Belle ballade avec Ben Slama et Dakhlaoui
C’est parti pour la compétition officielle de l’édition 2016 des Journées musicales de Carthage (JMC). Les premiers groupes sélectionnés ont joué dimanche soir à la Maison de la culture Ibn Rachid. Et chaque jour il y aura au moins deux prestations de musiciens en lice à côté des scènes d’animation organisées à travers toute la Tunisie.
Lunettes noires, foulard rouge noué sur la tête assorti à une djellaba et des baskets sur une scène aux lumières tamisées. Mohamed Ben Slama est apparu sur la scène avec un look plutôt incongru. Il avait l’honneur, avec son groupe, de jouer le premier concert de la compétition officielle des journées musicales de Carthage. C’était dimanche soir à la Maison de la culture Ibn Rachik de Tunis. Autant le look de ce chanteur et de ses musiciens est partagé entre les styles arabe, street wear et pop, autant leur musique est agréable à l’écoute. Elle est aussi métissée que leur apparence, mais avec un goût plus raffiné. Ben Slama a commencé avec des sonorités reggae très entraînantes.
Avec une voix assez puissante, il a pu tenir le rythme et partager sa joie d’être sur scène avec le public. Le refrain de ce premier titre, très souvent répété, a vite été adopté par les mélomanes présents dans la salle. Après les notes de reggae, Mohamed Ben Slama et son orchestre attire la salle vers une toute autre musique. C’est du pop qu’ils servent avec une magnifique touche afro.
Comme dans un voyage, on se retrouve dans un autre univers dans le 3e titre proposé. Avec une lumière tamisée sur la scène et le son unique du violoniste qui ouvre cette chanson, on se laisse entraîner facilement et psychologiquement dans une soirée traditionnelle arabe. Le poème déclamé par le lead vocal et bassiste du groupe Ben Slama plonge le spectateur dans un autre monde. Cette musique nous transporte sous des tentes au milieu du désert, tout en restant dans l’accueillante salle de la Maison de la culture, avec de belles femmes aux cheveux longs toutes de blanc vêtues.
La bonne musique rend l’imagination fertile. Une imagination de laquelle on sort rapidement avec le changement de cadence de la musique. Guitares, violon, batterie, tous émettent et le son change. Du voyage dans le désert, on passe à une musique sophistiquée. Un peu de jazz nous est servi. De là, Ben Slama revient au folklore maghrébin avant de revenir aux sonorités ska. Il clôt son concert avec une musique très rythmée d’origine tunisienne. Changement de rythme, changement d’instrument. Il troque sa guitare contre une autre locale avec une architecture ressemblant fortement à celle du ‘’Xalam’’.
Résistance
Mohamed Ben Slama présentait ainsi son projet artistique ‘’l’épopée Daghbaji’’. C’est d’ailleurs le nom de l’album qui lui a valu sa sélection aux JMC. Cet album n’est pas uniquement une aventure musicale avec le mélange de différents genres musicaux. Il est surtout un hommage à un révolutionnaire tunisien Daghbaji. Ce dernier s’est battu contre l’occupation de la France dans le sud de la Tunisie en 1924. Cet opus de 12 titres est la contribution de l’artiste contre l’oubli de ce grand homme. Car, considère-t-il, la musique ne doit pas être que ludique. Elle doit être aussi ‘’engagée’’. Elle doit également être une source de résistance contre l’oubli. C’est ainsi qu’au-delà du fait qu’il a essayé de ressusciter Daghbaji dans cet album, il lutte également contre l’oubli de certaines sonorités tunisiennes. Il conçoit que le patrimoine musical de son pays n’est pas numérisé. Ainsi, son pays pourrait le perdre si certains ne reprennent cette musique. Et la jeune génération risque aussi de ne pas connaître cette musique ancestrale. Par conséquent, il faut bien que des contemporains prennent le legs en charge. Et son pari à lui est de réconcilier les jeunes Tunisiens avec leur patrimoine musical.
Ben Slama essaie de les attirer avec des sonorités qu’il connaît bien comme le reggae et leur propose dans ce mélange des musiques exclusivement tunisiennes.
Par ailleurs, après la brillante prestation de Mohamed Ben Slama qui a marqué plus d’un, la scène de la Maison de la culture Ibn Rachik a reçu un autre groupe. Il s’agit de Sami Dakhlaoui et de sa troupe. Avec près d’une trentaine de musiciens, ils ont livré un concert d’une heure. Pendant ce tour d’horloge, telle une chorale, ils ont plus chanté tous ensemble qu’en solo, sous la direction de Dakhlaoui qui présentait ‘’évasion’’. ‘’Sami Dakhlaoui est un artiste violoniste qui a su imposer un style bien particulier.
Ses nombreuses participations dans des œuvres théâtrales et cinématographiques lui ont valu un statut spécial, celui d’instrumentiste interprète. Avec ‘’Sourouh’’ (évasions), il explore un genre bien prisé : celui de l’opérette où des espaces sonores s’entrecroisent et l’on se laisse bercer par des univers nostalgiques, authentiques et d’autres plus savantes et plus académiques’’. Ainsi le définit-on dans le dossier de presse des JMC.
BIGUE BOB