L’Anam fait son ‘’ndeup’’

L’Agence nationale des affaires maritimes (Anam) célèbre la Journée internationale des gens de mer. Une occasion de passer en revue les plaintes et doléances de ces travailleurs sénégalais.
La Journée internationale des gens de mer est célébrée ce 25 juin. Dans le cadre de cette célébration, l’Agence nationale des affaires maritimes (Anam) organise, depuis hier, des activités ayant pour thème ‘’Mon navire, sans harcèlement’’. Ce sujet met l’accent sur la lutte contre ‘’la violence et le harcèlement en milieu de travail dont sont souvent victimes les gens de mer, femmes comme hommes’’.
Ainsi, les acteurs clés du secteur maritime ont été réunis pour une discussion franche. ‘’Une étape majeure en faveur d'un dialogue social renforcé et inclusif. Cette rencontre témoigne encore une fois de notre volonté commune de bâtir un secteur maritime plus juste, plus performant et plus respectueux des droits et aspirations de toutes ses composantes’’, a déclaré le DG Bécaye Diop. ‘’La rencontre tripartite de ce jour témoigne de notre volonté commune d'apporter des solutions de manière concertée, avec des dialogues sociaux forts, constructifs et respectueux. Il ne saurait y avoir de progrès durable dans nos secteurs sans la participation active des trois composantes que nous représentons’’, a-t-il ajouté.
À cet effet, Mouhamadou Moustapha Lo, représentant des associations et mouvements de marins, engage l'Agence nationale des affaires maritimes sur un certain nombre de priorités : renforcer la sécurité et les conditions de travail en mer. Pour M. Lo, les marins et les travailleurs portuaires sont confrontés à des conditions exigeantes. ‘’Il est impératif de continuer à promouvoir des normes rigoureuses en matière de sécurité, de santé et de bien-être à bord, conformément aux conventions internationales telles que la MLC de 2006, la Convention sur le travail dans la pêche, etc.’’, a-t-il demandé.
Il invite à réfléchir à une synergie renforcée entre les acteurs techniques chargés du contenu local et l'administration des affaires maritimes. ‘’Une collaboration étroite et claire est essentielle pour l'efficacité de la loi sur le contenu local, garantissant ainsi une meilleure intégration des marins sénégalais dans les activités maritimes. À ce titre, il est essentiel de revoir la loi sur le contenu local qui reste incomplète à nos yeux, car elle ne prévoit pas de quotas’’, a-t-il réclamé. Il estime qu'’’un pourcentage significatif et prioritaire des gens de mer sénégalais devrait être défini et garanti à bord de toutes les unités offshore, dans toute la chaîne d'activité pétrolière et gazière au Sénégal’’.
Reconnaissance des brevets, non au harcèlement…
De même, les acteurs insistent sur la nécessité de la reconnaissance des brevets des équipages sénégalais. ‘’Il est inacceptable que nos marins soient privés d'opportunités de travail, alors que des postes sont laissés ouverts et attribués à des étrangers sur les plateformes offshore opérant dans nos eaux territoriales’’, ont-ils déploré.
Ensuite, pour une meilleure implication dans l'exploitation des ressources pétrolières et gazières, les associations et mouvements marins soulignent la nécessité ‘’d’une flotte nationale de commerce et de pêche dédiée à l'offshore, avec des lignes de géosciences pour assurer une bonne orientation aux gens de mer sénégalais’’.
Ils notent aussi qu’’’il est essentiel de revoir la qualité de la formation à l'École nationale de formation pour qu'elle soit conforme aux normes standards internationales, en veillant à inclure toutes les commodités nécessaires à l'exercice des formateurs et à des environnements réalistes’’.
Ibrahima Lo a aussi vivement dénoncé les harcèlements subis par les gens de mer. ‘’Nous appelons les autorités maritimes et les institutions compétentes à prendre des mesures fermes pour prévenir ces abus, protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Le bien-être et la dignité des gens de mer doivent être au cœur des politiques maritimes, car il ne peut y avoir de milieu sain et respectueux sans cela’’, a-t-il dit.
Pour sa part, le représentant du Réseau national des CLPA, Ibrahima Mar, soutient que ‘’le développement maritime durable n’est pas possible sans justice sociale et que la mer, aussi vaste soit-elle, ne peut être un lieu sans droits’’.
De son côté, Ndèye Aby Guèye, représentante de l’association de femmes du secteur maritime, demande ‘’l’ouverture d'opportunités concrètes au moment où des postes continuent d'être confiés à des marins venus d'ailleurs’’. ‘’La mer offre de nombreuses opportunités de carrière et de belles perspectives. Pourtant, les femmes, dans ce secteur, restent confrontées à des obstacles persistants. Trop peu de femmes marins parviennent à accéder à une carrière à la hauteur de leurs compétences’’, a-t-elle déploré.
Poursuivant, elle note que dans la pêche également, ‘’l'intégration des femmes marins est freinée, non pas par un manque de compétences, mais par des conditions de travail inadaptées’’. Ici, elle dénonce ‘’l'absence d'aménagements spécifiques : cabines non équipées, absence d'intimité à bord, etc.’’.
Il est également sollicité l’accompagnement de la formation initiale et continue des marins par le relèvement de l'offre de formation maritime et le renforcement des conditions d'emploi.
Mouhamadou Moustapha Lo note que les secteurs maritimes doivent s'inscrire dans les objectifs de massification de l'emploi maritime. Cela implique, dit-il, ‘’des investissements dans les infrastructures, notamment avec la création d'une académie maritime et la réhabilitation de l'École nationale de formation maritime, les matériels et équipements dont elle a besoin, la formation des formateurs, mais aussi une formation adaptée pour nos marins, afin qu'ils soient les acteurs de cette transformation et non ses victimes’’.
La formation des marins artisans, avec l'application des conseils locaux des pêches artisanales, constitue une préoccupation forte pour la ville, selon lui.
La vétusté de l’école où les marins sont formés est aussi déplorée. ‘’Le programme de formation de capitaines et seconds capitaines des marins artisans sera encore déployé sur toutes les campagnes territoriales. Un projet a déjà été lancé depuis 2021 pour 12 sessions de formation’’, a souligné Ibrahima Lo.
Éclairage du DG Bécaye Diop
Le DG de l’Anam, Bécaye Diop, a apporté des réponses. Sur l'interpellation concernant la relation entre le Secrétariat technique chargé du contenu local et l'Anam, il note qu’’’une synergie efficace a été établie entre le secrétariat technique et l'Agence nationale des affaires maritimes, par le biais de plusieurs mesures permettant de renforcer le développement du secteur maritime tout en valorisant le contenu local’’.
‘’On peut le faire à travers la création d'un comité mixte regroupant des représentants du secrétariat technique et de l'Anam pour assurer le suivi régulier des initiatives, partager les informations et coordonner les actions liées au contenu local dans le secteur maritime et ainsi instaurer un système d'évaluation régulier avec des indicateurs précis pour ajuster la stratégie commune. Je pense que ça va être une bonne approche’’, a déclaré M. Diop.
En ce qui concerne la demande de révision de la loi sur le contenu local, notamment sur le quota des Sénégalais embauchés, il soutient que ‘’l'adoption de quotas ne semble pas être la bonne approche’’. ‘’Une telle stratégie pourrait risquer de limiter la flexibilité opérationnelle, de créer des tensions avec les entreprises de construction et d'ingénierie, les compagnies pétrolières et autres, et de compromettre la compétence et la sécurité sur les plateformes’’, a-t-il dit.
À l’en croire, ‘’il faut plutôt renforcer les programmes de formation professionnelle et de certification pour les marins sénégalais afin de satisfaire les exigences techniques et de sécurité, et ainsi favoriser leur intégration dans le secteur de l'emploi’’.
Il est aussi revenu sur le sujet de la reconnaissance des brevets sénégalais par les navires étrangers. C’est pour souligner qu’’’en vertu des accords internationaux et des réglementations maritimes sénégalaises, des navires étrangers ont généralement l'obligation de reconnaître et d'accepter les brevets, certificats et qualifications professionnelles délivrés aux marins sénégalais’’.
‘’La reconnaissance implique bien entendu, et très souvent, une vérification de la validité des brevets et leur conformité aux normes internationales, notamment celles de l'OMI. Il faut noter que chaque administration maritime collabore avec ses partenaires pour établir des accords de reconnaissance mutuelle’’, a soutenu le DG, qui renseigne que ‘’des procédures seront engagées avec certaines structures’’.
Par ailleurs, concernant la formation, Bécaye Diop est d’avis qu’’’il faut revoir la qualité de la formation’’. Selon lui, ‘’les autorités entendent rénover les écoles de formation et construire une académie maritime’’. ‘’Ça fait partie des programmes prioritaires. Nous commençons avec l'École nationale de formation maritime. Nous allons analyser les programmes existants pour vérifier leur alignement avec les normes de l'OMI et les conventions internationales. Nous actualiserons les programmes pour intégrer les nouvelles technologies, la protection environnementale et les compétences humaines, etc. », a-t-il annoncé.
Il a été indiqué que depuis la publication de la Convention sur la pêche, ‘’certains consignataires refusent de l'appliquer intégralement’’’. ‘’Il faut savoir que les dispositions de la convention sont d'application immédiate à tous les acteurs et que la prime de 65 000 F CFA par mois est due au marin. Le refus d'application par certains consignataires nécessite une sensibilisation accrue, des contrôles renforcés et, s'il le faut, un durcissement de la réglementation’’, a soutenu le DG de l’Anam.
Sur un autre point, ‘’le Sénégal a ratifié la Convention 188 pour la modernisation de la pêche sénégalaise’’. Les acteurs souhaitent que ‘’l'adaptation de ces recommandations à la pêche sénégalaise, notamment la partie réservée aux gens de mer, soit appliquée’’.
Sur ce point, Bécaye Diop déclare : ‘’Dans le cadre de la révision du Code de la marine marchande, ces dispositions seront intégrées. D'ailleurs, le code est actuellement en phase de pré-finalisation. Je vous invite vivement à apporter vos contributions et remarques’’, a-t-il informé. ‘’Nous disposerons jusqu'à la fin de l'année pour recueillir vos propositions, qui seront ensuite transmises à l'autorité compétente pour examen et directive’’.
Au sujet de la révision de la Convention collective du commerce, le DG de l’Anam souligne que ‘’l'initiative ne provient pas de l'administration maritime, mais doit émaner de l'armateur, du syndicat ou de l'employeur. L’Anam agit en tant qu'administration et assure l'encadrement du processus. D'ailleurs, elle a prévu un budget à cet effet, en cas de demande formelle’’, a-t-il indiqué.
BABACAR SY SEYE