Publié le 21 Apr 2020 - 19:59
CORONAVIRUS - PRISE EN CHARGE DES CAS GRAVES

Au cœur du combat des urgentistes-réanimateurs 

 

Problèmes respiratoires, défaillance des organes, quand la Covid-19 se complique. Les urgentistes, anesthésistes et réanimateurs nous plongent dans les moments les plus critiques de la prise en charge des patients atteints du coronavirus. Plus on aura de cas, plus la situation sera insoutenable, selon le Pr. Mamadou Diarra Bèye du Samu et le Pr. Oumar Kane, Chef du service anesthésie et réanimation.

 

Le Sénégal a 5 décès, depuis hier. Un nombre très important dans la lutte contre la pandémie du coronavirus. Selon le directeur général du Samu national, Professeur Mamadou Diarra Bèye, de façon imprévisible, des cas simples peuvent évoluer vers la guérison ou peuvent, au-delà du 5e jour, s’aggraver. Ces cas, explique l’urgentiste, vont aller dans le cadre d’une évolution propre et parfois cette évolution n’aura plus rien à voir avec le virus lui-même. Ceci, dit-il, est d’autant plus fréquent que la personne infectée présente des tares.

‘’Parfois, nous avons vu des aggravations secondaires où il n’y a pas eu de tare particulière. Il arrive que les malades soient sous des apports d’oxygène considérable, plus de 10 litres par minute. Nous avons eu trois patients qui étaient sous oxygène pendant des jours et qui passent le cap guéri secondairement. Il arrive, de temps en temps, le syndrome inflammatoire, parce que le virus à l’intérieur de l’organisme active ce que l’on appelle une immunité et cette immunité va se déclencher par l’intermédiaire d’un syndrome inflammatoire par la présence des médiateurs qui sont libérés dans le sang’’, souligne l’urgentiste.

En effet, il arrive que la réponse développée par l’organisme soit excessive. Mais quand cela arrive, c’est cette réponse elle-même qui s’attaque aux patients et c’est là qu’ils ont une détresse respiratoire qui nécessite une ventilation artificielle et des moyens de réanimation très poussés. ‘’Nous avons eu beaucoup de malades qui ont besoin de réanimation. Même si nous n’en avons pas beaucoup parlé. Nous avons des malades qui, même non hospitalisés, étaient en soins intensifs et étaient suivis de façon très rapproché. Il y en a eu à Diamniadio, à Principal et certains que nous avons transférés au niveau de Cuomo à Fann. Il y a eu 7 malades et quand nous avons suivi ces malades qui ont nécessité des soins assez poussés, 5 décès sont notés. Mais on a noté, pour ces malades décédés, dans l’évolution de la maladie, qu’ils étaient âgés et avaient des maladies sous-jacentes qui étaient quand même assez graves’’, renseigne Prof Bèye.

‘’C’est dans ces transferts secondaires des patients graves où c’est très risqué’’

Le chef du Service anesthésiste-réanimation de l’hôpital Fann, Professeur Oumar Kane, renseigne que cette maladie touche le système respiratoire. Ce qui fait que le malade n’a plus d’oxygène dans son organisme. ‘’On sait que tous les organes, pour fonctionner, pour leur métabolisme, ont besoin d’oxygène. Si le poumon n’apporte pas suffisamment d’oxygène dans l’organisme, ces organes qui ont en besoin ne vont plus marcher correctement. Du coup, ce sont des patients qui, à un stade très avancé, vont faire une défaillance multi viscérale.  Il y a tous les organes qui vont être en souffrance. La réanimation est la suppléance des organes. On utilise des appareils pour suppléer ces organes qui dysfonctionnent. Donc, si nous avons 2 à 3 organes qui dysfonctionnent, cela devient très lourd’’, explique Pr. Kane.

Quand les cas sont très graves, poursuit-il, les patients demandent beaucoup de soins intensifs. Ce qui fait la gravité de cette infection, fait-il savoir, c’est que des patients vont présenter, non seulement une détresse respiratoire, mais aussi, ils peuvent, dans l’évolution de la maladie, présenter des défaillances des organes qui sont indispensables à la vie, notamment le rein.

C’est pourquoi, confie le Pr. Bèye, de temps en temps, le patient ne parvient pas à assurer sa fonction d’épuration du rein. Dans ce cas, ‘’on a besoin de dialyse et certains médicaments pour lui permettre de survivre. Nous avons noté une exagération des phénomènes de coagulation et de caillots que l’on peut voir un peu partout’’.

Dans l’évolution de la maladie, il y a beaucoup de choses qui se passent qu’ils ne finissent pas d’apprendre. ‘’Les malades hospitalisés ont besoin d’exploration, de scanner. C’est le Samu qui intervient pour prendre ces patients en réanimation, parfois sous respirateur. Quand le patient a besoin de dialyse, c’est le Samu qui intervient pour l’amener, l’assister et le ramener après. J’avoue que ces transferts secondaires de patients graves sont très risqués. Parce que ce sont des malades qui ont des moyens de réanimation très lourds, la respiration artificielle avec beaucoup de tuyaux, des seringues électriques, des médicaments qui sont en cours. Il ne faut rien interrompre, déplacer le malade et continuer la surveillance’’, fait-il savoir.

Au Sénégal, dit-il, depuis le début de l’épidémie, ils sont à plus de 180 transferts primaires de malades simples, selon le dernier bilan. ‘’On est à une dizaine de transferts pour les patients graves. Si une transmission communautaire est notée, c’est une bombe à retardement. Cela veut dire que la maladie peut exploser à n’importe quel moment. Parce qu’on ne maitrise plus le mode de contamination et cela peut sortir de partout. Ce qui nous fait peur, c’est que plus on a de cas confirmés, plus on aura des cas graves. On n’est pas encore à 50 %. Le chiffre n’est pas très important ; moins de 10 malades sévères graves ont été hospitalisés en réanimation, avec 5 décès. Mais il faut tout faire pour limiter cette transmission et endiguer cette pandémie’’, alerte Pr. Bèye.

‘’Nous avons ouvert une maison médicale où sont hébergés les médecins’’

Sur cette même lancée, professeur Oumar Kane soutient qu’au CTE de Fann, les malades qui sont sous oxygène sont surveillés étroitement. Ce qui fait que le pays n’a pas beaucoup de cas graves, parce qu’ils agissent en amont. ‘’On les accompagne dans la prise en charge des formes qui peuvent s’aggraver. On essaie de les gérer, avant qu’ils ne viennent au niveau de la réanimation. Ce qui fait aussi que les formes graves admises, actuellement en réanimation, ne sont pas très nombreuses. Les formes sévères qui nécessitent une oxygénation et ne nécessitent pas des soins très intensifs restent dans les CTE’’.

Selon lui, c’est une équipe composée d’anesthésistes qui est là pour prendre en charge les cas graves. A côté de ce personnel, dit le Pr. Kane, ils ont des équipements qui leur permettent de faire face à ces situations graves. ‘’Au niveau de la réanimation, nous disposons de 10 lits qui sont équipés. Ce centre était initialement prévu pour la chirurgie cardiaque. Ce qui fait que la réanimation est très équipée. La maladie se complique parfois de tableau gravissime, mais jusqu’à présent, nous parvenons à y faire face’’, rassure l’anesthésiste-réanimateur.

Pour une meilleure prise en charge des cas graves, ils ont mis en place une liste regard. ‘’C’est une liste hebdomadaire des médecins qui restent en place pendant toute une semaine, avant de rentrer chez eux. Ce qui évite de rentrer régulièrement à la maison et d’exposer les familles à l’infection. Nous avons ouvert une maison médicale où sont hébergés les médecins qui restent pour la semaine’’.

VIVIAN DIATTA

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