Au-delà de la mangue, l’intégration économique
La mangue sénégalaise dispose d’une marge considérable à l’exportation. Mais pour accroître le volume, il faut relever les défis liés à la production, à la transformation et à la commercialisation. Des aspects qui parfois transcendent la filière et interpellent directement l’intégration économique sous-régionale.
À travers les différents stands, des produits divers et variés, tous à base d’un seul fruit : la mangue. Vinaigre, confiture, jus, et même des mangues hachées et séchées. L’exposition à la Place du souvenir fait partie des activités de la semaine régionale sur la mangue lancée hier par le ministre du Commerce, Alioune Sarr. L’objectif est de promouvoir la mangue sénégalaise en particulier, celle de la sous-région en général. Car, au-delà du plaisir gustatif qu’un Sénégalais peut retenir, la mangue a des enjeux économiques énormes. Si l’on en croit le ministre qui a animé hier une conférence de presse à ce sujet, ce fruit est le plus en vue de la filière horticole du pays. En quelques années, la mangue a fait un bond important en termes d’exportation avec une vingtaine de milliards par an. Entre 2014 et 2016, les exportations sont passées de 9 000 tonnes à 17 000 tonnes.
Toutefois, malgré les progrès, la filière a principalement trois défis à relever. Le premier est lié à la production et tout ce que cela implique comme normes et qualité. En effet, pour s’exporter, il faut d’abord répondre aux exigences du marché international. Beaucoup d’efforts ont été faits dans ce sens, notamment dans la plantation et la lutte contre la mouche. Mais il reste encore du chemin à faire. En guise d’exemple, le fruit sénégalais, bien que plus délicieux que celui du Mexique, selon le ministre, n’est pas pour autant présent aux Etats-Unis, premier consommateur mondial.
L’autre défi est relatif à la transformation. Importer est certes bien, mais elle ne génère ni de la valeur ajoutée ni de l’emploi. En Afrique de l’ouest, seul 1% de la production de mangue est transformé. Le ministre invite les privés à investir le secteur. Il s’attend aussi à ce qu’il y ait une alliance régionale sur la chaîne des valeurs. ‘’Il faut que les producteurs, les transformateurs, les importateurs puissent s’organiser pour aller ensemble sur les marchés internationaux. Nous devons avoir des alliances stratégiques pour ne pas être divisés et perdre des parts de marché’’, plaide-t-il.
Le dernier challenge est lié à la conservation et à la commercialisation. Un aspect qui passe nécessairement par l’accroissement du niveau des échanges intra-africains. La tutelle a rappelé que ceux-ci sont relativement faibles entre pays de la sous-région. 12 à 13%, alors que sur le marché américain, le volume d’échanges est de 50%. En Europe, ils sont à 70%. ‘’Autrement dit, une entreprise européenne a, 7 fois sur 10, la possibilité de commercer avec une entreprise européenne. Au même moment, l’entreprise africaine à moins de 2 fois de chances de commercer avec un client africain. En d’autres termes, la Pme ici à Dakar a plus de chance de commercer avec une entreprise européenne qu’avec sa voisine ivoirienne, malienne ou guinéenne’’, regrette-t-il.
La Côte d’Ivoire importe 90 000 tonnes d’oignon ; le Sénégal en produit 350 000 tonnes
Une affirmation confirmée par les statistiques d’une autre filière. En effet, révèle le ministre, la Côte d’Ivoire importe 90 000 tonnes d’oignon. Le Sénégal en produit 350 000 tonnes. Et pourtant, il n’existe pas à ce jour d’importation du produit du Sénégal vers son voisin. Parce qu’il manque d’infrastructures de conservation et de logistique pour le transport.
Le ministre se veut donc formel. ‘’L’intégration sous-régionale est la seule voie de développement des pays. Les marchés sont très étroits’’, lance-t-il. 14 millions au Sénégal, plus de 20 millions en Côte d’Ivoire, c’est très peu. Pour lui, une entreprise qui veut attaquer le marché mondial ne peut pas se contenter des débouchés qui offrent d’aussi peu de consommateurs. Il faut donc élargir. Et puisque 2017 marque la date de l’effectivité de libre échange entre tous les pays d’Afrique, les entreprises sénégalaises et celles de la sous-région doivent être préparées à faire face aux autres avec qui elles seront en concurrence.
BABACAR WILLANE