Agir au-delà des concepts
Près de 20 ans après la 4ème conférence mondiale sur les femmes de Beijing, le XVème sommet de la francophonie qui vient de s’achever à Dakar est venu mettre un coup de projecteur sur le rôle des femmes et des jeunes dans les sociétés. Même s’il faut circonscrire, cette fois-ci, ce rôle dans l’espace purement francophone, ça fait du baume au cœur de constater que la femme est à l’honneur. ‘’Femmes et jeunes en francophonie : vecteurs de paix, acteurs de développement’’, est un thème d’une actualité brûlante.
Il soumet à la réflexion du monde la recherche de voies et moyens pour faire jouer aux femmes et aux jeunes leurs rôles historiques de vecteurs de paix et d’acteurs de développement. Surtout qu’en Afrique, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, diraient certains intellectuels avertis. Il suffit juste d’interroger l’histoire pour leur donner raison.
Ce continent qui a toujours évolué sous le matriarcat, a su placer la femme au cœur de son dispositif social. Le matriarcat, nous dit Cheikh Anta Diop dans son œuvre Unité culturelle de l’Afrique, est ‘’le système politico-social qui a gouverné un grand nombre de communautés noires africaines des origines à l’avènement de l’islam dans certaines régions et à la conquête coloniale dans d’autres’’.
Dans l’ancienne Egypte, les femmes avaient accès à tous les emplois de la fonction publique, du poste de scribe à celui de Premier ministre. Déjà en 1235, la charte du Mandé, cet ancêtre de la déclaration universelle des droits de l’Homme, disposait à son article 16 : ’’Les femmes, en plus de leurs activités quotidiennes, doivent être intégrées dans nos gouvernements.’’
Aussi loin que l’on remonte l’histoire, la femme s’est toujours dressée en pionnière, gardienne de la paix et des valeurs. En 1929, la ‘’guerre des femmes Aba’’, un mouvement de résistance de 2 mois né dans le sud du Nigeria, a été dirigée d’une main de maître par les femmes du marché. Au moins 25 mille femmes, armées de courage et d’abnégation, se sont attaquées au système en prenant d’assaut prisons, tribunaux et magasins appartenant à des Européens et leurs acolytes. Elles réussiront à forcer les autorités coloniales à baisser les impôts et à limiter les adjuvants.
Chez les Wolofs du Sénégal, les femmes ont toujours été associées au trône. Egalement la tradition Sérère renseigne qu’en plus d’avoir donné la vie à l’humanité, la femme a organisé la société et conçu la notion d’Etat. C’est dire que les femmes ont toujours été là et se sont toujours positionnées en infatigables chevilles ouvrières de nos sociétés. En temps de guerre, femmes et jeunes constituent plus de la moitié des victimes. L’atrocité des guerres contemporaines fait du corps de la femme une arme de guerre, un théâtre des opérations de destruction massive.
Pour des sociétés humanistes, il est plus que nécessaire de redonner aux femmes et aux jeunes la place qui leur revient pour insuffler une dynamique de paix et enclencher un développement durable. Mais de grâce, faisons fi des concepts glamours, allons au-delà, pour plus d’actions. Le sens du thème du sommet de la francophonie résiderait dans la matérialisation des concepts qui en constituent la teneur.
Amadou NDIAYE