Et si l'on s'interrogeait sur le modèle sénégalais voire africain?
C’est regrettable, mais nous vivons dans un pays où la règle de conduite est bâtie sur le socle de la ruse. C’est ainsi que chacun essaie, par tous les moyens de tromper l’autre et au finish, tout le monde se retrouve dans le gouffre. Force est de constater avec amertume, que le modèle politique brandi à longueur de journée, et dont se réfèrent théoriquement les acteurs à tous les niveaux, est très loin d’être adapté à nos réalités socioculturelles.
C’est navrant de constater dans le landerneau politique, des chapelles qui se réclament à cor et à cri du socialisme, du libéralisme, du communisme, entre autres, alors qu’il n’en est rien. En réalité, elles ne posent concrètement sur le terrain politique, aucun acte qui cadre avec l’idéologie dont elles se réclament. Beaucoup d’exemples peuvent corroborer cette idée. Dans les faits, il est indéniable que l’ancien Président Léopold Sédar Senghor n’a jamais été socialiste si l’on en juge par les actes posés. Il en est de même pour Me Abdoulaye Wade qui, à mes yeux, n’a jamais été un libéral. En vérité, nous ne sommes rien d’autre que des Africains.
Des Sénégalais musulmans ou chrétiens. C’est donc la tumultueuse période de l’émancipation qui nous a plongés dans ces histoires d’idéologie et il fallait à tout prix montrer au colonisateur, que la leçon était bien assimilée, sans se soucier de la prise en charge de nos besoins réels. In fine, nous sommes empêtrés dans un modèle et un système que personne ne maitrise, et chacun y va de sa propre compréhension et de sa ruse. En définitive, la ruse est la seule clé de réussite, qui permet de passer entre les mailles du filet, mais personne n’applique réellement le modèle pour l’avoir maîtrisé.
L'exemple le plus pertinent, est le fonctionnement de nos partis politiques, qui sont sensés être la clé de voûte du modèle et du système. Les clichés qu’offrent ces instruments de conquête du pouvoir, nous laissent pantois. Pour la simple raison, qu’il y'a tout sauf de la démocratie dans ces partis. En effet, le fondateur se taille toujours les habits de propriétaire exclusif du parti, et de ce point de vue s'appuie généralement sur moins d'une dizaine de personnes qui, souvent soucieuses que de leurs positions, font de lui en fin de compte un monarque absolu, tout en maquillant les faits avec un discours totalement hypocrite.
Pire encore, seules deux questions intéressent les têtes pensantes des partis politiques au Sénégal. Elles sont:
- Comment accéder au pouvoir ?
-Comment s'y maintenir?
Jamais, les véritables problèmes liés au développement du pays ne sont posés avec pertinence. Ceci est aussi valable pour ceux qui se réclament de la société civile.
Comment peut-on se développer avec un modèle aux antipodes de nos réalités, de nos croyances et de nos intérêts?
Comment peut-on se développer avec un modèle qui nous divise?
Comment peut-on se développer avec un modèle qui garantit le règne d'une minorité et laisse en rade l'écrasante majorité de nos peuples?
Comment peut-on se développer avec un modèle qui nous impose une langue et des cultures étrangères?
Comment peut-on se développer avec un modèle qui nous impose des lois que la majorité ignore et des références qui ne peuvent pas être des modèles pour nous?
Comment peut-on se développer avec une monnaie étrangère?
La réponse coule de source. Ce n'est pas possible, car avant de se développer il faut d'abord exister et on ne peut pas exister en étant quelqu'un d'autre, imbu d’un modèle asservissant.
En définitive, il est temps qu'on essaie d'exister et pour cela, la seule alternative est de penser et d'agir par l'Afrique et pour l'Afrique et d'être nous-mêmes, en ne reniant rien de ce que nous sommes,
Par l'Afrique et pour l'Afrique « doon sa bopp ».
Loin de moi, l'idée de dire que nous devons abandonner tout ce qui vient d'ailleurs, mais nous devons savoir que la plupart des valeurs sont universelles. Elles ont seulement été conceptualisées dans d'autres langues imposées par le colonisateur mais nos aïeuls les ont expérimentées bien avant.
Nous venons de célébrer de Magal de Touba et tout le monde a magnifié l'œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba. Qu’on nous dise quel est le penseur ou l'inspirateur étranger, qui a produit autant que lui.
Avec le Maouloud aussi tout le monde a convergé vers Tivaouane, Yoff, Ndiassane, Kaolack, pour ne citer que ces foyers religieux mais personne ne voudra s'inspirer de l'œuvre gigantesque d'El hadji Malick Sy, Seydina Limamoulaye, Bou kounta ou Baye Niasse. Il est temps de se réveiller et de faire la révolution. Je dis bien RÉVOLUTION et le mot n'est pas de trop ; car changer de modèle, voire de paradigme est la seule voix de salut.
C’est aberrant voire irrationnel, de revendiquer des similitudes avec quelqu’un, alors qu’on ne croit pas à soi-même "ku doonul sa bop keep koo fi né moom nga danga koy nuru nurulu waayé doo ko"
Ababacar Bâ ancien député à l’Assemblée Nationale
Ancien chef de la délégation du Sénégal au parlement de la CEDEAO
Ancien Maire de Khombole.
Secrétaire exécutif de SAVA (Synergie Africaine des Valeurs et des Actions).