60 % des personnes touchées se trouveront en Afrique

La FAO appelle à une action urgente, coordonnée et inclusive pour éliminer la faim dans le monde. Le rapport 2025 sur la nutrition montre que près de 60 % des personnes qui risquent d’être touchées par la faim chronique d’ici à 2030 se trouveront en Afrique.
Établie conjointement par la FAO, le Fonds international de développement agricole (Fida), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme alimentaire mondial (Pam) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’édition 2025 du rapport brosse un tableau sombre de la situation.
Aujourd’hui, 90 millions de personnes de plus qu’en 2020 souffrent de la faim et 100 millions de plus qu’en 2015, année où les Objectifs de développement durable (ODD) ont été proclamés. De plus, quelque 2,3 milliards de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, en 2024.
Outre la faim, selon le rapport, la malnutrition affiche un bilan mitigé. La prévalence des retards de croissance a quelque peu reculé au cours des dix dernières années, mais celle de l’émaciation a stagné. Pire encore, l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est passée de 27,6 % à 30,7 %, et la tendance est à la stagnation ou à la détérioration dans la plupart des régions.
Pendant que des millions de personnes souffrent de la faim, de nombreuses autres consomment à outrance. La prévalence de l’obésité chez l’adulte a augmenté : de 12,1 % en 2012, elle est passée à 15,8 % en 2022, un douloureux rappel du double fardeau de la malnutrition.
Il est essentiel d’améliorer la qualité de l’alimentation. À cet égard, l’édition 2025 du rapport inclut pour la première fois de nouveaux indicateurs de la diversité alimentaire chez les enfants et les femmes, une mesure essentielle pour assurer un meilleur suivi de la cible 2.2 des objectifs de développement durable. Les constatations sont alarmantes : seul un tiers des enfants âgés de 6 à 23 mois et deux tiers des femmes âgées de 15 à 49 ans atteignent le seuil de diversité alimentaire minimale.
Néanmoins, l’édition 2025 du rapport révèle un recul modeste de la faim dans le monde, puisque la part de personnes souffrant de la faim a diminué, passant de 8,5 % en 2023 à 8,2 % en 2024.
Toutefois, le pourcentage mondial masque de fortes disparités régionales. Si l’Asie et l’Amérique latine ont connu des progrès encourageants, la faim continue d’empirer en Afrique où 307 millions de personnes – soit 20 % de la population – sont en situation d’insécurité alimentaire. D’après les projections, près de 60 % des personnes qui risquent d’être touchées par la faim chronique d’ici à 2030 se trouveront en Afrique.
Les estimations sombres du rapport pour 2030
Le directeur général de la FAO, Qu Dongyu, qui a pris la parole hier lors de la présentation officielle du rapport intitulé ‘’L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2025’’, a affirmé que le monde devait agir avec plus d’empressement et dans un plus grand souci d’inclusion, afin que les progrès dans la lutte contre la faim et la malnutrition soient plus homogènes.
Cette année, la présentation officielle du rapport s’est tenue dans la capitale de l’Éthiopie, Addis-Abeba – une première sur le continent africain. Il s’agit d’un choix approprié et symbolique, car l’Afrique reste en première ligne de la crise alimentaire mondiale.
Ainsi, bien que la faim ait reculé à l’échelle mondiale depuis le pic enregistré en 2022, les effets des crises cumulées qui se sont manifestés ces dernières années se font encore sentir. ‘’Le relèvement doit être inclusif : nous ne pouvons accepter un avenir dans lequel des régions entières seraient laissées de côté’’, a déclaré M. Qu. ‘’Savoir, c’est pouvoir. Le rapport présenté aujourd’hui nous donne matière à réfléchir, mais aussi les moyens d’agir. Les crises concomitantes, comme les conflits, les chocs climatiques, l’inflation et les déplacements, mettent au jour la profonde fragilité de nos systèmes alimentaires et il en ressort un message clair : la coopération doit remplacer le conflit’’, a relevé la vice-secrétaire générale de l’ONU, Amina J. Mohammed.
Ce qu’il y a lieu de faire
Pour M. Qu, il y a lieu de tout faire – et bien plus – pour que chacun, en particulier les femmes et les enfants, ait accès à une alimentation nutritive et variée.
Une alimentation saine, selon le rapport, devrait également être abordable, compte tenu du fait que 2,6 milliards de personnes n’avaient toujours pas les moyens de manger sainement en 2024. Dans ce contexte, l’édition 2025 du rapport est en partie axée sur l’inflation du prix des aliments et contient une analyse des causes et conséquences de ce phénomène ainsi que des mesures stratégiques permettant d’y remédier.
Depuis 2020, l’inflation du prix des aliments est systématiquement supérieure à l’inflation globale, ce qui révèle les points de vulnérabilité propres aux systèmes agroalimentaires et souligne qu’il faut d’urgence accorder la priorité aux politiques alimentaires dans le cadre de la planification macroéconomique.
CHEIKH THIAM