Publié le 25 Jun 2014 - 21:09
EN PRIVÉ AVEC YOLASS – ARTISTE RAPPEUR

''Ce que j'ai vécu en prison. . .''

 

Membre du groupe 2m carrés, Walid Faye alias Yolass est un habitué des prisons. Après une première libération alors qu'il était accusé de meurtre avant d'être acquitté, il avait, avec un autre repris de justice, produit un album intitulé ''au revoir le milieu''. Chose qu'il n'a pu respecter et vient juste de purger quatre ans pour port d'arme illégale et vol. Dans cet entretien avec EnQuête, il revient sur sa difficile vie carcérale et sur ses projets en tant que musicien. 

 

Quelle est l’actualité de 2 mètres carrés?

Là on prépare un album qui sera une bombe. On avait sorti un premier album. Après je suis retourné en prison et Requin était seul. Les gens pensaient que le groupe s’était disloqué. Mais là, on travaille à faire comprendre au public hip-hop que 2 mètres carrés est toujours là et est composé par Yolass et Requin noir.

Yolass, vous aviez sorti un album ‘’au revoir le milieu’’, malgré tout vous êtes retourné en prison. Le message était alors hypocrite?

Non pas du tout. J’y croyais en le disant. Mais la prison fait partie de mon destin. Je rends grâce à Dieu pour ça. Je suis retourné en prison parce que j’avais une arme alors que je n’avais pas d’autorisation. Un soir, je suis tombé sur une rafle policière et on m’a pris. J’avais l’arme avec moi alors que je n’ai pas d’autorisation. Un autre malheur m’est arrivé avec cette arme que j’ai achetée au marché de Thiaroye. En effet, l’arme en question appartient au chef de cour de Rebeuss de Liberté 6. Je n’en savais rien. Même celui qui me l’a vendue ne savait pas d’où venait l’arme parce qu’il l'avait achetée auprès de quelqu’un d’autre avant de me la revendre. 

Comment pouvez-vous acheter une arme dans la rue après avoir été accusé une première fois de meurtre?

C’était pour ma sécurité. Un jour, en revenant de concert avec Requin, lui est rentré à Jaxaay. Moi, j’habite à la cité Asecna Guédiawaye. J’ai rencontré un comité de vigilance qui m’a malmené. On a appelé la police et j’ai eu quelques petits problèmes. C’est après que j’ai décidé d’acheter une arme. J’étais énervé en le faisant. Si je savais que j’allais avoir tous ces problèmes après, je n’allais pas le faire. C’est après que j’ai réalisé que j’avais commis une bêtise sous le coup de la colère. Je n’aurais pas dû me procurer cette arme. Je le reconnais. 

Votre expérience carcérale ne vous a servi à rien alors? 

Si, cela m’a servi et me sert encore. Il y a des gens qui font tout le temps des allers et retours en prison. Et je vous dis, le fait d’être retourné en prison m’a fait découvrir d’autres choses. Donc, ce retour-là est bénéfique. 

Certains disent que vous avez été appréhendé parce qu’on a trouvé du chanvre indien sur vous ?

Ce n’est pas exact. Je ne fume même pas de la cigarette encore moins du yamba. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie. J’étais le plus terrible de la banlieue. Les rappeurs ont raconté beaucoup de mensonges sur moi. Mais moi, je ne fume pas, je ne consomme pas d’alcool et je prie chaque jour. Ce qui m’est arrivé relève de la volonté divine. C'est mon destin.

Qu’avez-vous appris de nouveau quand vous êtes retourné en prison?

J’ai vu des choses pires. Dans les prisons, on voit des personnes très jeunes condamnées à de lourdes peines. Après mon jugement, on m’a amené au camp pénal où je devais purger ma peine de quatre ans. J’ai eu deux peines de deux ans en fait. Le premier, c’est pour port d’arme illégale. Quand mon dossier est arrivé à Rebeuss, le chef de cour, chef Senghor, a vu que l’arme que je portais était son arme volée. Il m’a fait appeler et m’a posé des questions mais je lui ai dit que cette arme ne m’appartenait pas.

Après, il est parti à la police des Parcelles où il avait porté plainte pour leur dire qu’on avait retrouvé l’arme et celui qui la détenait était à Rebeuss. La police est venue me cueillir en prison. Je suis allé en jugement une nouvelle fois. Le magistrat m’a dit que les faits sont les mêmes mais les procédures différaient. J’ai pris deux ans pour chacune d’elles. Je n’en savais rien. C’était en 2010. C’est quand je suis arrivé en prison au camp pénal que j’ai compris que j’avais pris 4 ans. 

Votre intégration n'a pas été difficile quand vous êtes retourné en prison vu que vous êtes un habitué des lieux ?

C'est toujours difficile de s'intégrer en prison. Quand j'y suis retourné, j'y ai trouvé des gens que j'avais laissés là et j'ai naturellement trouvé de nouveaux visages. On y retrouve également des conditions de vie pires. Les prisonniers sont considérés comme des animaux. Leurs droits sont bafoués. Ils ne mangent pas bien et dorment dans des conditions inimaginables. Il n'y a pas d'hygiène dans les cellules. On utilise un pot de tomate pour deux sacs de riz.

On voit des gens s'évanouir chaque jour parce qu'ils ont faim. A l'infirmerie, le major prescrit un régime particulier aux malades. Mais, ce n'est pas toujours respecté. Il n'y a que Djadji Ndiaye qui a fait des efforts sur le plan de l'alimentation. Vous savez en prison, on a maintenant ouvert des restaurants. Les prisonniers qui ont les moyens de le faire mangent là-bas. Les plats sont livrés en cellule à l'heure du manger. Il y a aussi des boutiques gérées par l'administration pénitentiaire. Vu la qualité des plats proposés, beaucoup préfèrent manger autre chose que le ''diagan''. Quand on a 4 000 mille potentiels clients, on se fait de l'argent facilement.

Autre chose, il y a des prisonniers victimes d'injustice. Je prends mon cas personnel. Je devais bénéficier d'une confusion de peine vu que j'ai été jugé pour les mêmes faits. Un beau matin aussi, on m'a transféré à Saint-Louis alors que je n'ai pas de la famille là-bas. Cela, il faut que le directeur de l'administration  pénitentiaire le prenne en compte. On ne doit pas envoyer un prisonnier dans une ville où il n'a aucune attache sachant que les conditions de vie en milieu carcéral sont très difficiles.

Quand on a sa famille à côté, elle peut aider le prisonnier en lui apportant à manger et des habits propres. Quand on est transféré, on n'avise pas les gens. A Koutal par exemple, les conditions sont inimaginables. En prison, tu vois quelqu'un qui est condamné à 30 ans pour une affaire, puis 10 ans et 2 ans. Cela lui fait 42 ans. 

Qu'avez-vous réellement fait pour être transféré?

Je n'ai rien fait. Je sais que c'est au lendemain d'un concert organisé au sein de la prison par le label Youkoungkoung de Malal Talla que j'ai été transféré à Saint-Louis. Je suis monté sur scène et j'ai rappé un de mes titres : ''ennemie''. J'ai après chanté le couplet d'une autre de mes chansons qui parlent de politique. J'ai fustigé l'attitude des politiciens.

J'ai dit que les pauvres sont nés pauvres et le resteront à jamais à cause des politiciens. J'ai dit aussi qu'on n'avait pas peur de la prison et d'autres choses. Le lendemain, très tôt le matin l'on est venu me demander de préparer mes bagages parce que je changeais de prison. C'est arrivé à Saint-Louis que j'ai su que c'est là-bas qu'on m'avait envoyé. C'est la pire des prisons . Elle est trop petite. Je mesure presque 2 mètres. Quand j'entre dans les toilettes, je suis obligé de me courber. C'est un ancien bâtiment qui date de l'époque des colons.

Un prisonnier est mort sous mes yeux. L'une des dalles en ciment sur lesquelles l'on se couche est tombée sur lui. Après, il n'y a pas eu d'enquête. Cela s'est passé en début 2013. Il était à la chambre 5 et moi à la chambre 4. Il n'y a qu'une seule toilette là-bas. On a un repas à peu près correct par jour. J'ai fait Rebeuss, camp pénal et la prison de Saint-Louis mais la dernière est la pire de toutes. J'ai fini ma dernière peine à Dakar parce que lors d'un concert à Saint-Louis, j'ai pris le micro et j'ai rappé. J'ai une fois encore dit mes vérités. J'ai été une fois encore transféré et je suis revenu à Dakar. 

Après avoir vécu tout cela, l'on peut espérer que vous ne retournerez plus jamais en prison?

Vous savez,''Au revoir le milieu'' signifie beaucoup de choses. Cet album a une suite. On va l'intituler ''génération perdue'' peut-être. L'album sera composé d'une dizaine de titres. On ne cherche pas d'argent et on va essayer de produire nous-mêmes notre album. Chacun de nous fait parallèlement un travail personnel. Mais l'album ''2 mètres carrés'' va sortir bientôt. On refuse d'être produit par un rappeur. On n'a jamais vu un rappeur produire un de ses collègues qui a pu s'en sortir après. 

BIGUÉ BOB

 
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