Publié le 7 Jul 2023 - 19:20
INVEST IN SENEGAL

Le free style du Président !

 

Réaffirmant la volonté de l’Afrique de tendre vers plus de partenariat, moins d’aide, le Président Macky Sall, dans un style très relax et direct, a tracé la voie pour attirer davantage d’investisseurs au Sénégal. Pour lui, l’ère des terres conquises est révolue, c’est le temps de la libre compétition.

 

C’est un Macky Sall libéré, décontracté, rassurant et très souriant qui a été, hier, à Diamniadio, pour l’ouverture du forum Invest in Senegal. Dans un style très open et cash, il a aussi tenu à rappeler à tous les investisseurs d’ici et d’ailleurs, les nouveaux paradigmes du partenariat avec l’Afrique. ‘’Nos partenaires doivent aussi comprendre que maintenant c’est aussi la libre compétition en Afrique. Il faut se mettre à l’esprit qu’on va dans un terrain de chasse, où il y a d’autres chasseurs. Il n’y a plus de monopole. Nous, gouvernements, nous devons faire l’effort d’être attractif et d’être en mesure d’attirer les investisseurs, mais ceux qui viennent aussi doivent comprendre que les terres conquises c’est fini. Maintenant, c’est une compétition et les règles sont égales pour tous. Chacun doit faire l’effort qui est attendu de lui. Je pense que c’est très important’’, relève le président de la République dans un style direct.

Dans la même veine, le chef de l’Etat est revenu sur la dynamique de diversification des partenaires du Sénégal engagée depuis quelques années et qui, à l’entendre, ne fait pas toujours des heureux. Selon lui, c’est le temps de la mondialisation et l’Afrique ne saurait être en reste. ‘’J’apprécie beaucoup ce que le représentant britannique (John Humphrey, Commissaire du Roi Charles III pour le Commerce avec l’Afrique : NDLR) a dit. Vous savez, nous, on est francophone, on évolue dans nos milieux ; mais quand on commence à enjamber, à aller voir du côté Commonwealth ou de la Turquie ou de la Chine, parfois on dit : ‘’oui mais le Sénégal là il va où’’, mais il va dans la mondialisation. Il faut aller partout, regarder ce qu’il y a de meilleur’’, a-t-il souligné, non sans saluer la qualité et le dynamisme des relations avec les partenaires traditionnels.

‘’Tout ce que vous avez vu tout à l’heure dans le film qui vous a été présenté en termes d’infrastructures, nous l’avons fait avec eux. Nous avons une coopération dynamique et de très grande qualité avec nos partenaires traditionnels, bilatéraux comme multilatéraux. Nous avons fait et continuons de faire énormément de choses. On ne les remet donc pas en cause, mais on les complète. Parce que, de toute façon, les besoins en investissement en Afrique sont tellement importants qu’aucun pays ne peut soutenir le rythme de la demande. Il y a donc de la place pour tout le monde.’’

‘’Si un pneu brule ici, tout de suite on dégrade la note, dans les pays développés, 100 pneus peuvent bruler, rien ne change…’’

De l’avis du Président de la République, le regard du reste du monde sur le Continent doit évoluer. Selon lui, nous sommes dans le temps de ‘’l’Afrique des solutions’’, pour une économie mondiale essoufflée. ‘’A mon sens, le vrai enjeu du partenariat avec l’Afrique aujourd’hui, ce n’est plus le débat sur l’augmentation de l’aide publique au développement. C’est bien si on donne plus d’argent. Mais le vrai sujet, c’est comment avoir une perception juste du risque d’investissement en Afrique, et comment faire en sorte que les gouvernements des pays partenaires, surtout les Etats Unis et l’Europe, accompagnent les initiatives d’investissement privé en Afrique par des mécanismes de financement et de garantie adaptés.  Il y va de notre intérêt commun.’’

Malheureusement, constate-t-il pour le regretter, malgré les multiples plaidoyers, les choses restent en l’état. ‘’S’il y a un pneu qui brule au Sénégal, on dégrade tout de suite la note du pays, parce que simplement il y a quelques jeunes qui ont brulé des pneus et qui ont mis dans internet. Vous allez dans un pays développé, on peut bruler 100 pneus et 400 000 bâtiments, la note ne bouge pas. Si c’est le Sénégal on va dire : oh Sénégal, c’est maintenant dangereux hein… Y a aucun danger ici, je vous assure qu’il n’y a aucun danger ici’’, s’est-il répété, non sans ajouter : ‘’Le combat c’est donc ça. Changer la perception sur le risque en Afrique.

Si on le fait, ce sera gagnant pour tout le monde… Il est donc important de changer les règles ; c’était d’ailleurs l’objet du sommet de Paris que nous saluons. Voilà un système où ceux qui investissent des milliards viennent en Afrique, font confiance aux pays, au moment où des gens qui n’ont jamais mis les pieds dans les pays vont créer des craintes qui n’existent pas en réalité (les agences de notation). C’est là où nous devons agir ensemble : secteurs privé et public, mais aussi les partenaires. Je pense que, dans quelques mois, nous irons vers des progrès pour que ces grandes institutions changent de méthodes de travail, pour que l’Afrique puisse accéder aux marchés de capitaux, dans des conditions équitables’’.

…........

FISCALITE, LÉGISLATION DU TRAVAIL…

Ce que Macky Sall reproche à Amadou Ba et aux sortants des grandes écoles

A côté des réformes du système international et du changement de paradigme dans les perspectives de partenariat, le Président s’est montré conscient qu’il existe des faiblesses que le Sénégal devrait corriger pour attirer davantage d’investisseurs. Parmi ces faiblesses, il y a les codes très complexes à simplifier, la digitalisation, entre autres. Dans la foulée, il préconise des réformes des codes des impôts, des douanes, de la procédure civile…

Egratignant les sortants de certaines grandes écoles dont le Premier ministre Amadou Ba, il déclare : ‘’Nous avons une fiscalité très complexe. Je le disais au Premier ministre qui est un fiscaliste : la fiscalité est faite pour ne pas être comprise. C’est trop compliqué ; trop, trop compliqué. Je leur ai dit : moi je suis ingénieur, je ne suis pas fiscaliste, mais je comprends la logique. Dans le domaine des bâtiments, par exemple, pratiquement les gens ne paient pas l’impôt. C’est aussi ça la réalité : personne ne paie rien du tout. Je leur dis que pour capter cette manne, simplifiez l’impôt sur le foncier bâti. Ceux qui ont des contrats de location, dites-leur : 11 mois c’est pour vous, un mois c’est pour l’Etat, au lieu d’être là avec des calculs savants qui finalement nous amènent à ne rien recouvrer. Il faudra du courage pour ces services. Parce que, c’est de grandes corporations qui ont fait des études très importantes, qui ont besoin de prouver chaque fois les études… Mais vraiment, de grâce qu’ils nous aident dans des calculs très simples : addition, soustraction et puis on passe à autre chose’’, affirme le Président, plongeant la salle dans l’hilarité.  

Par ailleurs, le Président estime que la législation du travail doit être révisée pour plus de flexibilité. ‘’Il faut qu’on comprenne qu’on ne peut avoir de vieux textes qui datent de l’indépendance et pouvoir aller vers l’émergence avec les mêmes textes. C’est de l’utopie. C’est-à-dire l’emploi est garanti ; qu’on travaille ou pas, on ne peut rien faire contre vous. C’est contre le progrès. Tout le monde connait ma fibre sociale, l’intérêt que j’accorde à l’épanouissement des travailleurs et à l’augmentation de leur pouvoir d’achat, mais il faut que les gens travaillent ou qu’ils cèdent la place.’’

De l’avis de Macky Sall, l’Etat devrait donner l’exemple avec la fonction publique. ‘’Que les gens travaillent pour avancer et non avancer parce qu’on est le plus ancien. C’est aussi cette fonction publique de carrière qui est un frein à la performance. Ensemble, avec tous les agents, nous allons travailler, vous allez travailler parce que de toute façon… (il ne termine pas la phrase), vous allez travailler à poursuivre ces réformes qui demandent beaucoup de courage, beaucoup d’ambitions également, mais qui sont nécessaires.’’

Ces préalables à consolider pour attirer les investisseurs   

Pour attirer davantage d’investisseurs, le Sénégal mise sur quatre axes de réformes stratégiques. D’abord, la digitalisation des procédures administratives liées à l’investissement privé et au commerce ; ensuite l’harmonisation et l’assainissement de l’environnement juridique et fiscal (code des douanes, code des impôts, code de procédure civile) ; après il y a l’amélioration de la compétitivité des facteurs de production dont la disponibilité de l’énergie et du foncier… Enfin, le Gouvernement mise sur la promotion de l’investissement à fort impact dans les pôles de développement.

A cela s’ajoutent, selon le Président, le nouveau cadre juridique sur les partenariats public-privé, la loi sur le contenu local pour soutenir le secteur privé national et d’autres réformes portant sur les Zones économiques spéciales, le financement et le développement des PME, la formation professionnelle, la modernisation de l'administration et de la législation du travail…. Pour relever le défi, insiste le Président, il faut des hommes compétents et dévoués. ‘’Nous devons bannir de nos administrations les comportements laxistes qui entravent la bonne marche des affaires.’’

Cela dit, le chef de l’Etat a mis en exergue l’intérêt de la Paix et de la Stabilité qui sont les préalables que regarde tout investisseur. ‘’Je dois rappeler ici que notre premier investissement, celui qui doit attirer et faire prospérer tous les autres, c’est d’abord la paix, la sécurité, la stabilité et l’Etat de droit. Ce sont les préalables sans lesquels il ne peut y avoir ni commerce ni investissement durables’’, a-t-il souligné, non sans rassurer que l’Etat de droit et la stabilité seront préservés.

Macky plaide pour la co-contractance et non plus pour la sous-traitance

A l’intention du secteur privé national, le Président de la République est revenu sur les nombreux efforts mis en œuvre par son régime pour les aider à se développer, notamment la loi sur le contenu local. Les résultats les plus éloquents mentionnés par celui qui va céder le pouvoir dans 6 mois, c’est l’octroi de parts de marché dans le domaine de l’énergie, autrefois entièrement contrôlé par le privé étranger.

‘’Il m’a fallu beaucoup me battre pour que le IPP puisse être fait par des Sénégalais. C’était très difficile, mais c’est fait. C’est un choix souverain de politique. Avec beaucoup de dextérité, on l’a réussi : avec deux IPP. Un de 300 mw et un autre de 250 mw. Pour la première fois, des Sénégalais investissent ce secteur, c’est très important. Il faut aussi que les nationaux soient aidés.’’

Pour le président de la République, les nationaux doivent être soutenus. ‘’Je prône le développement de la co-contractance et non seulement de la sous-traitance. Mais cela ne suffit pas, il faut également que le secteur privé national se regroupe’’, plaide le Président Sall qui appelle les investisseurs africains à davantage investir sur le Continent, où il y a pas mal d’opportunités.

Mor AMAR

Section: