L’OIT recommande la reconnaissance de la Covid-19 comme accident du travail
Un rapport du Bureau des activités pour les travailleurs (Actrav) de l’Organisation internationale du travail (OIT) préconise que le coronavirus soit reconnu comme accident du travail. Une mesure qui pourrait être le fruit d’un dialogue social efficace ainsi qu’une coopération fructueuse entre les gouvernements, les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs.
Une pile de recommandations a été formulée, dans le cadre de l’identification d’actions immédiates pour contrer les conséquences désastreuses de la pandémie de Covid-19 sur l’économie mondiale. Ceci, dans un rapport du Bureau des activités pour les travailleurs de l'OIT (Organisation internationale du travail) publié ce lundi. Ce travail effectué par les organisations syndicales de 133 pays a préconisé, dans quelques cas, ‘’la reconnaissance de la Covid-19 comme accident du travail’’. D’autres actions urgentes ont été recommandées à travers ‘’une couverture santé universelle, des versements en espèces pour les personnes qui sont le plus dans le besoin ou encore le soutien financier aux entreprises pour éviter les licenciements’’.
Le document, intitulé ‘’Analyse des tendances mondiales quant au rôle des organisations syndicales au temps de la Covid-19’’, évalue les mesures économiques et sociales prises par les gouvernements. Il résume ensuite les réponses apportées par les syndicats à la crise et les progrès accomplis grâce au dialogue, tri ou bipartite ou via les interactions bilatérales, avec les gouvernements au cours de la période allant de mars à août 2020.
Face aux conséquences majeures de la pandémie dans le monde du travail, les gouvernements ont mis en place des plans de relance budgétaire à une échelle sans précédent, afin de soutenir les revenus et les emplois, mais aussi d’éviter un effondrement total de l’économie. L’étude montre que le dialogue social et la coopération efficace entre les gouvernements et les organisations d’employeurs et de travailleurs se sont révélés indispensables, pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies et des politiques appropriées, afin de faire face aux conséquences négatives de la crise liée à la Covid-19 et de bâtir des sociétés plus inclusives.
Il y a 81 % (108 pays sur les 133) d’entre eux qui ont utilisé le dialogue social en réponse à la pandémie, afin de parvenir à un consensus sur les mesures ciblées à prendre pour protéger les travailleurs et les entreprises. Dans cet exercice, ‘’au moins une forme de dialogue social, tripartite ou bipartite ou les deux, a été pratiquée dans 100 % des Etats arabes, 88 % des pays asiatiques, suivis par 84 % des pays d’Europe et d’Asie centrale, 77 % des pays africains et 76 % des pays de la région Amériques’’, renseigne le rapport.
L’Afrique, loin des champions du dialogue social
Si les pays africains ne sont pas parmi les champions du dialogue social, au Sénégal, un dialogue a eu lieu, au lendemain de l’effectivité de l’état d’urgence et du couvre-feu décrété par le président de la République le 23 mars 2020, pour freiner la propagation de la pandémie de Covid-19.
Toutefois, elle a essentiellement eu des relents politiques. Les représentants de l’opposition se sont succédé au palais présidentiel pour une série de concertations avec le chef de l’État. Sur beaucoup de mois, le gouvernement a quasiment eu carte blanche sur le fonds de 1 000 milliards de francs CFA annoncé par Macky Sall pour faire face à la crise.
Au plan social, de grandes figures religieuses ont montré l’exemple, en participant financièrement et dans la sensibilisation pour lutter contre la pandémie. Des entreprises et autres acteurs économiques également. Les organisations syndicales ont-elles été associées aux discussions sur les mesures économiques à apporter en réponse à la crise ?
Dans les 79 pays étudiés, où le dialogue tripartite entre les gouvernements, les syndicats et les organisations d’employeurs a eu lieu, ‘’lorsque les syndicats ont pris part aux discussions politiques, les thèmes de négociation les plus fréquents ont été les mesures de protection sociale et de maintien de l’emploi, l’engagement en faveur de la collaboration entre les partenaires sociaux ainsi que les mesures budgétaires et celles relatives à la sécurité et la santé au travail (SST)’’.
D’autres précisions rapportent que le dialogue social bipartite entre les employeurs et les syndicats a été pratiqué dans 82 pays. Les employeurs et les travailleurs ont souvent fait part de préoccupations similaires quant au manque d’adéquation des mesures adoptées et de la pénurie de certains équipements (comme les EPI). Quand les interactions bilatérales ont concernés les gouvernements et les syndicats, ‘’dans 46 pays et un territoire couverts par l’analyse’’, les sujets de négociation ont été ‘’la modification de la législation existante compte tenu de la crise de la Covid-19, de même que les indemnités de licenciement et les allocations chômage pour les travailleurs ayant perdu leur emploi’’. L’aide au revenu pour ceux travaillant à leur compte et les travailleurs dans le besoin, les prestations supplémentaires pour les personnels de santé et les mesures de SST nécessaires pour les travailleurs ont également été au menu des discussions.
L’OIT recommande l’annulation des dettes extérieures
Au-delà des actions prioritaires, le rapport de l’OIT recommande, à moyen ou long terme, ‘’l’annulation partielle ou totale des dettes extérieures’’ qui plombent les capacités de réponse des gouvernements face aux crises mondiales. Mais également l’amélioration de l’ensemble du système de protection sociale afin de l’étendre à toutes les catégories de travailleurs, quel que soit leur statut d’emploi, de même que des investissements à long terme dans les services sociaux et l’aide sociale.
L’étude a permis d’établir que parmi les professionnels, les personnels de santé et les travailleurs en première ligne sont les plus affectés par la crise de la Covid-19 à travers le monde. Ils ont risqué leur vie pour préserver celle des autres, alors qu’on sait qu’il y a eu des pénuries d’équipements de protection individuelle (EPI).
Malgré le manque de données sur leurs avoirs, ‘’les travailleurs de l’économie informelle ainsi que les personnes travaillant à leur compte et celles ayant un emploi occasionnel’’ ont été frappés de manière disproportionnée. Souvent, rapporte l’enquête, ‘’ils n’ont pas de protection sociale, de revenu de substitution ou d’épargne, mais aussi, en raison de la précarité de leur relation d’emploi et du fait qu’ils sont exclus des mesures de soutien’’.
Les femmes, les jeunes, les travailleurs migrants et les personnes handicapées ont été identifiés comme les groupes de travailleurs les plus vulnérables. La raison est principalement la nature informelle et précaire du travail qu’ils accomplissent et l’absence de protection ou de soutien de la part des pouvoirs publics.
Dans un autre registre, le tourisme, le transport routier et maritime ainsi que l’aérien, la construction, le commerce, l’hôtellerie-restauration, les loisirs et le secteur manufacturier sont les secteurs d’activité les plus durement frappés par la crise de la Covid-19.
Lamine Diouf