Publié le 19 Apr 2012 - 08:55
DR. BACAR DIA (FRONT POPULAIRE ÉCOLOGIQUE, FPE)

«Il faut s’attaquer aux urgences et laisser le contrôle aux agences de l’Etat»

 

Ancien ministre de la Communication et ex porte-parole du gouvernement, le Dr. Bacar Dia enjoint le gouvernement à s’attaquer aux urgences au lieu de se laisser aller à une médiatisation des actions menées contre la gestion du régime de Wade.

 

 

Que vous inspire l'actualité autour de la traque menée contre des pilleurs éventuels de biens publics ?

 

Il faut jouer balle à terre, c’est-à-dire s’arrêter et respirer. Cela fait deux semaines que le président Macky Sall a pris le pouvoir. Il y a des structures de l’Etat, comme la Comptabilité matière, la Police, la Gendarmerie, tout comme l’Inspection générale d’Etat et l’Agence de régulation des marchés publics. En somme, nous avons tous les corps de contrôle capables de régler, sans bruit, la question des audits et des biens volés qui commencent à polluer l’atmosphère. Les gens commencent d’ailleurs à trouver le faux prétexte de dire que Macky cherche des dilatoires parce qu’il ne peut pas tenir ses engagements. Je ne le pense pas. Je pense qu’il y a tout simplement une mauvaise stratégie à ce niveau. J’ai été ministre de la Communication, il faut que le nouveau gouvernement comprenne que la presse n’est l’alliée de personne. Le fait de distiller dans la presse des éléments relatifs à ces affaires de voitures ou de personnes à traquer pourrait se retourner contre le pouvoir. Ma conviction est que les corps de contrôle doivent jouer leurs rôles. S’il y a des voleurs de biens publics, ce qui est très grave, il n’est pas du rôle du ministre de se mettre toujours à dénoncer.

 

 

Le nouveau régime a un réel problème dans la prise en charge de ce dossier ?

 

Il faut qu’il recentre sa communication autour de l’essentiel et qu’il comprenne que celui qui vit par la presse et par les fuites, périra par la presse et par les fuites. C’est l’expérience que j’ai en tant qu’ancien ministre de la Communication. Si les caisses de l’Etat sont vides, les structures compétentes feront leur travail. Mieux, les caisses de l’Etat ne constituent pas un endroit où on met de l’argent, c’est plutôt une prévision de recettes et de dépenses. Il ne faut pas donner aux populations l’impression que les caisses de l’Etat constituent des endroits où l’on trouve tout l’argent de l’Etat. Il faut que l’équipe actuelle se mette dans la tête qu’elle gouverne, elle doit donc arrêter d’être dans la posture d’opposant. Il ne faut pas trop regarder dans le rétroviseur. La nouvelle équipe n’a qu’à décliner ses feuilles de route et s’attaquer rapidement aux urgences au lieu de se lancer dans un débat qui fait l’affaire du PDS.

 

 

Comment ?

 

Le régime a beaucoup communiqué sur le manque d’argent dans les caisses de l’Etat. Aussitôt après, on a vu Oumar Sarr faire une interview dans la presse pour recentrer et expliquer comment fonctionne un budget. Si l’actuel régime dit que les caisses de l’Etat sont vides sans expliquer le processus et le fonctionnement du budget, il ouvre des failles que l’adversaire exploite. De ce fait, il donne de la matière à un parti qui était aux abois de revenir dans le jeu. C’est une mauvaise stratégie de communication. Il faut, comme le président Macky Sall l'a dit, avoir le culte du résultat et éviter de communiquer sur des détails que les corps de contrôles peuvent régler. Avec cette forme de communication, le gouvernement actuel est en train de verser dans les erreurs que le président Abdoulaye Wade avait commis en son temps. Et aujourd’hui, les Sénégalais sont très pressés.

 

 

Quelle est la position du FPE face aux législatives ?

 

C’est avec regret que notre parti constate ce que j’appelle l’arrogance du régime sortant consistant à n'installer sur l’échiquier politique que ceux qui ont beaucoup d’argent. Les critères de participation d’une élection ne sont plus basés sur les bonnes idées ni sur les programmes, mais uniquement sur l’argent. La caution présidentielle et celle prévue pour les législatives ont été multipliées de manière déconcertante. Évidemment qu'il faut réguler, mais ce qui est inacceptable, c’est de le faire par l’argent. Le président Macky Sall doit rétablir cette injustice. En tout cas, mon parti n’a pas cette puissance financière mais plutôt des programmes et des idées à proposer aux Sénégalais. Le Front populaire écologique rêve d’être présent à l’Assemblée nationale, seul ou en alliance. Maintenant, si nous ne pouvons pas, c’est en toute fierté que nous dirons que par faute de moyens, nous n’avons pu aller aux législatives. Nous sommes membre de Benno Bokk Yaakaar et nous avons participé à la bataille contre la candidature de Wade. A un moment, notre parti a travaillé avec REWMI d’Idrissa Seck mais il faut rappeler que c’était une alliance conjoncturelle et non structurelle.

 

 

Justement, qu’est devenue cette alliance ?

 

Pour le FPE, cette alliance n’existe plus parce que c’est à travers la radio que nous avons appris que la coalition Idy4president avait des ministres dans le gouvernement et qu’elle avait proposé Pape Diouf et Oumar Guèye. Nous les félicitons même s’il faut reconnaitre qu’il n y a eu aucune concertation autour de cette question.

 

 

Frustré ?

 

Cela ne nous gêne pas car nous supposons simplement que Macky Sall a donné ce poste à Idrissa Seck et à son parti mais pas à la coalition. Par contre, c’est notre part politique que nous revendiquons au lieu de postes, en ce sens que nous continuerons de jouer un rôle de sentinelle au service de la démocratie Sénégalaise. Nous étions dans une coalition et Idrissa Seck a mis fin à cette dynamique au lendemain de la présidentielle. Les objectifs étaient de combattre la candidature de Wade et faire de Idy le 4ème président du Sénégal. Macky Sall est le président de la République et visiblement, c’est lui le patron de Benno Bokk Yaakaar. Nous attendons de voir ce qu’il va faire. Mais dans tous les cas, le FPE est intéressé par une fonction législative parce qu’il faut une Assemblée nationale de rupture. Le président Macky Sall doit comprendre qu’il est le seul responsable de la politique de la Nation et du gouvernement et qu’il répondra seul de tout cela.

 

 

Il y a eu beaucoup de bruit chez certains membres de Benno Bokk Yaakaar par rapport à l’octroi de postes ministériels aux alliés.

 

Je m’inscris en porte-à-faux contre l’idée d’un soutien sans condition entretenue par certains leaders politiques. Lorsqu’on est dans une alliance, c’est aussi pour participer à la gestion du pouvoir. La preuve, tous ces leaders qui disaient soutenir Macky Sall sans condition se battent en dessous et s'étripent par jeunesses de parti interposées. Cela veut dire qu’il y a une forme d’hypocrisie qui entoure notre coalition globale. Et si Macky n’est pas prudent, il sera victime de cela. Nous du FPE avons certes décidé de ne pas réclamer de fonctions ministérielles ou autres, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas intéressés, simplement nous voulons mettre le président à l’aise.

 

 

Macky Sall entend diriger en disposant d’une bonne majorité à l’Assemblée. Est-ce la meilleure formule selon vous ?

 

C’est une ambition légitime à notre avis. Il faut éviter tout simplement les majorités à la Russe avec plus de 95% ds députés. Eviter que l’Assemblée nationale soit une chambre d’applaudissements. Le Sénégal a besoin d’une Assemblée multicolore avec des femmes et des hommes d’un très bon niveau. Aujourd'hui, il y a un déséquilibre à corriger. Il faut que Benno Bokk Yaakaar aide le président de la République à avoir une majorité qui lui permettra de gouverner, il ne faut pas le fatiguer, il faut lui faire confiance. Sinon, le Sénégal risque d’avoir un président de la République sans aucune majorité, ce qui risque d’engendrer une grande instabilité dans le pays. La dynamique d’ensemble doit continuer, mais il faut également que Macky comprenne que ce ne sont pas seulement les candidats qui doivent être ses interlocuteurs. Il est en train de faire des erreurs à ce niveau.

 

 

C'est-à-dire ?

 

Pour la question législative, il doit discuter avec ses alliés en toute objectivité et ne pas se limiter aux appareils de coalition. Il faut que les gens soient justes parce qu’on ne peut pas prendre les fonctions ministérielles et revenir s’accaparer de toutes les autres fonctions électives sous prétexte qu’on est de grands partis. Ce serait une catastrophe car si Macky le faisait, celles-là qu’on appelle «petites organisations» se dresseront en face de lui. Et il faut savoir que certaines organisations politiques tout comme certains leaders politiques ont atteint leur limite historique aujourd’hui.

 

 

 

Amadou NDIAYE

 

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