Quand Me Wade enfonce Sindiély
La troisième édition du Festival mondial des arts nègres (FESMAN) n'en finit pas de parler de lui, malgré la volonté affichée par le président sortant d'enterrer le débat. EnQuête a pu prendre connaissance de documents prouvant de façon indubitable que 74 milliards de francs Cfa sont inscrits dans les livres du Ministère du Trésor. Compte non pris des participations de pays amis du Sénégal qui ont cotisé avant et même après l’événement culturel. Et 43 milliards Cfa ont pu être ‘’injectés’’ dans l’événement grâce à des décrets directement pris par le chef de l’État. Un vrai scandale financier.
En conférence de presse vendredi, Me Abdoulaye Wade avait déclaré que dans le cadre de la troisième édition du Festival mondial des arts nègres (FESMAN), sa fille Sindiély n'avait eu à gérer ''que 200 millions offerts par Bongo''. Et que celle-ci ''a un dossier avec toutes les factures des dépenses faites pendant le Fesman''. Mais EnQuête est en mesure de dire que cette manifestation a été une vraie orgie financière orchestrée de main de maître par Wade lui-même.
En effet, le récapitulatif des budgets inscrits dans les lois de finances fixe un total de 33 milliards de francs Cfa prévus pour la tenue de la troisième édition du FESMAN. Ce pactole est éclaté sur trois ans. Ainsi, 5 milliards de francs Cfa ont pu être décaissés en 2008 ; 10 milliards en 2009, 18 milliards en 2010. Mais ce n'est là que l'arbre qui cache la forêt ou la poudre qui empêche de voir la réalité. Car, entre les sommes prévues au départ et ce qui a été décaissé réellement, le fossé est immense. Avec ce que les techniciens des finances appellent des ‘’actes modificatifs’’ et ‘’autorisations d'engagements’’, on grimpe très rapidement sur l'échelle à milliards.
74 174 949 698 de francs Cfa inscrits dans les livres du Trésor
Aussi, peut-on voir dans le tableau récapitulatif ouvert au niveau du Trésor public, que la participation de l’État au FESMAN 3, est d'un montant de 74 174 949 698 de francs Cfa sur la période 2008-2011. Nos sources qui ont pris connaissance des documents assurent que ‘’ces subventions de l’État accordées à la Délégation du FESMAN ne prennent pas en compte les autres ressources collectées à travers d’autres mécanismes comme le ‘’don’’. Ces sommes ont été décaissées grâce à la procédure prévue par la chaîne des dépenses qui intègre l’ouverture d’un compte, l’approbation du ministre de la Culture qui fait l’engagement de crédit, celle du Directeur général de la Comptabilité publique qui valide en même que la Délégation générale du FESMAN. Ce sont ces opérations comptabilisées dans les livres des Finances qui s’élèvent à 74 174 949 698 de francs Cfa.
Le Président Wade pompe 43 milliards grâce à des décrets d’avance
Pour atteindre ce plafond, il a fallu utiliser les subtilités qu'offre la loi, en abusant précisément des décrets d'avance. Les décrets d’avance permettent au gouvernement de majorer les crédits limitatifs et d'en ouvrir, sans demander l'autorisation du Parlement, qui les ratifie a posteriori au travers d’une loi de finance rectificative. Ces décrets sont généralement pris pour des cas supposés dictés par l'urgence.
Comme nous le révélions, 8 milliards de francs Cfa provenant de la défunte taxe sur les appels entrants ont pu être affectés à la Délégation générale du FESMAN, il reste que ceci n’est qu’une goutte d’eau par rapport à ce qui va suivre en 2011. Ainsi, si dans la loi de finances initiale de 2011, rien n’a été prévu dans le cadre du budget pour financer les activités du FESMAN qui avait baissé rideau le 31 décembre 2010, il reste que le Président Wade trouvera les moyens de signer deux décrets d’avance. Le premier décret d’avance, référencé 2011-258 du 21 février 2011 est de 20 milliards de francs Cfa. Il fait suite à l’accord du président de la République de prélever cette somme sur divers projets pour le financement du FESMAN. Mais le décret d’avance le plus problématique du point de vue des montages financiers qu’il implique, c’est celui portant les références N°2011-2049 du 26 décembre 2011. Les sommes impliquées sont de 15 milliards de francs Cfa. Il fait suite à la demande du Président Wade de proposer un ‘’arrangement financier’’, selon les termes utilisés par nos sources, pour la clôture des opérations du Fesman. Il faut d’ailleurs préciser que ce décret d’avance qui a été approuvé le 26 décembre 2011 seulement, va passer à l’Assemblée nationale cette année, pour y être ratifié, n’ayant pas pu l’être car la seconde loi de finances rectificatives 2011 a été soumise au Parlement avant la signature du fameux décret.
MAMOUDOU WANE &
BACHIR FOFANA