Publié le 15 Mar 2023 - 00:32
GUERRE DE POSITIONNEMENT

Vers deux plateformes de l’opposition

 

À moins de 12 mois de l’élection présidentielle de 2024, l’espace politique sénégalais est dans tous ses états. Au-delà des tournées et autres activités d’animation des différentes entités en compétition, c’est l’heure des tractations pour bâtir de grands ensembles.

 

Une élection présidentielle ne se gagne pas seule. Cette maxime est devenue bien ancrée dans les mœurs politiques au Sénégal, depuis les années 2000. À l’approche de chaque échéance, les tractations s’emballent. Les ensembles se nouant et se dénouant. Pour la Présidentielle de 2024, une des formations les plus courtisées demeure le Parti démocratique sénégalais (PDS). Objet de tous les fantasmes, le parti d’Abdoulaye Wade n’a eu de cesse de clamer son ancrage dans l’opposition. Mais certains continuent de le soupçonner d’être en même temps en négociation avec le régime en place.

Interpellée, Nafissatou Diallo, Secrétaire nationale à la Communication du PDS, préfère plutôt en rigoler. ‘’Vraiment, les Sénégalais doivent se lasser de cette accusation, maintenant. Depuis 2012, on nous dit qu’on négocie. Et c’est des gens de l’opposition qui le disent, pas ceux du pouvoir qui n’ont jamais ignoré que nous leur avons toujours fait face. Madame Aminata Touré est très bien placée pour le savoir. Je dois rappeler que pendant longtemps, nous étions seuls dans ce combat, alors que la plupart de ceux qui nous accusent étaient dans la majorité. Comment un parti qui a résisté de 2012 à 2023 va-t-il rejoindre ce pouvoir finissant, à moins d’un an de l’élection ? Cela n’a pas de sens et il faut que les gens utilisent leur cerveau’’, fulmine-t-elle.

En réalité, croit savoir la ‘’karimiste’’, ceux qui tiennent de tels discours ont en fait peur du PDS, ‘’parce qu’ils connaissent (sa) puissance’’. ‘’Voilà un parti qui n’a aucun leader sur place, qui n’a presque qu’un seul allié qu’est le CRD et qui arrive à faire les scores qu’il fait : 455 000 voix, pour ne prendre que les Locales, quand nous étions presque seuls, face à des coalitions qui font plus de 30 ou 80 pour Benno Bokk Yaakaar. Voilà de quoi certains ont peur et tentent de nous dénigrer. Ils perdent leur temps parce que les Sénégalais sont intelligents. Depuis le temps qu’on leur dit que le PDS négocie, personne n’a vu le parti rejoindre le pouvoir ou entrer dans un gouvernement. Ceux qui ont négocié sont allés rejoindre, nous, nous continuons notre combat à notre manière’’.

 Et comme pour faire un pied de nez à leurs détracteurs, elle peste : ‘’Je l’avais dit et je le répète : si on avait jugé utile de rejoindre Macky Sall, on aurait fait une conférence de presse avec Abdoulaye Wade devant et on va l’annoncer publiquement aux Sénégalais. Personne n’y pourrait quoi que ce soit. Les Sénégalais le savent : le PDS est un parti qui assume et qui s’assume.’’

Mais pourquoi alors le parti ne rejoindrait-il pas la plateforme de l’opposition initiée par Yewwi Askan Wi, s’il est en train de mener la lutte contre le pouvoir ? C’est la question qui taraude nombre de Sénégalais. Même si elle n’écarte pas l’hypothèse de faire cause commune dans la même plateforme avec Yewwi, la voix du PDS insiste sur la condition préalable. À savoir que Mimi ne soit pas à la table. À la question de savoir si les lignes ont bougé depuis le dernier communiqué, Nafi Diallo se veut catégorique. ‘’Nous en sommes au même point.

Nous n’avons en tout cas jamais été aussi fermes. Il est hors de question de se mettre ensemble avec quelqu’un qui, toute sa vie, s’est acharné sur nous, sur notre candidat ; quelqu’un qui dit que Karim ne peut pas participer à l’élection. Elle est allée jusqu’à dire que Khalifa peut participer, mais Karim non. Cela ne fait que prouver ce que tout le monde savait et nous conforte. On ne peut pas être tributaire des tentatives de mise à mort de l’opposition pendant 11 ans  et se lever un jour comme si de rien n’était se réclamer membre de cette opposition. Elle est complice de tout ce qui a été fait. Nous ne saurions lui faire confiance’’.

Le PDS, objet de toutes les convoitises, tente de jouer son va-tout

S’il n’est ni de Benno et refuse de se mettre dans une plateforme de l’opposition où Mimi serait membre, les libéraux ne prennent-ils pas le risque d’être davantage isolés ? Nafi Diallo botte en touche. ‘’Au cas où cette plateforme n’aboutirait pas, nous allons mettre en place une plateforme avec des gens qui partagent avec nous le même idéal. Déjà, on est en discussion avec des partis dans cette perspective. C’est aussi ça la démocratie. Ils sont libres de travailler avec qui ils veulent. Nous aussi avons le droit d’y aller avec ceux avec qui on peut travailler’’.

En tout cas, chez les partisans d’Aminata Touré, il n’y a plus aucun doute. Le PDS torpille la dynamique unitaire de l’opposition, parce qu’il fait les yeux doux à Macky Sall. Dans une tribune, le proche de Mimi, Bassirou Dieng, porte la réplique : ‘’Vous (PDS) acceptez de flirter honteusement avec Macky, mais vous refusez de partager avec Mme Aminata Touré la même plateforme de lutte contre le 3e mandat… Les Sénégalais, dans leur écrasante majorité, savent en âme et conscience que le PDS est dans l’opposition sans être dans l’opposition. Chaque fois que l’opposition a besoin d’eux pour affaiblir davantage leur bienfaiteur Macky Sall, ils cherchent vaille que vaille à trouver des prétextes absurdes et dénués de tous fondements, pour permettre à Macky Sall d’avoir une marge de manœuvre.’’

Dans sa tribune, le jeune leader invoque l’attitude des libéraux lors du vote de la motion de censure contre le gouvernement, la déchéance de son leader Aminata Touré, entre autres actes.

Interpellée sur la position du PDS sur la question du 3e mandat, Nafi Diallo dénonce une mauvaise foi de ceux qui essaient de faire leur procès. Pour elle, la position du PDS ne fait l’ombre d’aucun doute. ‘’Nous sommes foncièrement contre une troisième candidature. Maintenant, la vie ne se limite pas à cette question, d’autant plus que le concerné lui-même n’a encore rien dit. Pour nous, les combats prioritaires, en ce moment, c’est de faire en sorte que tous les candidats puissent participer, que le parrainage qui exclut de façon unilatérale soit revu, qu’il y ait un ministre de l’Intérieur consensuel, qu’il y ait un audit du fichier électoral. Voilà les vrais combats de l’heure. Contrairement à ce que tentent de faire véhiculer les néo-opposants qui ne savent rien des préoccupations véritables de l’opposition’’.

Mor AMAR

 

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