Ce sont les professeurs qui font l’école
« Il n’est de richesse que d’homme », cet adage prend son véritable sens dans le domaine de l’éducation. Ce sont, en effet, les professeurs qui font l’école, bien plus que les structures, les formes de gestion, voire les contenus d’enseignement.
L’enseignant, premier déterminant scolaire de la réussite des élèves.
Des études, des observations, ont mesuré au cours de ces dernières années, « l’effet professeur ».Un maître compétent, avisé, maniant avec habilité les outils pédagogiques adaptés aux situations qu’il rencontre, génère de la réussite scolaire ; et dans toutes les circonstances socioculturelles, dans l’élémentaire, le collège, le lycée, dans l’atelier du lycée professionnel, dans l’université….
La majorité des enquêtes sociologiques réalisée en éducation à partir des années 60, dont le célèbre rapport Coleman et al (1966), confirme que la variable enseignant a un effet très marqué sur la réussite scolaire. Des chercheurs comme Wang, Heartel et Walberg (1993), ont en effet réalisé une étude qui leur a permis d’identifier les facteurs les plus susceptibles d'aider l'élève à apprendre. Ils ont identifié 28 facteurs influençant l’apprentissage pour ensuite les classer par ordre de priorité. Les deux facteurs qui se situent en tête de liste relèvent directement de l’enseignant. Ce dernier est donc le facteur ayant le plus d’influence sur l’apprentissage des élèves ; il devance ainsi la famille qui ne vient qu’au quatrième rang.
Ces recherches ont démontré que l’effet enseignant, c’est-à-dire la valeur ajoutée, affecte indéniablement la performance scolaire de tous les élèves et que, parmi ceux-ci, ce sont les élèves en difficulté qui sont les plus grands bénéficiaires. Coleman et al soulignent aussi que les bons enseignants ont une influence plus grande sur la réussite d’élèves issus de milieux socio-économiquement faibles (Crahay, 2000).
L’effet enseignant, un moyen de suppléer la qualité de l’établissement et l’effectif des élèves.
Une étude publiée le 12/07/2011 par le centre d’analyse stratégique, institution de recherche Française, a révélé que la façon dont l’enseignant mène son cours joue de façon importante sur la réussite des élèves. La note du CAS souligne que cet « effet enseignant » est même supérieur à l’« effet établissement ». « Pour faire simple, il est plus important d’avoir un bon enseignant que d’être dans un établissement réputé ». De plus, Elle fait remarquer qu’une augmentation de l’efficacité d’un professeur a au moins autant d’effets bénéfiques sur la réussite des élèves que la diminution de la taille de la classe.
L’on mesure ainsi, combien est grande la responsabilité de l’Etat lorsqu’il doit se doter d’enseignants de qualité, libérés des soucis du quotidien. Les vacataires, les volontaires, les quotas sécuritaires et les fraudes aux concours d’entrées à l’EFI…ont marqué, durant ces vingt dernières années, notre système éducatif. Beaucoup d’entre eux exercent aujourd’hui sans formation aucune ou avec une formation insuffisante ; trop ont été recrutés sans grande précaution. Leur surreprésentation dans les corps enseignants, associée à la dépréciation sociale du professeur recommandent beaucoup de vigilance et une politique hardie du recrutement, de la formation et de la gestion des carrières.
Il faut saluer dans ce cadre la rupture menée par le Ministre de l’éducation nationale Sérigne Mbaye THIAM dans l’organisation du concours de l’EFI qui connait actuellement plus de rigueur et de transparence. On perçoit alors combien est importante l’effectivité de la décision n° 8 du conseil présidentiel du 09 Août 2015 sur les assises de l’éducation et de la formation qui vise à renforcer la professionnalisation des ressources humaines par l’amélioration de la qualité de la formation initiale et continue des enseignants.
Donner aux professeurs les moyens de bien faire leur travail
Ainsi, la réussite des élèves se joue en premier lieu dans la classe. Mais, Il faut donner aux professeurs les moyens de bien faire leur travail, donc une bonne formation initiale comme continue et un recours au travail en équipe pour obtenir ce retour sur les pratiques.
Pour améliorer l’efficacité des professeurs, beaucoup d’études soulignent que la formation et l’expérience des enseignants ne suffisent pas à déterminer leur compétence, pas plus que leur motivation ou leur rémunération. Leur efficacité est davantage liée à la façon de faire cours.
L’étude du CAS préconise aux enseignants par exemple de faire plus de retour sur leurs pratiques en développant d’autres types d’évaluation que la classique inspection académique : un indicateur de valeur ajoutée pour que chacun se situe dans une échelle d’efficacité par classe, des questionnaires d’évaluation des cours remplis par les élèves et des pratiques de coaching permettant à l’enseignant d’analyser ses cours après les avoir filmés par exemple. Mais, tout ceci nécessite au préalable de maximiser le temps d’apprentissage en évitant les déperditions de crédit horaire. Ce qui exige une pacification et une stabilisation de notre espace scolaire.
Conclusion : Plusieurs décennies de recherche sur l’enseignement permettent d’affirmer aujourd’hui que ce que les enseignants font en classe est sans conteste le premier des déterminants scolaires de l’apprentissage et de la réussite des élèves. Replacé au cœur même du système éducatif, le professeur retrouverait alors pleinement la marge de manœuvre nécessaire à la gestion et à l’adaptation de son programme afin d’éviter, tant qu’il le peut encore, les décrochages et échecs scolaires. A l’image de la médecine qui prône le dépistage précoce pour optimiser les chances de guérison, l’enseignement scolaire nécessite également une vigilance constante afin de mettre à jour d’éventuelles lacunes et d’y remédier au plus tôt.
Tabouré AGNE
Professeur au Prytanée Militaire de Saint LOUIS