Nous perdons une de nos icônes
J’ai appris, avec une grande surprise , mais surtout avec une infinie tristesse, le décès, ce samedi 28/08/21 , en début de soirée, de notre éminent confrère ALIOUNE BADARA CISSÉ .
Comme souvent , en pareille occurrence, j’ai commencé par le déni , le refus de l’évidence, de l’inéluctable.
Force devant rester à la loi divine, j’ai dû me résigner à accepter la nouvelle .
Le Barreau du Sénégal qui a commencé et poursuivi l’année 2021 dans et par le deuil , avec la disparition d’emblématiques confrères tels que Me Mamadou WANE ( 1er janvier ) Oumar DIALLO ( 25 janvier ) Serigne Khassim TOURÉ ( 1er février) , le Bâtonnier Alioune Badara FALL ( 3 mars ) , le Bâtonnier Ely Ousmane SARR ( 23 juin ) , Abdoulaye DIALLO ( 17 juillet ) , Illam NIANG ( 23 août) voit , une nouvelle fois ses rangs s’éclaircir.
Me AlIOUNE BADARA CISSÉ est donc parti .
De celui que l’on appelait familièrement ABC, j’ai d’abord retenu un juriste au CV tellement impressionnant que d’aucuns le comparaient à celui de cet autre illustre confrère - Me Wade pour ne pas le nommer - que l’on disait « le plus diplômé de Casa au Cap >> .
J’ai d’abord fait la connaissance de l’expert judiciaire, souvent désigné dans des missions d’évaluation et de séquestre par le Tribunal Départemental ( actuel tribunal d’instance ) hors classe de Dakar .
Vint ensuite l’avocat qui s’était déjà tellement entiché de la politique qu’il fut désigné en qualité d’expert par le PDS ,pour participer à la Table Ronde Nationale de 1988 , ouverte dans le cadre de ce qu’il était convenu d’appeler la décrispation post-électorale .
Je puis témoigner de ce que les efforts de son homonyme , feu le Bâtonnier Alioune Badara Sène , pour l’éloigner de la politique au moyen de deux séjours académiques en France , puis aux États-Unis, sont restés vains .
Le second, qui a duré plusieurs années, lui a permis de rallonger ce cv qui faisait déjà se pâmer d’envie beaucoup d’entre nous .
Grâce à un certain talent, voire un talent certain , ABC a donc mené de front et avec succès, une carrière d’avocat et une carrière politique.
Il fut tour à tour, dans le désordre, conseiller municipal, directeur de cabinet , conseiller à la primature , ministre , secrétaire général du gouvernement .
Il accepta, en 2015 , d’endosser une tunique tout à fait seyante pour lui, celle de Médiateur de la République.
Il fut donc souvent contraint de demander à être omis du tableau de l’Ordre des avocats, puis joyeux et pétillant d’envie de retrouver ce barreau qui est sa maison, à la fin de chacune de ses missions .
À mon grand regret, qui est aussi celui des membres de notre barreau, il ne rentrera plus au bercail et ne demandera plus sa réinscription sur notre tableau.
Brillant orateur, il savait capter et convaincre les auditoires dans et hors les prétoires.
Lettré et éclectique, doué d’un grand talent d’écriture, il savait aussi triompher par la plume .
Tout cela nous manquera, tout comme nous manqueront sa bonne humeur communicative, ses bons mots pour nous dérider, son exquise et urbaine courtoisie, son élégance très saint-louisienne .
L’année 2021, plus que sa devancière 2020, sera une « annus horribilis >> pour le Barreau du Sénégal qui reste toutefois ancré dans sa foi, sa dignité, ses règles et ses convictions.
Nous avons déjà perdu les éminents confrères dont la liste s’égrène plus haut .
Avec la disparition d’ABC, nous perdons une de nos icônes.
Puisse Dieu le Tout-puissant lui faire une place au paradis et nous donner à tous, le courage de passer l’épreuve.
Mes condoléances s’adressent à chacune et chacun des membres de notre barreau, à la umma islamique et à la confrérie mouride dont il était un membre éminent, à la nation toute entière.
Elles s’adressent d’abord et surtout à sa famille .
J’ai , à ce sujet , une pensée émue pour ses enfants et surtout, pour son épouse Néné Diané Ndao , avec qui j’ai eu le privilège de fréquenter les amphithéâtres de l’Université de Dakar .
RESQUIESCAT IN PACE , ABC
Me Papa Laïty Ndiaye
Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Sénégal