Ces défis qui bloquent le progrès de l’Afrique
Pour mieux intégrer la finance responsable et la durabilité dans leurs politiques, les entreprises africaines devraient définir les différentes failles de leur culture de soutenabilité. C’est ce qu’a suggéré la conseillère nigériane auprès des institutions du secteur public et des décideurs politiques, Dr Ndidi Nnoli-Edozien, lors d’un webinaire sur le sujet.
L’intégration de la finance responsable et de la notion de durabilité reste un challenge, pour la plupart des entreprises africaines. Pour échanger autour de ces challenges, un webinaire a été organisé, sur le thème ‘’Finance responsable et durabilité : prêter et investir en tenant compte des impacts environnementaux et sociaux’’. Intervenant à cette occasion, la chercheure nigériane, Dr Ndidi Nnoli-Edozien, a relevé qu’en Afrique, il y a toujours cette peur de faire des suivis de la mise en œuvre des programmes. ‘’Sinon, l’Afrique serait en tête de file.
Très souvent, nous ne sommes pas très bons avec la conformité. Parce que nos lois, du moins avec les grandes banques, sont copiées de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous ne faisons pas allusion à la performance, à la transparence, à la redevabilité autant qu’on l’aurait bien voulu. Nous avons une bonne capacité d’innovation, une bonne sensibilisation par rapport à l’impact, des valeurs sociales très essentielles. Sur le plan social et économique, nous pensons que sans la communauté, nous ne sommes rien et ce sont des valeurs qui sont intuitives en nous’’, note-t-elle.
Pour le Dr Nnoli-Edozien, qui est par ailleurs entrepreneure et conseillère auprès des institutions du secteur public et des décideurs politiques, les Africains n’ont pas ‘’pu incorporer’’ ces notions au niveau corporate et les transformer en données et méthodologies. ‘’Nous devons définir les différentes failles de notre culture de soutenabilité. Parce que nous devons avoir accès aux capitaux, mettre en place plusieurs normes, définir notre culture dans nos termes généraux et définir aussi notre impact. Et, en même temps, prioriser et favoriser la connaissance des clients pour opérationnaliser notre culture et créer l’impact social. En tant que compagnies africaines, ce qui est vraiment essentiel, c’est que nous devons revenir à notre passé, apprendre de notre sagesse passée et maitriser les risques futurs. Parce que personne d’autre ne peut nous dire ce qu’est le risque, où nous opérons et où nous nous trouvons’’, suggère la responsable de la durabilité et de la gouvernance de Dangote.
Le Dr Ndidi Nnoli-Edozien affirme qu’en tant qu’Africains, ils comprennent ce risque ‘’mieux que personne’’. ‘’Et il est grand temps que nous puissions nous mettre à la table, parler de la même norme pour analyser la durabilité, pas seulement de la perspective risque, mais aussi de celle de l’impact, afin que l’Afrique puisse considérer la durabilité pas seulement comme une responsabilité sociétale d’entreprise (RSE), mais plutôt la manière dont un business devrait être conçu, passer à l’échelle et avoir un impact’’, défend-elle.
59 000 milliards de dollars en actifs cumulés avec l’Initiative PRI des UN
Pour sa part, la chargée des programmes d’assistance en microfinance en dehors de l’Europe de la Banque européenne d'investissement (BEI) a souligné que depuis son lancement en 2006, le programme des Nations Unies qui promeut des programmes d’investissements responsables, a eu plus de 3 000 signataires provenant de plus de 60 pays. Et presque 230 banques ont signé des principes de financement responsables de l’Initiative PRI (Principes pour l’investissement responsable) qui représentent 59 000 milliards de dollars en actifs cumulés. ‘’Ces principes constituent un cadre uni pour garantir que la stratégie et la pratique des banques signataires s’alignent sur la vision que la société a définie dans les ODD et l’Accord de Paris sur le changement climatique. Dans le secteur de la microfinance, depuis la création des Normes universelles de gestion de la performance sociale en 2012, plus de 781 audits sociaux et environnementaux ont été effectués dans le monde, dont 247 en Afrique subsaharienne’’, informe Emma-Jayne Paul.
Malgré cette hausse de l’intérêt accordé aux questions environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise (ESG), cette membre de l’Unité des services financiers inclusifs de la BEI signale qu’il reste néanmoins ‘’un long chemin à parcourir’’. ‘’Bien que de nombreuses banques déclarent travailler pour l’intégration de la durabilité, des études récentes démontrent que cela ne reflète pas toujours leurs stratégies, leur gouvernance et politiques. Il reste encore beaucoup à faire pour que le facteur ESG soit réellement intégré dans le cadre de la gestion de risques des banques dans le monde entier. La pandémie de la Covid montre la fragilité de notre relation avec la nature et la pression immense que nous infligeons à notre planète. En 2020, la perte économique due aux catastrophes naturelles dans le monde s’élevait à environ 268 milliards de dollars. Donc, il est temps d’agir’’, renchérit-elle.
Emma-Jayne Paul rappelle ainsi que l’adoption de l’Agenda 2030 pour les 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, de l’Accord de Paris sur le changement climatique en 2015 ont marqué une évolution majeure des comportements dans le monde vis-à-vis du changement climatique et du développement durable. Des objectifs climatiques concrets ont été fixés et il est devenu évident, pour elle, que les flux financiers devraient être réorientés vers des projets durables pointant ses objectifs climatiques.
Par rapport à la notion de finance responsable et durable, elle indique qu’elle fait référence, d’après la Commission européenne, au processus de prise en compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance, lors de la prise de décisions d’investissement. ‘’Ce qui se traduit par une hausse des investissements dans les activités à plus long terme et durables dont les considérations environnementales à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à celui-ci, ainsi qu’à l’environnement de manière générale. Il s’agit de la préservation de la biodiversité, de la promotion de la pollution et l’économie circulaire. Pour les considérations sociales, elles font référence aux problèmes d’inégalités, d’insertion, de relations professionnelles, d’investissement dans le capital humain et les communautés, ainsi qu’aux questions relatives aux Droits de l’homme’’, précise-t-elle.
D’après la chargée des programmes d’assistance en microfinance en dehors de l’Europe de la BEI, les considérations environnementales et sociales sont souvent ‘’étroitement liées’’. Parce que le changement climatique peut exacerber les systèmes d’inégalités existants. ‘’La gouvernance des institutions publiques et privées y compris les structures de gestion, les relations avec les salariés et la rémunération des dirigeants jouent un rôle fondamental. La finance durable et responsable est définie comme un financement destiné à soutenir la croissance économique, mais tout en réduisant les pressions sur l’environnement et en tenant compte des aspects sociaux et de gouvernance. Elle englobe également la transparence, les facteurs susceptibles d’avoir un impact sur le système financier, l’atténuation de ces risques face à la gouvernance appropriée des acteurs financiers et des entreprises’’, dit Mme Paul.
MARIAMA DIEME