Un équilibre précaire

Le rapport d’exécution budgétaire qui, cette fois, a été publié dans les délais impartis par la loi, fait ressortir un bilan globalement satisfaisant pour ce qui concerne la mobilisation des recettes, mais problématique par rapport à l’arbitrage des dépenses. Malgré la difficulté des finances publiques, le gouvernement, qui ne diminue pas son train de vie, préfère couper des investissements.
Le gouvernement a publié hier le rapport trimestriel d’exécution budgétaire (RTEB) qui couvre la période allant de janvier à juin 2025. Le premier constat est que le niveau de mobilisation des recettes croît bien plus vite que celui des dépenses. Et parmi les dépenses, au moment où le fonctionnement grimpe, les investissements ont pour le moins été sacrifiés.
Il ressort, en effet, du document que les recettes du budget général ont été mobilisées à hauteur de 2 226,3 milliards F CFA pour une prévision de 4 668,9 milliards F CFA (base LFR), soit un taux d’exécution d’un peu plus de 50 % au premier semestre.
La première composante concerne les recettes fiscales mobilisées à hauteur de 2 090,4 milliards de F CFA à fin juin 2025, soit 51 % de l’objectif annuel de 4 099,6 milliards F CFA. La deuxième composante est relative aux recettes non fiscales évaluées à 116,6 milliards F CFA, soit 61,3 % de l’objectif annuel.
Recettes fiscales et non fiscales en hausse, dons en chute
Là où le bât blesse, c’est donc au niveau des dons budgétaires réalisés à hauteur de seulement 8 % des prévisions de 241,6 milliards. Il convient de noter à ce propos que ces recouvrements effectués sont constitués exclusivement de dons en capital destinés à financer les projets, pour un montant de 19,3 milliards F CFA.
En ce qui concerne les recettes fiscales, le document fait ressortir une forte mobilisation des impôts directs, recouvrés à hauteur de 913,9 milliards F CFA pour un objectif annuel de 1 515,1 milliards, soit un taux de réalisation de 60,3 %. ‘’Par rapport au premier semestre de l’année 2024, les impôts directs ont enregistré une progression de 115,6 milliards ou +14,5 %’’, indique le document.
Le rapport impute cette performance ‘’à la bonne tenue’’ de certaines catégories d’impôts comme : l’impôt sur les sociétés recouvré pour un montant de 392,3 milliards F CFA, soit un taux de réalisation de 85,9 % par rapport à l’objectif annuel de 456,9 milliards F CFA ; l’impôt sur le revenu mobilisé à hauteur de 410,2 milliards F CFA pour un objectif de 898 milliards F CFA, soit un taux de recouvrement de 45,7 % ; la contribution forfaitaire à la charge de l’employeur réalisée pour 27,4 milliards F CFA sur un objectif de 53 milliards, soit un taux de réalisation de 51,7 % ; l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières et l’impôt sur les capitaux mobiliers (IRVM/IRCM) mobilisés à hauteur de 79,1 milliards F CFA, soit un taux de réalisation 86,2 % par rapport à l’objectif annuel de 91,2 milliards F CFA.
Les impôts indirects réalisés à 40,8 % ; les recettes non fiscales à plus de 60 %
Pour les impôts indirects, ils ont été évalués à 1 074,2 milliards F CFA, représentant 40,8 % de l’objectif annuel de 2 634,2 milliards F CFA. Selon le rapport, les taxes sur les biens et services représentent 77,4 % des impôts indirects et ont atteint 831,1 milliards F CFA à fin juin 2025. Elles sont composées essentiellement de : la TVA à l'importation 342 milliards F CFA (41,1 % du total des TBS) ; TVA hors pétrole 217,3 milliards F CFA (26,1 % du total) ; TVA pétrole : 13,5 milliards F CFA (1,6 % du total) ; taxes spécifiques : 106,4 milliards F CFA (12,8 % du total) ; taxe sur les activités financières : 60,4 milliards F CFA (7,3 % du total) ; taxe sur la consommation hors pétrole 45,3 milliards F CFA (5,4 % du total).
En ce qui concerne les recettes non fiscales recouvrées à la fin du premier semestre, elles sont évaluées à 116,6 milliards F CFA, soit 61,3 % de l’objectif annuel. ‘’Elles sont en hausse de 32,9 milliards F CFA ou 39,3 % par rapport aux réalisations de juin 2024’’, indique le rapport. Cette progression, poursuit la source, est imputable essentiellement à la bonne mobilisation des composantes ci-après : les dividendes et produits financiers 45,6 milliards F CFA ; les recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures 35,4 milliards F CFA ; la redevance radioélectrique 27,6 milliards F CFA ; les revenus des domaines 7,8 milliards F CFA.
Au titre des dons budgétaires, le rapport informe d’emblée qu’il s’agit exclusivement de dons en capital, mobilisés à hauteur de 19,3 milliards F CFA, représentant seulement 8 % des prévisions de 241,6 milliards F CFA. ‘’Cette mobilisation particulièrement faible constitue un point critique dans l'exécution budgétaire et la mobilisation des financements extérieurs’’, relève le document budgétaire.
Parmi les donateurs, on note principalement : la Banque mondiale, le Fonds koweïtien, Invest International (Orio) et l’Agence française de développement (AFD).
Les dépenses exécutées à moins de 45 % dues essentiellement au ralentissement des investissements
Alors que les recettes ont été mobilisées à hauteur de 2 226,3 milliards F CFA, soit 50,4 % des prévisions estimées à 4 668,9 milliards F CFA (base LFR), les dépenses, elles, ont connu un taux de réalisation de 44,2 %.
Selon le rapport, les dépenses budgétaires ont été exécutées à hauteur de 2 814,6 milliards F CFA à fin juin 2025, soit 44,2 % des prévisions de la LFR.
En ce qui concerne les dépenses ordinaires, elles ont été exécutées à hauteur de 2232,7 milliards F CFA, soit 50,4 % des prévisions de la LFR. Elles sont réparties entre les charges financières de la dette publique, les dépenses de personnel, les utilisations de biens et services et les transferts courants.
Relativement aux charges financières de la dette, elles ont été payées à hauteur de 501,1 milliards F CFA, répartis entre la dette extérieure (403,5 milliards F CFA ou 80,5 % du total) et la dette intérieure (97,6 milliards F CFA ou 19,5 % du total). ‘’En glissement annuel, elles ont enregistré une hausse significative de 290,78 milliards F CFA, en lien, principalement, avec la prise en charge de la dette bancaire contractée hors autorisation parlementaire dans l’encours de la dette financière de l’État’’, précise la source.
Les dépenses de personnel et les dépenses de biens et services en hausse
Outre les charges importantes de la dette, le budget de l’État est aussi grevé par des dépenses de personnel non négligeables. Dans le rapport, la masse salariale a été exécutée pour un montant de 724,1 milliards F CFA sur les six premiers mois de l’année, soit 48,7 % des crédits ouverts de la LFR. ‘’Comparativement à la même période de l’année précédente, elle a augmenté de 22,9 milliards F CFA en valeur absolue et 3,3 % en valeur relative’’, note la source. Ce qui signifie que malgré la situation difficile des finances publiques, la masse salariale ne faiblit pas. ‘’L’effectif des agents de l’État payés se chiffre à 188 576 agents à fin juin 2025, dont 183 549 agents permanents constitués de fonctionnaires et non-fonctionnaires et 5 027 contractuels’’, informe le document.
S’agissant des dépenses d’acquisition de biens et services, au 30 juin 2025, elles ont été exécutées (base prise en charge) à hauteur de 162,6 milliards F CFA des crédits ouverts contre 151,9 milliards F CFA un an auparavant, soit une hausse de 10,7 milliards F CFA.
Concernant les transferts courants, ils ont été exécutés pour un montant de 844,9 milliards F CFA à fin juin 2025, soit un taux de réalisation de 57,5 % des prévisions budgétaires. En glissement annuel, ils ont progressé de 203,5 milliards F CFA ou 31,7 %. ‘’Cette croissance s’explique principalement par les subventions à l’énergie qui sont passées de 167,8 milliards F CFA en juin 2024 à 370 milliards F CFA en 2025, soit une hausse de 202,3 milliards F CFA à la suite du paiement de 111 milliards F CFA d’arriérés au titre de la subvention de 2024’’, souligne la source.
Le gouvernement coupe les investissements pour réduire le déficit budgétaire
Comme dans les rapports précédents, il résulte du point semestriel que les investissements restent le parent pauvre dans l’exécution des dépenses de l’État. Selon le RTEB du premier semestre, les dépenses en capital (les investissements publics) sont réalisées à hauteur de 581,9 milliards F CFA à fin juin 2025, soit un niveau d’exécution de 30,1 % par rapport aux prévisions de la LFR.
Pour les dépenses d’investissement financées sur ressources internes, le montant total des crédits exécutés (base prise en charge) est de 186,7 milliards F CFA. Les investissements exécutés par l’État se sont chiffrés à 11,9 milliards F CFA, soit 8 % des prévisions de la LFR. Le gouvernement relativise cependant en indiquant que généralement l’exécution desdites dépenses est plus soutenue au second semestre.
‘’Par exemple, en 2024, le taux d’absorption des crédits ouverts, base prise en charge, est passé de 12 % à fin juin à 73,4 % à fin décembre. Cette situation s’explique par le fait que les travaux financés sont réalisés et réceptionnés durant le second semestre’’ justifie le rapport.
Au terme du premier semestre 2025, ajoute la source, les transferts en capital ont atteint 174,8 milliards F CFA, soit 29,3 % des prévisions de la LFR contre 34,83 % à la même période de l’année précédente (294,6 milliards F CFA).
Pour ce qui concerne les dépenses d’investissement financées par ressources extérieures, à fin juin 2025, le montant total des dépenses s’est situé à 436,6 milliards F CFA. Elles sont financées par des prêts projets pour un montant de 417,4 milliards F CFA et des dons en capital pour 19,2 milliards F CFA.
Le rapport évalue par ailleurs à 395,2 milliards F CFA les dépenses d’investissement réalisées par l’administration centrale. Elles sont financées essentiellement par les prêts pour un montant de 376,1 milliards F CFA.
Un déficit relativement maitrisé au premier semestre
D’après le rapport trimestriel d’exécution budgétaire de juin 2025, le déficit budgétaire a été relativement maitrisé. Il est évalué à 588,3 milliards F CFA sur une cible de 1 695,9 milliards F CFA.
Pour rappel, le besoin de financement global de la LFR 2025 est arrêté à 5 715,6 milliards F CFA. Il est structuré suivant les priorités financières suivantes : déficit budgétaire 1 695,9 milliards F CFA ; amortissement de la dette 3 384,1 milliards F CFA arriérés sur ressources 500,9 milliards F CFA ; emprunts rétrocédés 84,7 milliards F CFA ; opérations extérieures des armées 50 milliards F CFA.
A fin juin 2025, un montant total de 2 247,8 milliards F CFA, soit 39,3 % du besoin annuel, a été mobilisé. Il est réparti comme suit : ‘’Mobilisations sur les marchés bancaires et financiers 1 677 milliards F CFA ; prêts projets auprès de divers partenaires 535,2 milliards F CFA, dont 138,16 milliards destinés à l’apurement des arriérés relatifs aux dépenses financées sur ressources extérieures ; prêts programme (PforR de la BM, la BAD et du FIDA) 20,7 milliards F CFA ; report de soldes de comptes bancaires sur financements extérieurs 14,9 milliards F CFA.’’
Concernant les charges de trésorerie estimées à 4 019,6 milliards F CFA dans la LFR, elles sont prises en charge à hauteur de 1 490,4 milliards F CFA répartis entre l’amortissement de la dette (1 331,2 milliards F CFA), le paiement des arriérés de dépenses financées sur ressources extérieures (138,6 milliards F CFA), les emprunts rétrocédés (14,5 milliards F CFA) et la souscription d’actions (6,1 milliards F CFA) financée par emprunts.
Mor AMAR