L’affaire s’est passée à des milliers de kilomètres du Sénégal. Mais le retentissement sismique a intéressé tous les Sénégalais, d’ici et de la diaspora. Un conducteur de bus italo-sénégalais, Ousseynou Sy, qui était censé emmener les écoliers du collège Vailati de Crémone (Lombardie, nord de l’Italie) à un gymnase de San Donato, s’est plutôt livré à un acte pyromane sur le véhicule. Agé de 46 ans, il a été arrêté hier par les carabiniers, la police italienne, après avoir aspergé d’essence l’autobus qu’il conduisait - avec un écolier à bord - etmis le feu. Les 51 enfants qui s’y trouvaient et deux professeurs ont réussi à s'échapper du véhicule, avant que les carabiniers ne donnent finalement l’assaut. 

Plus de peur que de mal, aucune victime humaine à déplorer, mais douze enfants et ainsi que les deux professeurs sont à l’hôpital, à cause d’une forte inhalation de fumée. Ousseynou Syest quant à lui admis à l’hôpital Niguarda de Milan, victime de légères brûlures. Raison pourlaquelle le procureur Luca Poniz, coordonnateur des enquêtes, n’avait pu l’interroger hier. Le récit de la chaine publique italienne, la Rai, fait froid au dos.

Selon elle, la première reconstitution des faits indique que le conducteur a détourné le véhicule transportant ces écoliers de deux classes du collège Vailati pour aller au gymnase, eta annoncé qu’il voulait se tuer, en invoquant les victimes de la migration irrégulière comme prétexte. ‘‘Je veux y mettre fin. Les morts en Méditerranée doivent être arrêtés’’, aurait-il déclaré.

C’est l’un des garçons qui a sonné l’alarme et déclenché l’intervention des carabiniers qui a permis de bloquer l’homme et d’éviter un massacre. Pendant le trajet, ce conducteur, en service depuis 2004 à la société Autoguidovie, s’est écarté de la route, puis aurait changé de cap, selon les témoignages. S’adressant aux élèves en brandissant un couteau, il aurait dit : ‘‘Allons à Linate. Personne ne vient plus ici (à San Donato).’’  À ce moment-là, l’un des élèves à bord a appelé ses parents avec son portable, qui, à leur tour, ont alerté la police. Immédiatement, une série de points de contrôle a été érigée. Le ‘‘carjacking’’ a été stoppé par trois patrouilles des carabiniers. Le véhicule de Sy ne s’est pas arrêté et a percuté une voiture, puis a heurté deux autres ‘‘sans causer de blessures’’, a expliqué le commandant provincial des carabiniers, Luca De Marchis, qui a parlé d’une ‘‘intervention brève, mais très tumultueuse’’.

Le bus scolaire a alors ralenti, avant de s’immobiliser. C’est à ce moment que le conducteur a aspergé d’essence sa voiture et a mis le feu avec un briquet, rapporte la Rai. Les forces de l’ordre ont réussi à sauver écoliers et professeurs en entrant par la porte arrière et en cassant les vitres. 

Matteo Salvini s’engouffre dans la brèche

Ousseynou Sy, marié et séparé avec une Italienne, avec deux enfants âgés de 12 et 18 ans, a été en délicatesse avec la justice italienne, entre 2007 et 2011. Pour le procureur de Milan, Francesco Greco, la piste d’un acte extrémiste n’est pas à exclure. ‘‘Nous évaluons toutes les hypothèses, y compris celle du terrorisme’’, a expliqué le procureur à propos de l’assaut du bus hier matin. 

Mais c’est surtout le ministre de l’Intérieur et vice-président du Conseil, Matteo Salvini, connu pour ses positions anti-immigration, qui en a profité pour accabler O.Sy. ‘‘Je veux bien savoir pourquoi il conduisait un bus de transport pour enfants. Un Sénégalais, de nationalité italienne, au volant d'un autobus scolaire et qui avait des précédents de conduite en état d'ébriété et d'abus sexuels, a détourné le véhicule et l'a incendié. C'est arrivé dans la province de Milan. L'homme a été arrêté. Cette fois, les forces de l’ordre sont en train de perquisitionner son domicile. Je veux bien voir : pourquoi une personne ayant des antécédents similaires a-t-elle conduit un bus pour transporter des enfants ?’’, s’est offusqué M. Salvini, rapporte le ministère italien de l’Intérieur, qui évoque la possibilité de retrait de la nationalité italienne à M. Sy.

Ce dernier, d’après les témoignages, a constamment rejeté la faute sur le ministre et sa politique anti-migratoire ayant causé la mort de milliers de jeunes Africains dans la Méditerranée.  

(Ousmane Laye Diop Avec la Rai)