être «tampi» (fatigués) des hommes politiques’’
Des explications qui n’ont pas convaincu les différents députés de l’opposition qui, à l’unanimité, ont rejeté les deux projets de loi présentés par le garde des Sceaux. A commencer par Toussaint Manga du Parti démocratique sénégalais qui a introduit une question préalable, pour tenter de faire retirer la loi.
Pour Déthié Fall (ex-Rewmi qui a rejoint la majorité), ‘’Macky Sall n’a introduit cette modification que pour se maintenir au pouvoir en 2024. Il veut récupérer un droit constitutionnel qu’est le droit de manifester. C’est un droit qui commence à l’irriter, parce que l’opposition mobilise. Maintenant, il veut que tous les actes incontrôlés, parfois par l’opposition, soient qualifiés d’actes terroristes’’.
De Mame Diarra Fam (diaspora) à Serigne Mansour Sy Djamil (Bess du Niakk), en passant par le président du groupe Liberté et démocratie, Cheikh Abdou Bara Doly, Woré Sarr du PDS etc., tous ont dénoncé des projets de loi liberticides.
Mais au cœur des chamailleries entre députés de l’opposition et de la majorité, l’intervention de la benjamine de l’Assemblée nationale, Marième Soda Ndiaye, a permis de recadrer pour quelque temps les députés. ‘’Les Sénégalais commencent à être «tampi» (fatigués) des hommes politiques. Il faudrait que l’on revoie notre copie. Je pense que l’effort que nous déployons ici à nous batailler, à nous crêper les chignons, si nous déployons ces mêmes efforts, je pense qu’il n’y aurait plus d’abris provisoires dans ce pays, de médecins non-affectés, etc.’’.
Sur le fond de la question des projets de loi, la jeune députée de la majorité conseille au gouvernement et à l’opposition de ne pas instrumentaliser ou politiser les questions liées au terrorisme. Aussi, ajoute-t-elle : ‘’Les lois, une fois votées, nous engagent tous. On doit tirer les leçons des événements de mars. On va vers l’exploitation du pétrole et du gaz. Il ne faudrait pas que le pays brûle. Nous, les jeunes, nous voulons un pays calme, un pays serein, un pays juste où tous les citoyens s’épanouissent dans le vivre-ensemble.’’’
Lamine Diouf