Publié le 13 Aug 2012 - 16:16
DÉBAT SUR LA VOYANCE AU SÉNÉGAL

Feu sur les Médias

 

 

Pourfendeurs et défenseurs de la voyance - donc de Selbé Ndom, ont rivalisé d'arguments samedi lors d'une conférence sur la question au Centre Lebret de Dakar. Au centre des débats, les médias accusés d’être les principaux artisans d’une ''régression mentale''.

 

A l'origine d'une polémique, depuis quelques jours, suite à des prévisions qui ont provoqué une psychose, la voyance au Sénégal a fait l'objet d'un débat contradictoire entre différentes disciplines, ce week-end au centre Lebret de Dakar. Le Pr. Ibrahima Sow, chargé de recherche à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN), a dès l'entame campé le décor : ''Les devins jouent un rôle social important dans la culture africaine. Ils sont à la fois devins, prêtres et guérisseurs''. Ce qui explique, selon lui, qu’on ne peut séparer la divination de la question du temps. Il ajoute que la divination ''fait partie du besoin de l’homme de vouloir dominer le temps pour y échapper''. Aussi, la divination ne peut dès lors être séparée du temps ni du destin, car le devin tire ses connaissances de son savoir des signes mais aussi de son pouvoir magique puisqu’il essaie de ''changer le futur''. De là, poursuit M. Sow, on en arrive à la dimension de la ''peur'' que suscitent souvent les porteurs de cette divination. En Afrique, soutient le Pr. Ibrahima Sow, les gens sont formatés dans une ''culture de la peur'' et ont souvent une crainte de tout (les êtres discrets de la nuit, le miroir, etc.). D’où la méfiance vis-à-vis de Sélbé Ndom, cette voyante sénégalaise aux prédications souvent alarmistes. Mais le Pr Sow a regretté que la voyante soit aujourd’hui jetée à ''l’opprobre populaire''.

 

Pourquoi Selbé Ndom et pas les Saltigués ?

Il a en outre tenté d'expliquer comment fonctionne cette psychose. La couverture médiatique sur les différents meurtres relayés avant la présidentielle de février-mars 2012 n’est pas étrangère à cette peur de la voyance, de l’avis du chercheur. Il a relaté, pour le regretter, que la presse empêche plusieurs Sénégalais d’avoir un esprit critique. Surtout qu’une logique imaginaire voudrait que prédire équivaille à pouvoir produire ce qui est prédit. ''Savoir, c’est pouvoir ; et prédire, c’est produire'' une pensée magique qui n’épargne pas la presse, a insisté Ibrahima Sow. Très remonté envers les médias, il les accuse d’être les principaux artisans d’une ''régression mentale'' qui s’empare de plus en plus des Sénégalais. Aussi a-t-il demandé aux journalistes, ainsi qu’à certaines ONG, d’arrêter de jeter en pâture des gens qui ne font pas pire que les Saltigués. Lesquels organisent, chaque année, des séances de prédiction et bénéficient de ''crédit'' auprès des journalistes et ne sont nullement inquiétés. Alors a lâché, furieux, le chercheur :

 

''Pourquoi donc Selbé Ndom ?''

De son côté, le psychologue clinicien, Serigne Mor Mbaye a analysé l’ampleur du phénomène de la voyance sous l’angle de l’offre et de la demande. Il a expliqué que les devins sont des ''manipulateurs de l’ordre et du désordre'' qui exploitent souvent les désirs de l’homme qui a toujours cherché à comprendre face à l’angoisse, la peur et le temps. M. Mbaye en appelle à des limites car ''chacun ne peut pas dire et faire ce qu’il veut''. Il a fait siens les propos du père Pierre Anzien qui a demandé de faire attention aux méfaits de la divination, notant que dès que le devin se trompe, de solides relations peuvent être défaites. De toute façon, a-t-il précisé, l’Église n’est pas pour la pratique divinatoire.

 

Amadou NDIAYE

 

 

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