Les défenseurs de Cheikh Amar envoyés en prison
Le tribunal des flagrants délits de Dakar a condamné, hier, Ousmane Seck alias ‘’Bouba’’ et ses co-prévenus à 6 mois dont un mois de prison ferme. Ce, pour injures non publiques, calomnies et menaces de mort au préjudice du patron de ‘’Dakaractu’’, Serigne Diagne.
Le mercredi 11 octobre dernier, le site d’information ‘’Dakaractu’’ avait publié un article intitulé : ‘’La CREI sur la piste d’une supposée rétro-commission de 12 milliards versée à Cheikh Amar.’’ Des photocopies de chèques libellés à l’ordre des sociétés TSE Afrique et Sénégal Business Développement appartenant à l’homme d’affaires ont accompagné ledit article. Aussitôt après cette publication, le directeur de publication du site a commencé à recevoir des menaces de mort.
Serigne Diagne a expliqué avoir reçu des appels téléphoniques dont le premier est celui du frère de Cheikh Amar, Modou Mamour Amar. Le plaignant de soutenir qu’au bout du fil, son correspondant lui a abreuvé d’injures et d’insanités. Pis, il a avancé que le sieur Amar a menacé de mettre fin à ses jours en ces termes : ‘’Si Cheikh Amar va en prison, je te promets de te tuer.’’ Serigne Diagne va recevoir un deuxième appel téléphonique. Cette fois-ci, son interlocuteur s’est présenté sous le pseudonyme de ‘’Bouba’’. Ce dernier est allé jusqu’à lui promettre l’enfer tout en le taxant de journaliste ‘’corrompu’’. Un autre, du nom de Magaye, a également proféré des menaces et injurié l’administrateur de ‘’Dakaractu’’. Le dernier à contacter Serigne Diagne est ‘’Délégué’’. Et c’était pour lui dire de prendre au sérieux les menaces de mort que lui et ses camarades lui ont adressées. Parce qu’ils vont les mettre à exécution, si toutefois il continue à s’acharner sur leur patron.
Selon ‘’Délégué’’, le site commençait à nuire gravement aux intérêts de Cheikh Amar. ‘’Lorsqu’ils m’ont appelé, j’étais avec mon confrère Daouda Thiam. Je leur ai signalé que je les enregistrais. Là, Modou Mamour Amar a fait une vidéo pour me dire qu’il est capable de faire tout pour Cheikh Amar. La discussion a duré 5 minutes 12 secondes. Je pense que c’est à Cheikh Amar de porter plainte contre moi s’il s’est senti diffamé, quand j’ai écrit qu’il ira en prison’’, a laissé entendre le patron de ‘’Dakaractu’’.
La partie civile : ‘’La vie de Serigne Diagne est en danger’’
Muni des enregistrements téléphoniques, Serigne Diagne n’a pas perdu de temps pour ester en justice contre les employés du boss de TSE. Ainsi, Modou Amar, Ousmane Seck alias ‘’Bouba’’, Magaye Guèye et ‘’Délégué’’ ont été poursuivis pour injures non publiques, calomnies et menaces de mort. Hier, leur procès s’est tenu devant le tribunal des flagrants délits de Dakar, à l’exception de ‘’Délégué’’ qui est resté introuvable depuis le début de l’enquête.
Pour les conseils de la partie civile, la matérialité des faits ne souffre d'aucune question, car des menaces et des injures ont été proférées à l'encontre de Diagne via un numéro de téléphone identifié. Mes Mamadou Guèye Mbow, Serigne Diongue et Ousseynou Gaye ont argué que les voix de l’enregistrement correspondent à celles des prévenus. Mieux, les enquêteurs ont composé le numéro de Modou Mamour Amar et immédiatement il est apparu sur le téléphone portable de Bouba. Me Gaye de lancer : ‘’Le zircon rapporte et avant même que la société ne s’implante, 12 milliards de nos francs sont partis. Et on veut que personne n’en parle. Les responsables ont préféré prendre des nervis pour faire le sale boulot. La culpabilité des prévenus n’est pas contestée.’’ En sus, les avocats ont réclamé le franc symbolique. Non sans souligner que la vie de Serigne Diagne est en danger.
Pourtant, au cours des débats d’audience, Bouba, déjà condamné pour outrage à agent, a d’emblée déclaré : ‘’C’est la troisième fois que je vois Serigne Diagne. Une fois, il était venu chez Cheikh Amar avec une photo du défunt fils de ce dernier qui tenait une bouteille de champagne. Il voulait le faire chanter et il lui a réclamé 5 millions de francs CFA. Tout le monde était furieux contre lui. Mbaye Kane Lô voulait même le bastonner.’’ Avant de venir aux faits : ‘’Je ne suis pas l’auteur des propos qu’on m’impute. J’ai écouté l’enregistrement, mais ce n’est pas moi. Je ne parle pas français, car je suis un analphabète. Peut-être, il a modifié la voix. Modou Amar est proche de Cheikh Amar, mais je ne le connais pas. Et c’est valable pour mes autres co-prévenus.’’
Le chauffeur Magaye Guèye a affirmé avoir été mis au courant de cette affaire relative à une probable convocation de l’homme d’affaires devant la Cour de répression de l’enrichissement illite (CREI) à travers les médias. Qu’il est étranger aux faits. ‘’Ce n’est pas ma voix. Le jour des faits, j’étais chez un mécanicien pour la réparation d’un des véhicules tombé en panne’’, a-t-il avancé.
La défense : ‘’C’est Cheikh Amar qu’on cherche et ce n’est pas comme ça qu’on peut l’ébranler’’
Invité à faire son réquisitoire, le parquet a indiqué que les faits sont graves et 3 personnes ont eu à se relayer sur un téléphone pour insulter et menacer une personne. Ils sont tous employés par Cheikh Amara et ils étaient tous aux Almadies le jour des faits. Sur ce, il a requis 3 mois d’emprisonnement contre Bouba et Cie.
Une demande qui a fait sortir de leurs gonds des conseils de la défense. Selon Me Aboubacry Barro, c’est inadmissible qu’un journaliste puisse s’ériger en juge ou en policier. ‘’Qui êtes-vous pour dire que Cheikh Amar ira en prison ? De plus, le numéro de l’appelant n'est pas identifié au nom d’un de nos clients. Même l'enregistrement sonore ne nous renseigne sur rien du tout’’, a-t-il déclaré. Un de ses confrères lance à l’endroit du juge : ‘’A vrai dire, c’est le procès de Cheikh Amar qu’on veut nous faire. Est-ce que vous êtes sûrs que les voix que vous avez entendues sont celles des prévenus ? Accepterez-vous de condamner ces gens-là sur la base de simples accusations ?’’
Me El Hadj Diouf d’abonder dans le même sens : ‘’C’est Cheikh Amar qu’on cherche et ce n’est pas comme ça qu’on peut l’ébranler.’’ Dernier à plaider, Me Ciré Clédor Ly a demandé au tribunal de relaxer purement et simplement les prévenus et de débouter la partie civile de sa demande. En vain. Car le juge, rendant sa décision, a prononcé une peine de 6 mois dont un mois de prison ferme contre les employés de Cheikh Amar.
AWA FAYE