Thierno Bocoum critique Ousmane Sonko
Le président du mouvement politique Alliance générationnelle pour les intérêts de la République (Agir) n’a pas épargné le Premier ministre Ousmane Sonko. Lors d'une conférence de presse hier, il a donné son avis sur le débat autour de la déclaration de politique générale (DPG), la suppression des subventions, les attaques contre la justice, la presse et l’opposition, etc. Thierno Bocoum a également appelé à un rassemblement de l’opposition.
Si c’était dans le cadre d’un sport de combat, on pourrait dire qu'Ousmane Sonko est sous pression. Hier, le président du mouvement politique Alliance générationnelle pour les intérêts de la République (Agir) s’en est pris à lui. D'après Thierno Bocoum, le Premier ministre qu’on attendait sur des questions brûlantes a préféré "s’attaquer aux fondamentaux de notre démocratie et adopter des comportements inexplicables". Selon lui, "il ne respecte pas les institutions, il ne respecte pas les Sénégalais et il n’a pas le profil pour le poste".
Parlant du débat autour de la déclaration de politique générale (DPG), Thierno Bocoum souligne que les problèmes à l’Assemblée nationale sont le résultat d’un système défaillant depuis longtemps, mais que cela ne devrait pas empêcher Ousmane Sonko de faire sa DPG. "Pourquoi l’arrivée du nouveau Premier ministre, en l’occurrence Ousmane Sonko, pour sa DPG, devrait-elle alors soulever un tollé ? S’il est un Premier ministre spécial pour eux, il n’est qu’un Premier ministre pour nous, sénégalais, c’est-à-dire un compatriote nommé par le président de la République. Le comportement du Premier ministre face à cette situation est totalement en déphasage avec l'État de droit et le respect dû aux Sénégalais", a-t-il regretté.
Thierno Bocoum considère cela comme scandaleux. Soulignant que nous sommes dans un régime de séparation des pouvoirs, il considère qu’un Premier ministre n’a pas à s’occuper des affaires concernant l’Assemblée nationale. "C’est aux députés de régler cette question. Et depuis deux ans, cela traîne", dit-il.
Il poursuit : "Les députés ne doivent recevoir d’injonctions de personne. La Constitution est claire : le mandat impératif est nul. Même ceux qui les mettent sur les listes n’ont pas le droit de les conditionner et de les orienter, à plus forte raison une autorité nommée qui se permet de donner un ultimatum à des élus du peuple. C’est totalement scandaleux."
"On ne peut être digne de diriger une institution quand on ne respecte pas les institutions"
Aux yeux de Thierno Bocoum, c’est d’autant plus "scandaleux" qu’Ousmane Sonko menace de faire sa DPG en dehors de l’Assemblée nationale. Selon lui, si Sonko organise une DPG en dehors de l’Assemblée nationale, il ne sera plus le Premier ministre de ce pays. "On aura assisté au premier coup d’État civil de l’histoire politique du Sénégal. On ne peut être digne de diriger une institution quand on ne respecte pas les institutions", a averti le leader d’Agir. Il attire l’attention de l’opinion nationale et internationale sur ce "précédent dangereux qui serait une atteinte grave à nos institutions et à notre État de droit".
Il précise qu’Ousmane Sonko peut décider de ne pas respecter un délai de rigueur, puisque cette disposition a sauté dans le règlement intérieur, mais qu’"il ne peut se soustraire de son obligation de faire sa DPG devant l’Assemblée nationale".
Monsieur Bocoum note que c’est une exigence constitutionnelle. Il fait remarquer que le Premier ministre avait déclaré, le 5 juin, dans le communiqué du Conseil des ministres, qu’il allait faire sa DPG devant l’Assemblée nationale.
"Si les députés de l’Assemblée nationale répondent à l’ultimatum du Premier ministre, ils mériteraient d’être délogés de l’hémicycle. Ils n’auront rien compris encore une fois de leur rôle. La session est terminée. Si le Premier ministre veut faire sa DPG, qu’il attende l’ouverture de la session ou la prochaine législature, si celle-ci est dissoute. Il avait le temps de le faire depuis longtemps. En attendant, qu’il se rapproche des députés de son camp, prompts à le défendre, pour qu’une proposition puisse mettre un terme à cette forfaiture", a indiqué Thierno Bocoum.
Il estime que Sonko n’est prêt à rien. "Il n’a jamais été prêt et cela ne l’intéresse même pas. Il n’a même pas un plan d’action gouvernemental, à plus forte raison un plan d’action national qui lui permette de faire une déclaration de politique générale. Ce plan d’action lui avait été demandé en Conseil des ministres en date du 9 avril 2024 pour qu’il le délivre avant fin avril dernier. Nous sommes au mois de juillet et rien n’a été délivré. Le projet dont il parle est en rédaction. Il est prêt comment ? Il est peut-être prêt pour réciter des choses sans profondeur devant un public qui lui est favorable, mais pas devant des députés qui ne manqueront pas d’être exigeants dans les réponses. Il trouve le moyen de faire un meeting politique et des bains de foule parce qu’il n’a pas de travail", a soutenu M. Bocoum.
Une suppression de la subvention
Sur un autre registre, Thierno Bocoum estime que nous allons vers une suppression totale de la subvention. "Cette question de suppression ciblée, c’est de la communication et un premier jalon qui sera posé en attendant de supprimer toutes les subventions et ainsi créer une hausse généralisée des prix", a-t-il prévenu. Il avertit sur le risque de désagréger le secteur privé.
"Même pour le premier jalon concernant la subvention ciblée, qui va faire appliquer les prix du marché à nos entreprises, cela risque de désagréger le secteur privé, de diminuer la compétitivité de nos entreprises et de provoquer une hausse des prix ; puisque cela va se répercuter sur les coûts de production. S’ils bloquent les prix, ils vont nous exposer aux licenciements et à la fermeture des entreprises", a estimé M. Bocoum.
"Au moment où, dans des pays sérieux, il y a des dispositifs de soutien des entreprises, nous, dans le nôtre, cherchons à les affaiblir à travers une pression fiscale et l’absence de soutien pour une meilleure compétitivité", a-t-il regretté.
Attaques contre la justice, la presse et l’opposition
‘’Accuser des juges de corruption et dire qu’il va faire un toilettage, certainement par rapport à ses propres juges, est scandaleux’’, selon Thierno Bocoum. Il dénonce une ‘’violation’’ du principe de la séparation des pouvoirs. ‘’L’UMS devait se prononcer de manière ferme et sans équivoque. Quand il dit à la presse de répéter ce qu’elle a dit et qu’elle verra, c’est scandaleux’’.
Il rappelle que Sonko a un dossier en cours devant la justice. Il invite le Premier ministre à dire ce qu’il compte faire de ce dossier. ‘’Qu’il nous dise si le ministre de l’Intérieur lui a envoyé un SMS pour lui demander s’il peut laisser le procureur instruire ce dossier’’, a-t-il raillé.
Monsieur Bocoum a également dénoncé les attaques de Sonko contre la presse et contre l’opposition. Parlant des déclarations du Premier ministre contre cette dernière, il dit : ‘’S’attaquer à une opposition qui a eu le comportement républicain de vous laisser travailler et de gérer vos balbutiements de début de mandat est une manière d’ouvrir des hostilités inutiles au moment où l’on vous attend sur des résultats.’’
Domaine public maritime
Ce week-end, en visite à la plage Anse Bernard de Dakar, Ousmane Sonko a dénoncé le bradage du littoral. Des parcelles de 2 500 à 5 000 m² ont été distribuées illégalement à des privés, selon lui. Thierno Bocoum lève le voile sur l’ouverture d’un nouvel hôtel à Dakar, sur le littoral.
‘’Comment peut-on parler de littoral sans mentionner l'hôtel où ils avaient installé leur quartier général et d’où le président de la République est parti pour faire sa prestation de serment ? Cet hôtel, qui obstrue l’accès à la plage et la vue de la mer, est construit sur une superficie non pas de 1 000 m² ou de 2 000 m², mais de 7 000 m²’’, a-t-il fait remarquer.
Appel à un rassemblement de l’opposition
Au président de la République, Thierno Bocoum demande de s’assumer pour le rôle qui lui a été confié. ‘’Soit il est président de la République, soit il est président auprès du Premier ministre. C’est à lui de choisir et il sera traité en conséquence’’, a-t-il soutenu.
Avant d’ajouter : ‘’En tout cas, qu'il sache que nous louons ses actions, sa correction et nous espérons qu’il en sera ainsi pour toujours…’’
Au peuple sénégalais, M. Bocoum note que le patriotisme n’est pas de mettre un leader au-dessus du Sénégal. ‘’Ceux que vous craignez, pour la plupart d’entre vous, ne sont pas à craindre. C’est eux qui doivent vous craindre. Ses souteneurs sont de deux catégories. Les premiers finiront par être du côté du Sénégal tôt ou tard. Ils ont été avec lui pour une rupture. Les seconds constituent un fan-club bouillant et déterminé. Les injures ne doivent pas être un frein’’, a expliqué Thierno Bocoum.
Parlant de la foule qui suit Ousmane Sonko, il déclare : ‘’Ils ont été formatés pour réfléchir dans un seul sens et faire l’apologie de la pensée unique. Ce sont eux qui sont dans la haine. Ce sont eux qui ont brûlé les maisons d’autrui et les biens d’autrui ainsi que l’université au nom d’un projet qu’ils n’ont jamais vu. C’était une occasion de déverser leur haine. C’est cette haine, qui est un trop-plein chez eux, qu’ils projettent sur les autres, faute de comprendre ce qui se passe. Ils ne comprennent pas ce que signifie la liberté, ce que signifie la démocratie, ce que signifie la diversité. Ils ne le comprennent pas…’’
Sur le plan politique, Thierno Bocoum appelle à un large rassemblement de l’opposition, toutes obédiences confondues. ‘’Nous appelons à un large rassemblement de l’opposition en vue des élections législatives prochaines. Ceci n’est pas un positionnement au sein d’un quelconque groupe. Ce qui est important est que chacun puisse garder sa liberté d’opinion sur toutes les questions qui interpellent la nation. Je suis pour l’existence des oppositions, mais nous devons pouvoir nous unir pour obtenir une majorité à l’Assemblée et ainsi créer un contre-pouvoir légal pour que les dérives du Premier ministre, qui se prend pour un président de la République, ne puissent pas porter un préjudice irréversible à notre jeune nation’’, a soutenu le président d’Agir.
BABACAR SY SEYE