Publié le 19 Mar 2014 - 14:47
INTERVIEW - WASIS DIOP, MUSICIEN, CHANTEUR ET COMPOSITEUR

 ‘’Mon nouvel album, ‘Films’, sort dans deux mois’’

 

Artiste qui a su sublimer son héritage pour devenir une star de la World Music, Wasis Diop sera, pour la première fois depuis longtemps, la tête d’affiche d’un concert, dans le cadre de la Journée de la Francophonie qui se tiendra, le 20 mars prochain, à l’institut français. Il était, hier, en conférence de presse.

 

Pourquoi ce concert ?

Quand on m’a invité pour cet événement, je n’ai pas hésité une seconde, parce que ça fait quand même un certain temps que je ne me suis pas produit au Sénégal. J’ai proposé de faire ce que j’appelle un ‘’ciné-concert’’. Je suis happé par le cinéma et je veux désormais faire des concerts, dont la 1ère partie sera toujours la projection d’un film. Le 20 mars, ce sera en l’occurrence un film court, ‘’Galerie Nationale’’, que j’ai moi-même produit et qui me permet de partager les histoires que je peux raconter et les témoignages que je peux faire à travers un filmage.

Vous qui êtes un farouche partisan de nos langues nationales, qui vivez dans un univers francophone, comment arrivez-vous à quand même à préserver une certaine pureté de la langue à l’oral et dans vos textes ?

Je crois que j’y arrive par devoir, même si je n’aime pas trop le mot. Et par conviction aussi parce que la notion de ‘’venir de quelque part’’ me parle. On ne doit jamais oublier ses origines car vivre dans le monde implique qu’on soit conscient de ce qu’on a à y faire. Je ne peux pas vivre comme si ceux qui m’ont précédé ne m’avaient rien transmis.

Ils nous ont transmis tellement de choses que nous avons le devoir de préserver et de garder. Je ne me défini pas, pour autant, comme un gardien de musée. Je suis avant-gardiste dans ce sens que je vais vers le futur mais avec, j’espère, tous les éléments d’une civilisation sénégalaise et africaine qui est importante pour le monde.

Il n’y a que les Africains qui croient qu’ils ne sont pas plus que cette image de sous-développement qu’on nous a toujours renvoyée alors que nous sommes loin de l’être, nous sommes une civilisation riche à tout point de vue. Ici, c’est la terre des philosophes, nous utilisons des langues qui ne sont faites que de métaphores, choses d’une absolument extraordinaire puissance. Je fais partie de ceux qui sont si fiers d’appartenir à ce pays, vous ne pouvez pas savoir à quel point…

À quand le prochain album qu’on attend depuis 2008 ?

Mon nouvel album, ‘’Films’’, sort dans deux mois. C’est un album qui est différent des autres, dans ce sens que j’ai voulu mettre sur un disque l’ensemble de mes compositions pour le cinéma. Il y a des inédits là-dedans, au moins 4, mais l’album est avant tout construit à partir de tout ce que j’ai pu faire pour le cinéma.

Vous avez dit tantôt que vous êtes plus ou moins happé par le cinéma… Peut-on s’attendre à voir Wasis marcher dans les pas de son grand-frère ?

Concernant mon frère, en réalité, j’ai toujours été sur ses traces sans l’être, parce que nous avons tracé, ensemble, un chemin sans que jamais je ne sois son suiveur, mais plutôt son accompagnateur. J’étais à côté de lui. C’est ça qui définit un peu les frères : ils marchent, réfléchissent, se fâchent ensemble…

Dafa melni niari taank*, vous voyez ? En réalité, Djibril on ne le refait pas. Peut-être que c’est d’ailleurs pour ça que je ne suis pas cinéaste ni ne veut le devenir. On ne refait pas un monde. Mon frère était quelqu’un d’assez particulier, un vrai artiste, et je n’ai ni l’envie ni la capacité d’être son héritier.

Moi, je suis ma voix. Nous n’avons pas la même vision cinématographique et ce serait dommage, d’ailleurs, de vouloir l’imiter… Forcément, il m’a influencé. C’est normal, puisque nous sommes des frères. Mais je ne veux pas qu’on m’associe à lui car le fait que nous soyons frères me suffit largement. Nous sommes deux entités.

Quelle est la différence entre écrire une chanson, c’est-à-dire être dans la musique pure, et écrire pour un film, sachant que là, vous avez un support visuel sur lequel vous vous basez ?

Dans notre vie, on est toujours accompagné par des musiques qui sont différentes… Je pense qu’il y a autant de gens ici que de différents styles de musique écoutés parce que les musiques qu’on écoute sont les musiques qui nous accompagnent dans nos vies… En fait, c’est ça une musique de film, celle qui illustre votre vie. Là d’où vient la difficulté de faire une musique pour film, c’est qu’on écrit une mélodie pour une histoire qui n’est pas la nôtre.

C’est-à-dire qu’il faut vraiment rentrer dans une histoire et s’approprier des émotions qui ne sont pas propres et, à partir de là, quand même écrire quelque chose… On passe son temps à vivre comme un schizophrène, à changer de personnalité. C’est beaucoup plus difficile mais en même temps c’est l’intérêt, parce que c’est à chaque fois quelque chose de différent et qui n’a rien à voir avec ce que l’on vit nous-mêmes

Allez-vous, à partir de maintenant, rester dans le domaine de la musique de film ?

Je vais là où on m’emmène, en réalité. C’est vrai que je suis un peu moins attiré par les chansons… Vous savez, moi je suis réputé pour me lasser par mon ombre qui me suit partout. Je crois que la création est aussi le renouvellement de ce que nous sommes… Le cinéma, pour moi, est quelque chose d’aussi naturel que la musique, parce que je suis, sans aucune prétention, né dedans… Dans l’un, on voit et on entend et dans l’autre, on peut aussi le faire car on peut écouter cela peut être aussi voir, dans son esprit, des images… C’est ce que je crois.

Quel est le regard que vous portez sur la musique sénégalaise actuelle, particulièrement le Mbalax ? 

Je ne porte pas de jugement. Je n’arrive pas à juger les autres… Ce qui se passe aujourd’hui au Sénégal va engendrer les richesses de demain. Ce Mbalax récurent, parce qu’on le trouve récurent, je pense que quand on sait l’observer, on voit qu’il s’agit d’un phénomène passager. Tout ce que je sais, c’est que le Sénégal regorge de musiciens géniaux et extraordinaires qu’ils fassent du Mbalax ou autre chose.

Quand on regarde l’échelle du temps qui nous sépare aujourd’hui des précurseurs du Mbalax tels qu’Ablaye Mboup et l’Orchestre Baobab, ou encore Youssou Ndour qui a su apporter quelque chose d’essentiel à cette musique, il s’agit quand même encore d’une histoire qui est encore jeune. C’est un univers qui est en mouvement et qui engendrera forcément un jour quelque chose d’important, pas seulement pour le Sénégal et pour le monde.

Enfin, avez-vous, à l’heure actuelle, un projet grand ou petit que vous voudriez réaliser? Qu’il s’agisse de musique, d’écrire un livre ou autre?

Pour répondre sincèrement à la question, je crois que je n’ai jamais eu de projet. C’est d’ailleurs mon problème. Je n’ai pas de projet parce que je n’aime pas les projets, parce que je suis toujours ce prétentieux qui espère qu’il est toujours en train de réaliser quelque chose.

Le projet voudrait dire qu’on a quelque chose en préparation or, moi, je ne prépare rien. Le principe qui, en tout cas, me caractérise sur l’articulation des choses est que tous les jours je suis en train de faire quelque chose.

Donc, je n’ai pas de projet ficelé. Pour moi, le projet est une mise en attente de quelque chose qu’on fera, ou qu’on ne fera pas… C’est pourquoi je n’aime pas le piège du projet. Pour vous dire que la chose la plus importante et ça, c’est vraiment philosophique, c’est le présent. C’est maintenant que les choses se passent. On a tant de choses à faire chaque jour !

* ''C'est comme deux pieds''

Propos recueillis par Sophiane Bengeloun

 
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